UNE CERTITUDE INÉBRANLABLE

Comme l'a fait Humbert-Droz, Leyvraz décide de concrétiser ses convictions. Fidèle à l'esprit d'aventure mystique et idéologique qui l'habite, il s'affilie à la Jeunesse socialiste suisse regroupée en une Fédération romande qui, depuis 1917, dispose de statuts239; il souscrit par conséquent à une ligne clairement définie : La fédération - qui a pour tâche "de faire l'éducation intégrale de la jeunesse prolétarienne" - se doit :

‘a) "de préparer les jeunes à devenir des hommes normaux et libres en développant leur organisme physique, leurs facultés intellectuelles, en purifiant leur conscience morale et en ouvrant leur coeur à un idéal de fraternité humaine.
b) de préparer les jeunes à devenir des citoyens éclairés, épris de progrès, de liberté, de justice et de paix.
c) de préparer les jeunes à devenir des socialistes conscients et militants en leur donnant les connaissances les plus étendues sur les questions sociales et ouvrières et de les former pour l'action socialiste et antimilitariste240".’

Par l'intermédiaire de l'avocat israélite qui lui avait trouvé un travail, Leyvraz rencontre quelques membres de la section du parti ouvrier socialiste vaudois de Leysin; il découvre alors un esprit de camaraderie qui, s'il est ‘"chimérique à coup sûr et farci d'illusions241"’, n'en dévoile pas moins au jeune militant des trésors de générosité et de fraternité. Ici, dans ce petit cercle d'amis, point d'intrigues ni d'ambitions, pas de jalousie ou de haine. Ce socialisme-là est pétri de renoncement et de foi, de courage et de dévouement. Devant ces ‘"humbles et patients apôtres242"’ Leyvraz, malgré sa fraîche science, se sent bien petit. Parmi les animateurs de la section, il y a le facteur Edouard Scherrer (*) surnommé crouiatzet 243, ‘"homme énergique et loyal, sur lequel on [peut] toujours compter en toute sécurité et qui [donne] toujours avec une brusquerie cordiale l'exemple de l'entr'aide la plus généreuse. Tout d'une pièce d'ailleurs, ayant horreur des compromis et bourré de formules révolutionnaires ... Un lutteur, mais nullement enclin à la destruction gratuite, ni hâbleur, ni anarchiste pour un sou244".’

Lorsque Leyvraz la découvre, la section socialiste de Leysin est quelque peu assoupie; il décide de la réveiller. Pour cela, il faut d'abord trouver un local. La tâche se révèle ardue; les partis politiques en place, se sentant peut-être menacés, refusent d'accueillir en leurs locaux des semeurs de troubles. Qu'à cela ne tienne, c'est vers le pasteur du lieu, le bon papa Favez, que la section se tourne. L'homme est courageux; faisant fi de la ségrégation qui entoure le petit groupe et pour que cesse l'injustice, il ouvre .... les portes de la cure ! Peut-être espère-t-il secrètement ‘"infuser un peu de son esprit évangélique245"’ à ses nouveaux locataires ? De temps à autre, il assiste à une réunion au cours de laquelle il prononce ‘"quelques exhortations d'un tour tout franciscain246"’; bien sûr, ses admonestations n'écarteront pas ces étranges paroissiens d'une ligne très bien tracée; mais l'attitude du vénérable ecclésiastique touche cependant Leyvraz, et plus profondément qu'il ne veut alors le croire.

Conformément aux statuts de la Jeunesse socialiste suisse, les séances de la section sont principalement ordonnées à un travail d'éducation, basé sur la formation247. Leyvraz y joue un rôle important qui le contraint à creuser un sujet, à ordonner ses idées, bref, à asseoir sa pensée. Il choisit pour thème de sa première intervention une présentation des utopistes, précurseurs de Marx : Saint-Simon, Fourier, Leroux, Pecqueur et Considérant. En général, après la conférence, la discussion tourne autour d'un point du programme, d'un article, d'une petite publication ou, aussi, d'un événement politique. Puis, au terme de l'échange, Leyvraz saisit son violon et voilà le petit groupe prêt ‘"à déchiffrer quelque hymne humanitaire ou révolutionnaire248"’. Parfois, le jeune militant déclame des poèmes. Ceux de son cher Jehan Rictus, ce "lépreux des démocraties249" dont les vers ‘"(...) hé, catholiques, Apportez-nous un bout d'hostie, Gn'a Jésus-Christ qui meurt de faim250"’ crient au plus profond du coeur du jeune homme. Il lit aux ouvriers et ouvrières qui se tiennent devant lui, les Soliloques et le Coeur populaire; et voici que certains d'entre eux se détournent ‘"en silence pour essuyer une larme après la "Jasante de la vieille"251"’. Outre Rictus, il y a aussi des poètes antimilitaristes dont les oeuvres sont éditées par diverses publications révolutionnaires. Aujourd'hui, Leyvraz lit la Danse des Morts 252 de Pierre-Jean Jouve (*), ‘"poème de douleur et de colère253"’ dédié à Tolstoï (*) et à Romain Rolland (*) et qui, dans un rythme bouleversé, dit le chaos dans toute son atrocité : la Mort, dans un sarcastique éclat de rire, invite tous ces profitards rassasiés - hommes de science, de lettres, d'Eglise ou d'Etat - qui vivent de la mort des autres et sont morts à eux-mêmes, à danser une gigue endiablée. A Leysin, à travers le regard des internés que Leyvraz croise, la guerre a pris visage. Voici que les mots, maintenant, lui donnent parole :

La mort
Mes cadavres, mes cadavres !
Rampe, ta chair à demi-morte,
Combattant d'hier,
Sur ce terrain-là,
Le reconnaîs 254 - tu ?
Tu y courus, bête sauvage;
- Et regarde :
Cadavres, cadavres !
Des horizons et des marées !
Pacifiés, déchiquetés, les vieux, les jeunes,
Epaisseurs sur épaisseurs dans la terre cadavéreuse,
Brassés par la pluie,
Arrachés par celui qui passe,
Et labourés, et retournés,
Chaque jour, par les obus tenaces,
Morts que la mort tue, fusille, crève et fait éclater
Encore ! (...)

