2. LES DOUTES DU COLLECTIVISTE

Parfois, au cours des échanges qu'il a avec le Père Baille, Leyvraz élève quelques objections; ici ce n'est ni l'athée, ni le protestant qui s'exprime, mais le collectiviste qui, conscient de la gravité du mal social, ne comprend pas de quel droit la doctrine catholique refuse d'attenter au principe de la propriété. Même si le Père Baille est un passionné de philosophie qui va toujours, ‘"tout de suite, par un bond naturel de son esprit, à l'explication dernière des choses, à la métaphysique704"’, c'est aussi un homme proche des plus pauvres, qui a un sens social et une pratique sur le terrain particulièrement développés705. Pourtant, ses explications ne parviennent pas à satisfaire entièrement son interlocuteur. Mais même si ces problèmes conservent toute leur importance à ses yeux, Leyvraz estime que ses théories économiques socialistes n'ont, jusque-là, jamais été capables d'apporter une réponse à des questions qui, pour lui, sont capitales. Il ne laisse cependant pas ces problèmes empiéter sur sa démarche de conversion - qui est plus mystique et liturgique qu'intellectuelle - ‘"persuadé d'ailleurs que, de la pleine vérité chrétienne, un ordre économique et social équitable et solide ne [peut] manquer de se dégager706".’

Notes
704.

"Un Jésuite franc-comtois, le R.P. Louis Baille (1858-1925)". La Semaine religieuse du diocèse de Besançon, 5 mars 1925, pp. 105-107; article signé J.-J. N (c'est-à-dire J-J. NAVATEL).

705.

A l'âge de 18 ans, il participait activement aux travaux de la Conférence de St-Vincent de Paul et à la création d'un Cercle catholique d'ouvriers. Plus tard, pendant qu'il mettait sur pied ses conférences de Notre-Dame, il songeait particulièrement aux ouvriers d'usine auxquels il faisait des causeries intéressantes, en même temps qu'il leur ménageait l'assistance d'un fourneau économique.

706.

Les Chemins de la Montagne, op. cit., p. 196.