Quel que soit le thème, les enfants sont d'abord dans une démarche inductive, donnant dans un premier jet :
des exemples E (= du vécu), comme s'ils se mettaient au diapason pour apprivoiser la réalité du contenu du thème (autrement dit l'existence de la chose) ;
quelques-uns ensuite tentent d'élaborer une définition D (= analyse de sentiment) essayant d'élucider le sens du mot, pendant que les autres affermissent leur position en multipliant les exemples ;
lors des rappels du sujet RS (directs “on ne parle pas de ça” ou indirects), l'enfant juge et se vit comme garant de la pensée collective ; il s'en sert d'ailleurs pour s'affirmer lui-même.
La dynamique de l'entretien dépend aussi du style d'intervention :
des assertions A qui peuvent être encourageantes et évaluantes (“c'est bien ce que tu dis”) ou devenir affirmations péremptoires (“c'est comme ça”) à moins qu'elles fassent référence à (“maman me dit que... ”).
des questions Q ("pourquoi t'as pas envie ?") - des négations N ("je n'étais pas contente")
et des hypothèses ("si...").
Bien sûr le micro enregistre les bredouillements, les ratages ("j'ai oublié, euh...") et les silences - désirs d'intervenir manifestes mais non formulés.
Ce qui me paraît vraiment étonnant pendant ces entretiens, c'est le climat de sérieux, de concentration, et de coopération !... et pas seulement pour faire plaisir à la maîtresse ! Parfois le ton est vif et passionné ("ce n'est pas la peine de dire ça ! Tu te prends pour la maîtresse en parlant comme ça !").
En fait, il est évident qu'au cours de ce temps de philosophie, l'enfant a un désir authentique de réfléchir, et pas n'importe comment, mais COMME UNE GRANDE PERSONNE. Il opère un changement de place en entrant dans le mode de pensée qui est effectivement celui des grandes personnes.