Demain, ce sera La Guerre infernale 255 de Gustave Dupin (*), ou Une voix de femme dans la mêlée 256 de Marcelle Capy (*), ou un texte de Pierre Jannik. Et, encore, un passage du poème lyrique de Marcel Martinet (*) Les temps maudits, 1914-1916, dédié ‘"à la fraternité humaine, à Romain Rolland fidèle, à l'Internationale des Travailleurs257"’ qui scandera pour les camarades rassemblés autour de Leyvraz toute la désolation engendrée par ceux qui s'entre-tuent :

L'agonie
"Grande pitié qui est au royaume de France,"
O mon pays, douleur de ma patrie,
Ton clair visage est plombé par la mort,
L'arbre et la terre et les murs de la ferme,
L'herbe du pré, le charbon de la mine,
Le blé en fleur et le bois de l'armoire,
Et le pavé, la vieille pierre humaine,
Tout est mêlé, déchiré, écrasé,
Et c'est la boue d'une bouillie de sang
Qui de ton ventre où la mort creuse et fouille,
Terre de France, ô terre assassinée,
Terre criblée de semailles d'acier,
C'est cette boue de ce qui fut ton sang,
Ta fière joie et ta force éternelle,
C'est de ta chair que coule cette boue,
Pays français, ô terre maternelle.

Mais il ne suffit pas de former une poignée de camarades à la culture révolutionnaire et de vivre en vase clos. Il faut encore se faire connaître, trouver de nouveaux adhérents, défendre ses idées, affronter d'autres partis politiques258. En automne 1917, l'élection du Conseil national va permettre au jeune Leyvraz de fourbir ses premières armes : le 14 octobre, le parti Jeune-radical indépendant259 organise une assemblée populaire, dans la salle du Conseil communal d'Ormont-dessus, village situé à quelques kilomètres de Leysin. L'affiche de la rencontre spécifiant que ‘"tous les citoyens progressistes et indépendants de la région sont cordialement invités à assister à cette assemblée"’, le meneur de la petite section socialiste décide de se mêler au débat et d'y assurer la contradiction. ‘"Vigoureusement secondé par un groupe de camarades, [Leyvraz laisse ainsi] à l'assistance l'impression qu'elle se [trouve] en présence d'une force bien organisée et résolue à se tailler sa part dans la politique communale et cantonale260."’ D'ailleurs, L'Echo de la Montagne du mardi 16 octobre ne manque pas d'en donner un compte rendu. Après avoir mentionné qu'une cinquantaine de citoyens s'étaient rendus à la réunion, le chroniqueur signale que les exposés de MM. Pelet, professeur, président du comité central, Matthey, ingénieur, et du Dr Girardet, député au Grand Conseil furent "suivis avec intérêt et vivement applaudis". Puis il continue : ‘"Au cours de la discussion qui a suivi, M. Leyvraz (Leysin), socialiste, a approuvé dans un certain sens le point de vue des Jeunes radicaux, levant toutefois quelques objections auxquels MM. Pelet et Matthey ont ensuite répondu."’ Est-ce par crainte des Jeunes radicaux indépendants ou par peur que la section socialiste de Leysin ne vienne une fois encore semer le trouble ? Toujours est-il que, dix jours plus tard, lorsque le parti radical organise au collège de Leysin une conférence tenue par M. Gaudard, Conseiller national, il est bien spécifié que cette assemblée est réservée aux membres du Parti radical et qu'elle n'est pas contradictoire !

Ainsi, grâce au travail de chacun, le dynamisme du petit groupe a porté des fruits; la section s'est étoffée et Leyvraz a pu créer une classe d'études sociales. A deux reprises, au printemps 1918, il sollicite du Conseil municipal l'autorisation d'occuper une salle d'école, une fois par semaine, le soir; malheureusement, la réponse est négative : ‘"Après discussion, la municipalité décide de refuser cette demande, estimant que les locaux scolaires doivent être réservés aux enfants des écoles et qu'ils ne seront pas accordés pour des assemblées d'adultes, quelles qu'elles soient261"’. En revanche, lorsque Leyvraz demande à la municipalité la permission de dépasser le couvre-feu fixé à 22h., lors d'une conférence qui se tiendra le 20 mars, la permission d'onze heures lui est accordée262. Enfin ! les élus de la commune semblent avoir pris acte de l'existence du groupe. Quelques semaines plus tard, en réponse à une lettre du préfet, s'inquiétant des mesures d'ordre éventuelles à prendre en vue du Premier Mai, le Conseil municipal répond que la petite ville dispose ‘"de trois gendarmes, de quatre agents et d'un piquet de pompiers263"’; et c'est ainsi que la section du parti ouvrier socialiste vaudois de Leysin peut arborer le ruban rouge et organiser son petit meeting ...

