f) Les adorateurs de Mammon

Si les bourgeois inspirent à Leyvraz un sentiment de moquerie, il est une catégorie d'hommes qui éveille en lui une profonde répugnance parce qu'elle dresse un mur entre les tenants du pouvoir et le peuple : ces hommes, ce sont les "larbins" (le plus souvent issus eux-mêmes de ce qu'ils nomment "la tourbe et la fange), ces parasites sociaux (....) qui, flatteurs insinuants, onctueux (...) se glissent près des grands de ce monde (...)344". Une fois en place, ‘"ils accablent la vile plèbe de leur superbe, tandis que devant le Maître - toujours Mammon, quoique multiforme - ils se mettent à plat ventre, ils lèchent la poussière, ils adorent, ils s'extasient345".’

Les mots empruntés par Leyvraz pour dire son écoeurement font immanquablement penser à quelque prophète de l'Ancien Testament346 ou au Nazaréen invectivant les pharisiens347; Leyvraz n'écrit-il pas : ‘"Vile et malodorante engeance ! (...) Larbins ! qui vivez à l'ombre des millions, prêtres rampants de Mammon, qui partagez le luxe des exploiteurs et crachez sur vos frères d'hier, travailleurs et besogneux. Hommes et femmes d'intrigue et d'aplaventrissement, larbins ! le Peuple vous maudit !"’ Larbins du militarisme, du capitalisme, de l'impérialisme, de la Presse, de l'Eglise, de l'Ecole, ‘"(...) vous vous employez à peser sur la tête de vos anciens compagnons de misère, à faire pour eux les ténèbres plus épaisses. Vampires et hyènes ! vous empêchez la lumière de la vérité d'arriver jusqu'aux yeux de vos maîtres, vous leur obstruez les oreilles de vos bruyantes flagorneries, afin qu'ils n'entendent point les gémissements affreux de la misère qui troubleraient leur sommeil et leur digestion348" !’

Notes
344.

"Larbins et bavards", 1er août 1918, op. cit., p. 2.

345.

Ibid.

346.

Cf. par ex. Am 6,1-7; 8,4-8.

347.

Cf. par ex. Mt 23,1-36.

348.

"Larbins et bavards", 1er août 1918, op. cit. p. 2.