3.1 Un accompagnement professionnel sur des postes réputés difficiles

Il s’agit là d’une expérience conduite sous la responsabilité d'un inspecteur de l’éducation nationale en charge d'une circonscription réputée très difficile et pour laquelle, non seulement les postes d’enseignants sont peu demandés, mais ils échoient trop souvent à de jeunes professeurs des écoles sans expérience.

Un constat est à l'origine de cette action : quatre-vingt-quatorze professeurs des écoles sortant de l'IUFM avaient été nommés sur cette circonscription au cours des trois dernières années qui ont précédé ce projet. De plus, quatre-vingt-dix pour cent des professeurs des écoles avaient reçu une nomination d'office, sans l'avoir demandée. Enfin, la mobilité dans cette circonscription avoisinait le quart de l'effectif, ce qui représente un taux élevé dans le département.

Le nouveau contrat pour l'école précise dans la proposition numéro 133 que ‘"sauf s'il est volontaire, aucun enseignant débutant ne peut être nommé sur un poste difficile"’ . Cette proposition posait un réel problème. Les propositions numéro 152 et numéro 134 précisaient que les enseignants nommés sur un poste difficile devraient être aidés et qu'ils auraient quelques avantages en terme de carrière.

La question que s'est posée cet inspecteur213 fut :

"Comment faire vivre la déclaration numéro 133 ? ", étant entendu que le volontariat dont il était question nécessitait, en amont, une sensibilisation et une information, seules garanties pour éviter les affectations d'office.

S’associant à une équipe de professeurs d’IUFM séduits par le projet214, un inspecteur a proposé à de jeunes professeurs des écoles stagiaires, volontaires pour solliciter un poste dans sa circonscription dès la sortie de l’IUFM, un complément de formation. Cette préparation à l'emploi a débuté dès la formation initiale et s’est prolongée, sous forme de stages de formation continue pendant les trois premières années de prise de fonction à raison de douze heures chaque année.

L'équipe des formateurs a réalisé un livret personnel de formation de professeur d'école. Il est conçu pour aider chaque stagiaire à "gérer la mémoire de sa formation professionnelle". Il se présente sous forme de fiches techniques qui, en trois parties, facilitent le travail de conception puis de mise en oeuvre et enfin d'analyse d'une unité d'enseignement-apprentissage215 pour permettre la mise en action de remédiations.

A la fin de chacune des parties, une grille à remplir par le stagiaire, permet d'inscrire les réponses acquises dans les modules de formation, ainsi que les questions restées en suspens.

Dès la première année, les postes qui restaient habituellement vacants à l'issue du mouvement n'ont certes pas tous été demandés mais près d'un sur deux a été pourvu par des enseignants volontaires216 qui sortaient de l'I.U.F.M ; ce fut un premier succès très appréciable.

Un mois après la rentrée, l'inspecteur avait étudié tous les dossiers et l'analyse des réponses dans les trois rubriques (conception, mise en oeuvre et analyse) laissait apparaître les besoins suivants :

  • "Conception. Des attentes sont inscrites dans le domaine de la didactique des disciplines, de l'évaluation et de l'actualité pédagogique et didactique.

  • Mise en oeuvre. Les pédagogies et leurs outils, la gestion des élèves dans les classes, la programmation dans le temps (semaine, année, cycle, ...) et l'hétérogénéité, le statut de l'erreur et les spécificités culturelles.

  • Analyse. Les indicateurs institutionnels (résultats et évaluations nationaux), le travail en commun au sein des équipes, l'utilisation de la 27ème heure217, le réseau d'aides aux élèves en difficulté (pour savoir qui fait quoi ? Et avec qui ? ) ainsi que les réseaux et partenariat dans les ZEP"218.

Quatre rencontres de deux heures furent organisées tout au long de l'année, en supplément des douze heures de formation. Elles regroupèrent tous les nouveaux nommés, qu'ils soient volontaires ou non. Seuls les modules de formation de douze heures furent réservés aux seuls professeurs d'écoles volontaires.

Un tel projet, nous semble-t-il, peut permettre à l'inspecteur d'être reconnu comme un accompagnateur d'équipes, sensibilisé et informé sur tout ce qui fait la spécificité du métier de professeur des écoles dans une zone réputée difficile. Il reconnaît le débutant en tant qu'acteur du système éducatif et non pas comme pièce d'un échiquier au moment de la carte scolaire. Il lui reconnaît le droit mais aussi anticipe sur la capacité à analyser sa situation professionnelle pour réfléchir à des remédiations professionnelles possibles. Enfin, l'inspecteur à l'initiative de ce projet d'actions est bien le garant attentif au bon fonctionnement du service public d'éducation et solidaire des enseignants dans l'action éducative qu'ils mènent au quotidien. De telles pratiques sont assurément inscrites dans une démarche de côte à côte, tournant résolument le dos au face à face.

Notes
213.

Il s'agit d'A. MARIONI, inspecteur de la circonscription LYON 22, dans le département du Rhône.

214.

Ce sont tous des ex-professeurs d'Ecole Normale. Un seul universitaire s'est intéressé au projet mais n'est pas parvenu à dégager du temps pour s'y consacrer.

215.

Le professeur d'école enseigne, mais il veut aussi aider l'élève à apprendre.

216.

12 sur 25 pour être tout à fait précis (sources : I.E.N. de la circonscription).

217.

Les enseignants du premier degré enseignent maintenant 26 heures et la 27ème heure permet des réunions de travail et de formation en équipe.

218.

Entretien avec A. MARIONI.