L'augmentation notoire du nombre des socialistes à Leysin permet aux camarades de se lancer dans un travail de propagande. Acquis à un pacifisme canalisé par un groupe d'intellectuels réfugiés sur sol helvétique, Leyvraz et sa section décident de recruter des abonnés pour les journaux et revues d'extrême-gauche que ces artistes et penseurs éditent en Suisse romande, durant ces années d'intense fermentation intellectuelle. En effet, depuis 1915, une colonie littéraire formée de libertaires, plus ou moins réfractaires, s'est regroupée sur les rives du Léman et du Rhône264 autour de Romain Rolland, l'homme au regard d'aigle, aux yeux lumineux dans lesquels se lisent la passion et l'intelligence. La voix faible de l'écrivain prend des accents de sévérité lorsqu'elle dit l'absurdité de la guerre ou la profonde solitude dans laquelle l'a plongé son appel265 - Ô Jeunesse héroïque du monde - à rester Au-dessus de la mêlée 266. La pensée que Vater Rhein - le grand fleuve qui a amené Jean-Christophe 267 à la musique - puisse séparer des peuples aimés, lui est insupportable; dès le début du conflit, il multiplie les interventions auprès d'intellectuels allemands, hollandais, français et belges268, pour qu'en dépit des frontières, les grands esprits oeuvrent à la réconciliation et provoquent la création d'une "Haute cour morale" qui statue de manière objective (sans distinction des camps) sur toutes les violations du droit de la personne; les démarches de ce visionnaire269 qui n'a aucun respect pour la guerre le font qualifier par certains de père du défaitisme intellectuel alors que d'autres le considèrent comme le sauveur de l'honneur de la France.

Le groupe d'amis pacifistes et internationalistes - cette petite Internationale de l'Esprit qui s'est formée autour de Romain Rolland - réunit, entre autres, Henri Guilbeaux (*), Pierre-Jean Jouve, Marcel Martinet, Frans Masereel (*), Claude Le Maguet (*), Charles Baudoin (*), René Arcos (*). Mais à travers Rolland qui lui a consacré un livre, c'est Tolstoy270 qui constitue le noyau de leur amitié : tous se désaltèrent à cette source commune, tous vénèrent sa pensée, son action, sa souveraine liberté de conscience; chacun est aimanté par sa personnalité attachante, par ce lien qu'il tisse entre la Russie - lieu de tous leurs espoirs - et la lutte qu'ils mènent sur sol suisse, pour l'avènement d'une réconciliation et d'un renouvellement social. C'est par la lecture de Tolstoï que Jouve est arrivé à Rolland, c'est en sortant de chez Paul Birukoff, exécuteur testamentaire de Tolstoï, que Jouve rencontre Le Maguet. C'est parce qu'ils vénèrent le maître d'Iasnaïa Poliana que Le Maguet et Masereel lui consacrent un numéro des Tablettes en juin 1917. C'est à Tolstoï éducateur que Baudoin est en train de consacrer un ouvrage.

Leyvraz admire lui aussi profondément Tolstoï. Ne garde-t-il pas à son chevet deux livres de pensées tirées de ses oeuvres par Ossip-Lourié ? Chaque jour, il y puise ‘"de la poudre et des balles pour lutter contre l'ordre social [qu'il a] en aversion271"’. Le tolstoïsme devient sa religion et l'assied dans ses convictions; les aspirations humanitaires du jeune militant y trouvent une nourriture solide; en outre, certains propos de Tolstoï l'ancrent dans sa méfiance du christianisme : ‘"Tout ce qui est vivant est indépendant de l'Eglise"; ou encore : "Jamais, depuis le temps d'Arius, il n'y a eu un seul dogme qui ne résultât du désir de contredire au dogme opposé272."’

Leyvraz souscrit aussi aux combats d'un Romain Rolland qui vient de lancer son Appel aux peuples assassinés; dans ses randonnées solitaires, ‘"entre deux méditations collectivistes ou deux apostrophes des Châtiments273 "’, le jeune homme répète quelques tirades rollandiennes : ‘"La civilisation d'Europe sent le cadavre (...). Dans le fléau d'aujourd'hui nous avons tous notre part (...). Apathie du plus grand nombre, timidité des honnêtes gens, égoïsme sceptique des veules gouvernants, ignorance ou cynisme de la presse, gueules avides des forbans, peureuse servilité des hommes de pensée qui se font les bedeaux des préjugés meurtriers qu'ils avaient pour mission de détruire; orgueil impitoyable de ces intellectuels qui croient en leurs idées plus qu'en la vie du prochain et feraient périr vingt millions d'hommes, afin d'avoir raison; prudence politique d'une Eglise trop romaine, où Saint Pierre le pêcheur s'est fait le batelier de la diplomatie; pasteurs aux âmes sèches et tranchantes comme un couteau, sacrifiant leur troupeau afin de les purifier; fatalisme hébété de ces pauvres moutons ... (....) Dans le ragoût innommable que forme aujourd'hui la politique européenne, le gros morceau, c'est l'Argent. Le poing qui tient la chaîne qui lie le corps social est celui de Plutus. Plutus et sa bande. C'est lui qui est le vrai maître, le vrai chef des Etats. C'est lui qui en fait de louches maisons de commerce, des entreprises véreuses (...) Peuples, unissez-vous ! (....) Oubliez vos rancunes dont vous périssez tous. Et mettez en commun vos deuils (...). Si vous ne le faites point, si cette guerre n'a pas pour premier fruit un renouvellement social dans toutes les nations, - adieu, Europe, reine de la pensée, guide de l'humanité ! Tu as perdu ton chemin, tu piétines dans un cimetière. Ta place est là. Couche-toi ! - Et que d'autres conduisent le monde274 !"’

