1. L'ATTACHEMENT À LA PERSONNE DU CHRIST

En juin 1919, un débat dans les colonnes du Droit du Peuple, entre un pasteur et J.V., collaborateur du journal, donne à Leyvraz l'occasion de dire, pour la première fois, ce qu'il pense de l'Eglise catholique : ‘"Notre collaborateur, J.V. vit en plein pays catholique, où les privilèges de l'Eglise ont réellement un caractère odieux, réactionnaire et oppresseur. Il est en plein dans la mêlée pour détruire une prééminence détestable et arrogante bien éloignée de l'esprit du Christ. Il est en face de l'oeuvre néfaste de l'Eglise. Pour en constater les effets, il n'est besoin que de traverser le Rhône de Vaud à Valais456. De l'avis unanime, c'est presque le jour et la nuit."’ Puis d'une plume qui peut paraître insolite dans un journal socialiste, Leyvraz dit, avec fougue, son admiration pour la personne du Christ : ‘"Par malheur, l'Eglise se réclame du Galiléen. Et c'est le geste sublime de ses deux bras cloués qui sert, au bord des routes, à l'abêtissement du peuple, dont la religion n'est en grande partie qu'une grossière superstition, plus faite de la crainte de la mort et de l'enfer que de l'amour du prochain. (Le protestantisme non plus, et loin de là, n'est pas exempt de fautes analogues.) Mais où J.V. nous semble se fourvoyer, c'est en identifiant l'Evangile et la doctirne (sic) des prêtres. Les "rêveries" du Christ, réduites à leurs grands principes, sont une doctrine de vie sublime. (A ce propos, il nous semble que c'est bien Tolstoï qui les a le plus exactement restaurées.) Le Christ est bien "celui qui dit une parole neuve". Par là, le christianisme a de nombreux points communs avec le socialisme. Mais non pas tous. Et c'est ce qui fait que les tentatives de conciliation pèchent toujours, à notre avis, par quelque côté457."’

Notes
456.

Dix ans plus tard, dans son article "Réponse à un vif étourneau" du 11 mai 1930 publié dans le Courrier de Genève, Leyvraz cite ces lignes en confessant que sa connaissance du Valais était alors très réduite. Entre 12 et 13 ans, il avait traversé le Rhône à trois reprises seulement : pour aller à la foire de Monthey avec son père, à Collombey pour se faire remettre, par une rebouteuse, un poignet foulé; enfin à Sierre où il avait passé une nuit.

457.

Rubrique "Tribune libre". "L'oeuvre civilisatrice de la doctrine du Christ", 19 juin 1919, op. cit. p.1.