Un autre problème pousse Leyvraz à donner son avis : depuis plusieurs mois les esprits s'échauffent au sujet des revendications féministes450. Le 31 août 1919, les femmes vaudoises, opposées au suffrage féminin, organisent à Lausanne une journée d'information sur le thème Etre féministe mais non suffragiste; Leyvraz entre en débat dans les colonnes du Droit du Peuple : fidèle à sa ligne du "juste milieu", il dénonce, en termes vifs, ‘"un type détestable de suffragettes (nous pensons aux manies viriles et aux excès puérils de telles écervelées anglo-saxonnes)451"’, tout en admettant que le féminisme peut donner une impulsion nouvelle au socialisme qui prépare ‘"la libération de toutes les femmes, y compris celles de la bourgeoisie prisonnières de leurs instincts et de leurs préventions452".’
La question du droit de vote des femmes et de leur éligibilité figurait dans les revendications de la grève générale de 1918. En décembre 1918, deux motions (socialiste et radicale) demandaient l'inscription du suffrage féminin dans la Constitution. Suite à l'importante campagne de l'Association suisse pour le suffrage féminin et les multiples réticences que cela suscitait dans les milieux paysans et conservateurs, le Conseil fédéral choisit, en 1919, de tarder à rendre un rapport sur la question. A noter d'autre part, qu'en juin 1920, Genève accueillera le 8e Congrès de l'Alliance internationale pour le suffrage féminin.
"A propos d'un meeting anti-féministe". Droit du Peuple, 4 septembre 1919. Plus tard, dans Les Chemins de la Montagne (op. cit., p. 84), LEYVRAZ ne craint pas d'écrire : "Chez la "militante" que j'ai connue à quelques exemplaires, je ne sais ce qui l'emporte de la laideur, de la vulgarité, de l'hystérie, de la bêtise ou du venin. Je laisse à imaginer, d'ailleurs, ce que peut être le coeur d'une femme où se rejoignent la haine de classe et les rancoeurs contre le sexe fort ...".
"A propos d'un meeting anti-féministe", 4 septembre 1919, op. cit.