Avec toute une jeunesse d'extrême-gauche, René Leyvraz s'inscrit dans ce grand élan qui porte en lui l'espérance du changement, tel qu'il vient de se produire en Russie et qui ne pourra s'étendre que par une révolution mondiale et par l'instauration des soviets dans les Etats européens275. Partout en Suisse une intense activité se déploie. Le socialisme révolutionnaire est à son comble. Avec l'espoir de s'attirer les sympathies d'un pays neutre, Allemands, Autrichiens, Français et Italiens, tous déversent leurs flots de propagande que la censure helvétique ne parvient pas à endiguer. Tracts et brochures se répandent grâce à des agents bénévoles. Les espionnages s'organisent276.

Pour diffuser appels et informations, défendre leurs points de vue, faire entendre leurs voix, les amis groupés autour de Romain Rolland mettent leur ardeur à tisser des liens par-dessus les patries et les nationalismes. L'art et l'écriture constituent la base de leur action et ce sont les périodiques qu'ils éditent que la section de Leysin décide non seulement de lire, mais encore de soutenir par une recherche d'abonnés277. Le groupe des réfractaires de Genève se retrouve, en hiver, dans le cadre de conférences et de lectures populaires organisées pour les lecteurs des Tablettes; ou le samedi, avec femmes et enfants dans la campagne genevoise, chez les Birukoff. Chacun encourage ses lecteurs à lire la publication des autres. Toutefois de fréquentes tensions apparaissent au sein de l'équipe; le 12 septembre 1917, Jouve écrit à Rolland : ‘"C'est ici une sorte de Byzance des révoltés où d'âpres chicanes intellectuelles émiettent l'effort commun. Comme je souffre de cela ! "Ils" sont des millions, et nous sommes dix : dix doctrines et dix intolérances différentes : nous nous mangeons entre nous278."’ Les difficultés financières qu'ils doivent tous affronter, leur isolement et les critiques auxquelles ils doivent faire face nourrissent leur irritabilité. Malgré la profonde admiration qu'il lui porte, Jouve reproche à Rolland, pour ce qui concerne la question de la non-résistance, de proportionner l'expression de la vérité aux forces humaines, et de ne pas proposer un système plus cadré, une foi plus rude. Jouve, le tolstoïen, a de fréquentes querelles avec Guilbeaux, le léniniste, dont il ne supporte ni la hargne, ni la provocation; Guilbeaux, à son tour, s'irrite de la modération d'un Jouve, attitude qu'il qualifie d'égoïsme; il ne tarde pas non plus à critiquer Le Carmel de Baudoin qu'il considère comme trop pâle, trop humainement pacifiste, bref trop amorphe. Constamment, Rolland se doit de ramener la paix entre ses amis. Quant à l'anarchiste Le Maguet, il n'adhère ni aux idées zimmerwaldiennes ni au programme des bolcheviks; violemment antisocialiste, il a fréquemment d'âpres discussions avec Guilbeaux et refusera, lorsque celui-ci le lui demandera, d'assurer le secrétariat de Demain. Certains (Martinet, Guilbeaux) sont zimmerwaldiens, d'autres (Birukoff, Jouve, Dupin) ne le sont pas. Enfin, assez rapidement, Romain Rolland sera en désaccord avec l'orientation que Guilbeaux donne à sa revue Demain; il la trouve trop violente, insuffisamment documentée, pas assez objective279.

Cette publication a été créée par Guilbeaux en janvier 1916280. Pour défendre la paix, Demain se veut foyer d'opposition au nationalisme et à la guerre, sorte de trait d'union entre les révolutionnaires européens281. Dans son édito intitulé "Et demain ? ...." Guilbeaux trace son programme : il se propose de se préoccuper non seulement des conditions de la paix mais, surtout, "d'étudier tous les moyens propres à enrayer enfin le redoutable fléau créé par l'homme lui-même". Puis, pour justifier le nom de son bulletin, il termine par cet appel : ‘"Regardons, scrutons l'avenir, et au culte de la haine et des préjugés substituons la passion de l'amour, de l'humanité, de la science et de la vérité282."’

Il y a aussi le mensuel d'esprit libertaire, Les Tablettes 283 qui, grâce à un travail exécuté en camaraderie, paraît à partir d'octobre 1916 sous la gérance de Claude Le Maguet284. Dès le premier numéro, le ton est donné : les lecteurs sont invités à réagir, à ne pas capituler, à être des hommes épris de liberté qui ne laissent les événements avoir prise sur eux-mêmes : ‘"Nous pensons que la guerre nous a détournés de la vie, nous ne pouvons rien contre le fléau lui-même et c'est notre désolation; cependant, nous ne devons pas nous laisser gagner par l'apathie et abandonner toute activité bienfaisante. (...) Et c'est encore lutter contre la guerre que de ne pas nous laisser déprimer par la douleur qu'elle nous cause285."’

