Enfin, L'Imitation pousse Leyvraz sur une terre inconnue, même si les écrivains catholiques qu'il a lus lui en ont fait entrevoir les rivages : le "Livre Quatrième" qui traite du "Sacrement de l'Autel" et de la pénitence, rencontre très vite l'adhésion de ce pèlerin de l'Absolu; bien sûr, Leyvraz garde, de par ses racines protestantes, un certain trouble au sujet de l'eucharistie, telle qu'elle est comprise dans le catholicisme; mais les paroles du Christ, reprises des évangiles et citées sous le titre "Exhortation à la Sainte communion", dissipent ses doutes et le font s'incliner sans hésitation devant ce Mystère : ‘"Venez à moi, vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai687 - Le pain que je vous donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde688 - Prenez et mangez : ceci est mon corps, qui sera livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi689 - Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui690 - Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie691."’
A l'Ecole Normale, le jeune étudiant avait violemment tout rejeté, parce que ses maîtres donnaient aux Ecritures une explication scientifique; il était entré dans l'ère de la négation. Et voici que maintenant, il retrouve la Parole. Et il croit. Il croit que Dieu l'invite, malgré sa faiblesse et sa pauvreté, à s'approcher et à se nourrir de son Corps. Dans ces chemins de la montagne traversés par l'orage et la solitude, où nul n'est là pour le secourir, où l'a quitté le dernier humain auquel Leyvraz a crié sa terreur et son désespoir, voici que Dieu propose sa Présence. Dieu devant qui le jeune homme se présente non pas ‘"comme un intellectuel qui cherche à résoudre une équation métaphysique, mais comme un pécheur accablé692"’ que l'abandon et l'exil avaient amené à souhaiter la mort.
Mt 11,23.
Jn 6,52.
Lc 22,19; I Co 11,24.
Jn 6,57.
Jn 6,64.
Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 157.