Conclusion
Vers un modèle éducatif qui permette à chacun de devenir "oeuvre de soi-même" (J.H.Pestalozzi)

‘"A S..., Monsieur D..., très pressé et très absorbé, passe devant moi sans me voir. Il devrait être à dix kilomètres de là, dans sa classe. Mon hôtelier me dit :
- Comment, vous constatez qu’il n’est pas à son travail et vous ne lui faites aucune observation ?
- Mon ami, si vous n’avez pas confiance en vos marmitons, moi j’ai confiance en mes maîtres. Cent francs contre un sou qu’il y aura ce soir un mot de Monsieur D... dans ma boîte.
Je l’y trouve à mon retour : son fils s’est cassé une jambe. Je mets le papier dans mon portefeuille pour donner une répétition gratuite à ce gargotier"’.
L. BOURLIAGUET, Carnet d’un pédestrian, Armand Colin, Paris, 1948, page 19.

Il nous revient, au terme du parcours, de proposer une synthèse des indices et des éléments recueillis pendant cinq années. Tous confirment que la diversité des tâches que l’administration centrale exige actuellement de ses inspecteurs de l’éducation nationale, qu’elles soient d’ordre administratif, gestionnaire ou pédagogique, entraîne une confusion dans l’esprit des enseignants et représente, souvent, un obstacle aux actions que souhaiteraient développer les inspecteurs.

Tout au long de cette recherche, nous nous sommes proposé de montrer en quoi l’élaboration d’un code de déontologie s’appuyant sur des valeurs éthiques doit fonder, guider et fédérer la reconnaissance, l’évaluation et l’accompagnement du travail des instituteurs et des professeurs des écoles, nous avons même présenté des outils pouvant préfigurer ce code. En fait, nous faisons le constat, à son terme, que c’est la place actuelle de l’inspection, dans l’organigramme exécutif du système éducatif et donc, tout naturellement, celle de l’inspecteur de l’éducation nationale, qui est en jeu et certainement à redéfinir.

Aussi, d’emblée et avant de retracer de manière plus détaillée les différentes étapes qui nous ont conduit à ces conclusions, avant même de reprendre la problématique et montrer la validité de notre hypothèse, par estime et en hommage à Fernand OURY, nous nous autorisons à utiliser l’un de ses derniers écrits dans lequel il affirmait que nous ne devions pas nous laisser berner par ceux qui seraient incapables de faire ce que nous faisons. Inspecter n’est pas un art295 (au sens esthétique accordant à l’art la fonction de créer le beau), c’est un métier296 ‘"et pour survivre, écrivait-il, il faut choisir : changer de métier ou changer le métier"’ 297 . C’est assurément changer le métier qui devient inévitable pour construire l’inspection du vingt et unième siècle. Elle ne peut plus être l’inspection imaginée et créée, il y a près de cent soixante dix ans, par François GUIZOT.

La vocation de la reprise qui suit est de nous convaincre des modifications et réformes rendues nécessaires par les ruptures successives des fonctions de l’inspecteur et des modèles qui les sous-tendent. Ces évolutions ne seront possibles que dans la mesure où les principaux intéressés en seront les premiers acteurs ; et donc, pour reprendre ce que nous disions au début de cette recherche, dans la mesure où ils seront impliqués dans une démarche réflexive sur leur propre travail, devenant ainsi des auteurs voulant ‘"se situer explicitement au fondement de leurs actes"’ 298 .

Notes
295.

Fernand OURY écrivait "enseigner n’est pas un art".

296.

En ce sens, l’art est défini comme "un ensemble de procédés visant un certain résultat pratique spécialement dans un métier déterminé". In Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines. L.-M. MORFAUX. A. COLIN, 1980.

297.

René LAFITTE rend hommage à Fernand OURY et le cite, dans le numéro 98 de la revue le nouvel EDUCATEUR, PEMF, MOUANS, avril 1998, page 31.

298.

J.P. POURTOIS, H. DESMET, L’éducation postmoderne, Pédagogie d’aujourd’hui, PUF, Paris, 1997. Page 306.