Et encore : la revue de Louis-Charles Baudoin, Le Carmel, qui se veut comme cette Montagne sainte intérieure en laquelle chacun - qu'il vive en paix ou sous les armes - peut se retirer. Cette publication artistique qui remue des idées non seulement philosophiques mais aussi sociales, est créée ‘"pour établir une communion spirituelle entre des personnalités également éprises de vérité, de justice et de bonté, et que les questions du présent peuvent diviser dans la pratique; pour affirmer le droit d'aînesse de la pensée par opposition aux doctrines de la force brutale286".’

Hors de Genève, à Lausanne, il y a l'Aube 287, journal dirigé par Paul Golay (*) que Leyvraz, âgé de 17 ans, a rencontré à la Maison du Peuple, lors de ses études, et qu'il aimera beaucoup288 : Golay est ‘"un sentimental et un romantique, héritier des vieilles barbes de 48 et des communards de 70289; [un] homme exquis, plein de générosité et de délicatesse290"’, d'un tempérament vif, ironique, mordant mais coloré d'un humour bien vaudois; de temps à autre, avec son solide accent, il déclare ‘"en souriant dans sa barbiche : "Le Grand soir arrivera un de ces quatre matins" ...291"’; dans une brochure intitulée Un Rêve292, il imagine une révolution soviétique s'opérant, en Pays de Vaud, dans les caves, avec verrée au guillon ! Mais cet homme enjoué est aussi un polémiste redoutable qui exerce ses talents dans la presse socialiste vaudoise293. Excellent orateur, son verbe a ‘"l'éclat gaulois, et même la flamme méridionale, comme il arrive souvent chez le Vaudois déchaîné294"’. Lorsqu'il crée L'Aube, Golay croit de toute son âme que la Révolution russe de 1917295 marque l'aurore d'une libération prolétarienne qu'il appelle de ses voeux : ‘"La crise ne peut se dénouer que d'une façon. Par le réveil des peuples, le grand acte révolutionnaire, l'acte de foi, d'audace ... qui, de cette guerre atroce, suscitera un monde nouveau ... L'oeuvre de Lénine, de Trotsky, ne sera pleinement efficace qu'à condition d'être secondée par le prolétariat des puissances centrales. Et pour la millième fois, nous répétons : Nul plus que nous ne désire la révolution allemande impitoyable et définitive. Mais alors, dans quelle situation seront les gouvernements de tous les pays ? Maintenant, c'est la crise. La grande ... Il faut liquider. Qui sera le vainqueur : la Mort ou la Vie296 ?"’ Leyvraz s'identifie peut-être à ce journaliste de vingt ans son aîné dont le parcours ressemble étrangement au sien297. Et Golay - qui y avait installé son bureau - était certainement présent le fameux soir du meeting à la Maison du Peuple de Lausanne, où le jeune Leyvraz, découvrant le socialisme, se sentit envahi d'un amour exaltant. En tout cas, son influence est incontestable : le rédacteur de l'Aube est un disciple de ces personnages, tels Georges Renard et Vandervelde, qui introduisent Leyvraz dans le socialisme.

Editée dès 1914 sur terre neuchâteloise, il y a La Voix des Jeunes 298, étroitement unie aux revues citées ci-dessus; Humbert-Droz en est le principal rédacteur299. Dès sa sortie de prison en janvier 1917, le jeune pasteur se lie d'amitié avec Guilbeaux, Le Maguet, Birukoff, Martinet, Jouve et Masereel. Ainsi, sans être géographiquement rattachée aux amis "genevois" de Romain Rolland, La Voix des Jeunes se rallie à leurs idées : régulièrement, elle invite ses lecteurs à lire Demain et Les Tablettes. Masereel autorise ses responsables à reproduire certains de ses bois gravés. Le numéro de décembre 1916 / janvier 1917 reprend l'éditorial "Faisons des hommes" de Claude Le Maguet. On trouve dans ce mensuel des pensées de Tolstoï et de Romain Rolland, lequel autorise Humbert-Droz à publier - aux Editions de la Jeunesse socialiste romande - l'Appel aux peuples assassinés300. Outre des extraits de La Vie des Travailleurs des frères Bonneff ou de Parole d'un croyant de Lamennais, des articles évoquent la mort de Jaurès, le 100e anniversaire de la naissance de Marx, les soixante-dix ans d'Auguste Forel301, le travail de Masereel. Les arrestations de Guilbeaux, de Münzenberg (*) et d'Humbert-Droz sont relatées, de même que des comptes rendus de diverses conférences à l'étranger. En septembre 1917, Humbert-Droz est à nouveau incarcéré et des modifications interviennent dans La Voix des Jeunes : les mots de propagande et d'éducation sont rayés du bandeau; le journal n'est plus édité à La Chaux-de-Fonds, mais à Lausanne. Le nom d'Humbert-Droz disparaît et est remplacé par la mention d'un travail en collectivité : désormais le mensuel s'intitule ‘"Organe de la confédération romande des jeunesses socialistes paraissant à Lausanne le 1er de chaque mois, rédigé par un groupe de camarades."’ Et l'on trouve parmi ceux-ci le nom de "René Leyvraz, instituteur, Leysin", et, entre autres, celui d' "Ernest Gloor (*), candidat médecin, Lausanne", et de "Charles Rosselet (*), comptable, Lausanne"302.

Notes
239.

Ces statuts, lus et adoptés au Congrès extraordinaire de Neuchâtel, le 29 janvier 1917, sont signés, pour le Comité central, par G. Schelling, secrétaire, et par J. Humbert-Droz, président.

240.

A cette époque, un antimilitarisme intégral règne au sein des Jeunesses socialistes.

241.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 71.

242.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 72.

243.

Le mot "crouille" a plusieurs significations; celui appliqué à Scherrer peut le qualifier de chenapan, filou, taquin, farceur ou rusé.

244.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 72. Quelques années plus tard, Scherrer passera au communisme; cela lui vaudra, au début de l'année 1924, la perte de son emploi et l'obligation de trouver une autre activité; il deviendra alors bûcheron avant de quitter le canton de Vaud pour Genève, où il se reconvertira dans le colportage de chaussettes et de sous-vêtements. L'homme est un meneur : aux "Jeux Olympiques d'hiver" à Chamonix, en janvier 1924, il sera capitaine du bob de l'équipe de Leysin composée de camarades socialisants (Neveu, les frères Schläppi et Rigazzi); dans un premier temps, le Comité olympique mettra son veto à la qualification de cette équipe parce que Scherrer est communiste; mais les coéquipiers de Leysin refusant de courir sans leur ami, le Comité cèdera et les 5 hommes remporteront la médaille d'or en bobsleigh. Lors de l'interview qui suivit cette victoire, Scherrer déclara : "Le bob, c'est comme la politique, faut pas trop freiner !" A noter que les statuts de la Fédération romande des Jeunesses socialistes suisses demandent (art. 2, al. c) que les sections offrent à leurs jeunes "l'occasion de se développer physiquement en organisant des courses, des sous-sections de gymnastique, de sport, de jeux, etc." Vu les succès remportés par Scherrer et son équipe, on peut donc penser que la section de Leysin a bien rempli sa mission !

245.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 73.

246.

Ibid.

247.

La section de Leysin suit avec exactitude les statuts de la Fédération romande des Jeunesses socialistes suisses où il est prévu (art. 2) que "les sections de jeunesse offriront à leurs membres : a) l'occasion de se développer intellectuellement et moralement en créant des séances d'études sur des questions politiques, sociales et morales, en organisant des cours, des conférences, en instituant une bibliothèque".

248.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 73.

249.

René LEYVAZ. "La faim du pauvre". Le Courrier, 5 novembre 1949.

250.

Jehan RICTUS, cité par Leyvraz in "La faim du pauvre", ibid.

251.

René LEYVRAZ, ibid.

252.

La Danse des Morts a vraisemblablement été écrite dans le Valais, à Sierre, de septembre 1916 (donc peu après l'enfer de Verdun) à septembre 1917. Paru d'abord dans la revue dirigée par Claude le Maguet, Les Tablettes, d'avril 1917, p. 5, et illustré d'un très beau bois gravé de Frans Masereel; ce poème est à attribuer au "Jouve avant Jouve", ainsi que le qualifiera Daniel LEUWERS. Jouve avant Jouve ou La naissance d'un poète (1906-1928). Paris : Klincksieck, 1984.

253.

Dans l'avertissement, Jouve écrit : "Mon poème n'a pas de patrie. Il hait la guerre. Il souffre pour tous les hommes." Jouve sait de quoi il parle; pendant quelques mois, dans un hôpital, il a soigné des soldats blessés, et cette expérience l'a profondément marqué.

254.

Sic.

255.

Texte paru dans la revue Demain, Page et Documents, Directeur : Henri Guilbeaux. Genève : éd. J.-H. Jeheber, 1916, p. 227.

256.

Texte paru en 1916.

257.

Edités en 1917 par la revue Demain, "Les temps maudits" paraissent, la même année, dans Les Tablettes (avril 1917, pp. 6-7) et dans Le Carmel (pp. 86-87).

258.

L'al. b) de l'art. 2 des statuts de la Fédération romande des jeunesses socialistes suisses précise que les sections offrent à leurs membres "l'occasion de se former à la lutte en organisant des tournées de propagande et de colportage, des campagnes contre le militarisme, l'alcoolisme, etc., en soutenant l'action révolutionnaire du parti socialiste, des syndicats et des coopératives, etc.".

259.

Il s'agit d'un groupe de personnes qui se sont détachées du parti radical parce qu'elles estimaient que ce dernier aurait "laissé s'endormir peu à peu les idées de progrès qui firent jadis son prestige et sa force" (L'Echo de la Montagne, op. cit., 15 octobre 1917). La naissance des jeunes radicaux est le résultat de la scission d'une partie de l'extrême gauche du parti radical.

260.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 74.

261.

Archives 1917-1918 du Conseil municipal de Leysin. 4 mars 1918, p. 198. Leysin.

262.

Ibid., 18 mars 1918, p. 217.

263.

Ibid., 15 avril 1918, p. 253.

264.

A Genève, Vevey, Sierre et Villeneuve plus particulièrement.

265.

Stephen KOCH in Les intellectuels d'Occident et la tentation stalinienne, 30 ans de guerre secrète. Paris : éd. française Grasset et Fasquelle, 1995, p. 37), fait une autre analyse : "La vanité de Romain Rolland lui commandait de se croire en possession d'un esprit presque unique en son genre par son courage et son indépendance."

266.

Romain ROLLAND. Au-dessus de la mêlée, recueil d'articles parus entre le 2 septembre 1914 et le 2 août 1915 dans le Journal de Genève.

267.

Romain Rolland consacra dix ans de sa vie, entre 1903 et 1912, à la rédaction de son grand roman qui conte l'amitié entre Jean-Christophe, le jeune musicien allemand et Olivier, le petit gars de France. La plupart des chapitres furent écrits durant les vacances d'été que Rolland passait régulièrement en Suisse. Cette épopée parut dès le 1er février 1904, au fur et à mesure de sa rédaction, dans les Cahiers de la Quinzaine dirigés par Charles Péguy, et elle contribua à leur notoriété.

268.

Citons, entre autres, sa "Lettre à Gerhart Hauptmann" (29 août-1er sept. 1914), sa correspondance avec Stefan Zweig, Frederik van Eden, ses tentatives auprès de Verhaeren et de Gide.

269.

Avant 1914, Romain Rolland avait déjà souhaité une réconciliation, à valeurs égales, entre la France et l'Allemagne; en 1916 il disait à Pierre-Jean Jouve son désir de constituer une équipe d'amis de toutes les nations pour forger "l'armement de la liberté contre les âges de fer qui viennent" (cité par Jean MAXE. Les Cahiers de l'Anti-France, Le Bolchévisme littéraire. Paris : éd. Bossard, 1922-1924, p. 47) prévoyant ainsi, bien avant 1939, le déchirement de l'Europe. Son ami Frans Masereel (qui a illustré Jean-Christophe), a dit de Rolland qu'il se trompait rarement dans ses pronostics, sauf en ce qui concernait leurs dates.

270.

Selon l'orthographe souvent adoptée à l'époque. Les traductions de Tolstoï commencèrent à se répandre dès 1886. C'est en 1911 que Romain Rolland écrivit Vie de Tolstoï.

271.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., pp. 70-71.

272.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 70.

273.

Ibid., p. 68.

274.

Romain ROLLAND. "Appel aux Peuples assassinés" in "Jour des Morts". Journal de Genève, 2 novembre 1916, puis repris dans Demain (numéro de nov.-déc. 1916).

275.

Dès le début du siècle, la présence en Suisse de nombreux réfugiés politiques russes, dont Lénine et Trostky entre autres, donna à nombre de militants l'occasion d'être mêlés de très près d'une part au brassage des idées et, d'autre part, à des événements concrets, tel le retour en Russie de Lénine et de ses collaborateurs, dans le fameux wagon «plombé». Il n'y avait toutefois pas toujours unanimité entre les positions des bolcheviks et celles du parti socialiste suisse, divisé par exemple sur la question des crédits militaires. La convocation par Robert Grimm des socialistes dissidents aux Conférences de Zimmerwald puis de Kienthal n'empêcha pas ensuite l'émergence des tensions entre Grimm et Lénine, le premier souhaitant que la guerre cesse et le second rêvant qu'elle se transforme en révolution.

276.

La Suisse est accusée par tous les pays belligérants d'être un nid d'espions et un laboratoire d'intrigues.

277.

Outre Demain, Les Tablettes, Le Carmel et La Voix des Jeunes, LEYVRAZ (Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 68) mentionne encore : La Nation, à laquelle succède La Feuille (Jean Debrit); l'éphémère Paris-Genève (Hartmann). A Lausanne, il y a la Revue mensuelle (Charles Bernard). A La Chaux-de-Fonds, outre La Voix des Jeunes, il y a Les Voies nouvelles, organe de la Fédération romande des socialistes chrétiens; cette dernière publication - fondée pour "dire la vérité" - compte parmi ses collaborateurs Birukoff, Gloor, Humbert-Droz et le pasteur Ragaz.

278.

Cité par Daniel LEUWERS. Jouve avant Jouve, op. cit., p. 136.

279.

Toutefois, lorsque Guilbeaux sera arrêté, Rolland ne s'en désolidarisera pas.

280.

Le premier numéro sort le 15 janvier 1916 sous le titre Demain, "pages et documents". La ma-quette a été dessinée par Masereel. Parmi les collaborateurs, il y a, entre autres, Rolland, Jouve, Martinet, Birukoff et Forel. La revue a du succès; il semble qu'elle soit lue par des milliers de lecteurs à la Bibliothèque publique de Genève. Toutefois, faute de moyens financiers suffisants, ses parutions cessent en décembre 1916. Suite aux événements de février, une nouvelle série est relancée en mai 1917 avec un "Salut à la Révolution russe", regroupant des textes de Rolland, Jouve, Martinet et Guilbeaux; les collaborateurs russes de cette deuxième série sont nombreux; on y relève les noms de Birukoff, Manouilsky, Lénine, Lunatcharsky (qui, en janvier 1917, avait fait une conférence à Leysin sur Gorki), Radek, Sokolnikoff, Zinovief, etc. Suite aux arrestations de Guilbeaux, Demain cessera ses publications en octobre 1918.

281.

Très rapidement, Demain devient le porte-parole du zimmerwaldisme de gauche; les positions bolchevistes que le journal soutient activement valent à son directeur d'être surveillé, accusé d'at-teinte à la neutralité suisse, et enfermé par les autorités helvétiques.

282.

Henri GUILBEAUX. "Et demain ?". Demain, 15 janvier 1916.

283.

Les Tablettes (Abonnement : 2 fr. par année ou 20 ct. le numéro) sont créées par Le Maguet, Masereel, et le typographe Ledrappier. La revue paraît à Genève; elle comporte sur 8 grandes pages des textes poétiques, des appels en faveur de la paix, des réflexions sur l'actualité, des recensions de publications. On y trouve des articles ou des textes de Le Maguet, d'Andrée et Pierre-Jean Jouve, de Gorki, Bonneff, Rolland, Guilbeaux, Rictus, Birukoff, Martinet, Baudoin. Chaque numéro est orné d'un très beau bois gravé de Masereel. Le numéro de juin 1917 est consacré à Tolstoy. Faute d'argent, le mensuel (27 numéros) ne paraîtra que jusqu'en janvier 1919.

284.

Curieusement, alors que ses souvenirs relatés dans Les Chemins de la Montagne (op. cit., p. 68) semblent être extrêmement précis, Leyvraz n'indique pas, en regard du nom de Le Maguet, Les Tablettes, mais Les Marges, revue littéraire fondée en 1903 par Eugène Montfort. Malgré nos diverses recherches, il ne semble pas que Le Maguet ait publié un journal ou une oeuvre sous ce titre; nous pensons donc que Leyvraz s'est trompé.

285.

Claude LE MAGUET. "Réagissons". Les Tablettes, octobre 1916, N° 1.

286.

Le premier numéro du Carmel, "Revue mensuelle de littérature, de philosophie et d'art, fondée à Genève le 1er février 1916" paraît en avril 1916; fondée par L. Charles Baudoin (orthographié parfois Baudouin) et Henri Mugnier, poète français né à Genève, elle rassemble un grand nombre d'artistes et de penseurs "genevois" dont, entre autres, Alexandre Mairet (graveur), James Vibert (sculpteur), Henry Spiess (poète), G.E. Magnat (graphologue), Adolphe Ferrière (pédagogue), Charles d'Eternod (poète), Henri Tanner (poète), Jean Violette (écrivain), Pierre Girard (poète), etc. Parmi les multiples autres noms des collaborateurs de cette revue, on peut citer ceux de Pierre-Jean Jouve, Carl Spitteler, Stefan Zweig, Emile Verhaeren, et celui du pédagogue F. W. Foerster, dont il convient de retenir le nom, car il jouera un rôle capital dans la vie de Leyvraz. Sont publiés des articles, poèmes, critiques, hors textes, gravures, publications et traductions de textes inédits de Tolstoï, des extraits de la correspondance inédite de Nietzsche. La revue est vendue au prix annuel de 5 fr. pour la Suisse ou de 7 fr. pour l'étranger. Mais l'argent de Baudoin fond dans l'entreprise et Le Carmel mourra, faute de moyens financiers, après deux années de parution.

287.

Ce journal paraîtra irrégulièrement du 1er septembre 1917 au 1er novembre 1918.

288.

Dans son article nécrologique, "Paul Golay, socialiste vaudois", in Le Courrier, 26 juin 1951, LEYVRAZ écrira : "J'ai longuement connu Paul Golay, je l'ai beaucoup et toujours aimé, comme compagnon de lutte, puis comme loyal adversaire."

289.

Ibid. Cet hommage sera repris dans l'ouvrage Paul GOLAY. Terre de Justice, choix d'articles et de discours. Lausanne : Imprimeries populaires, 1951, pp. 283-286.

290.

Ibid.

291.

Ibid.

292.

Paul GOLAY. Un rêve. Lausanne : Impr. populaire, [s.d.].

293.

Il écrira dans Le Grütli, puis dans Le Grütléen, journal qui s'est transformé pour devenir, en 1919, le Droit du Peuple (dont Leyvraz deviendra l'un des rédacteurs en avril de cette même année) et dans Le Peuple.

294.

René LEYVRAZ, "Paul Golay, socialiste vaudois", 26 juin 1951, op. cit.

295.

Ce n'est qu'en 1939, lors de la signature du Pacte germano-soviétique, que Golay prendra ses distances d'avec Moscou.

296.

Cité par René LEYVRAZ. Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 66.

297.

Après des études à L'Ecole normale de Lausanne, Paul Golay fut instituteur durant 14 ans. Mais ne supportant plus de devoir enseigner sous tutelle radicale, il abandonna sa profession et devint militant socialiste. En 1910, une scission au sein du parti socialiste vaudois provoquait la création, par la gauche, du Parti ouvrier socialiste vaudois qui créa son propre organe, Le Grutléen, dont Paul Golay devint rédacteur.

298.

Le premier numéro de La Voix des Jeunes, Organe de propagande et d'éducation des jeunes socialistes suisses, édité par la Confédération romande de la Jeunesse socialiste, La Chaux-de Fonds, paraît en décembre 1914.

299.

Dès juillet 1916, il est spécifié : "Rédaction : J. Humbert-Droz, Sentinelle, La Chaux-de-Fonds"; Humbert-Droz en sera le principal rédacteur jusqu'en été 1917.

300.

Publié à La Chaux-de-Fonds en 1916 et vendu au prix de 10 ct.

301.

En été 1918, Demain (N° 29, p. 272) salue aussi cet événement, appréciant chez Forel le fait "que sa science ne l'empêcha jamais de prendre part aux souffrances de l'humanité"; ses luttes contre l'alcoolisme et les maisons de prostitution le font considérer comme "le maître de l'hygiène et de la race (...)".

302.

C'est dès l'apparition de ces modifications que Leyvraz entame son activité de journaliste. En 1918 la liste des collaborateurs indique, outre les noms cités dans le texte, ceux de Ed. Bille, peintre, Sierre, Jenny Humbert Droz, La Chaux-de-Fonds, A. Mairet, graveur, Genève (n'est pas rattaché à l'organisation des jeunesses socialistes), F. Masereel, graveur, Genève, (n'est pas rattaché à l'organisation des jeunesses socialistes), R. Reymond, professeur, Neuchâtel.