Dès 1830, les tensions s'exacerbaient. Dans les deux camps, on s'observait, chacun restant muré dans son monde. Contrairement à certains espoirs, les citoyens des communes annexées ne s'étaient pas laissé absorber; ils maintenaient leurs distances face à la Genève protestante et restaient ancrés dans leurs traditions savoyardes. Apolitiques et apathiques, ayant en quelque sorte délégué tout pouvoir à M. Vuarin, ils tardaient à s'organiser. Et Genève continuait de les ignorer superbement764. Divers événements focalisaient les antagonismes : l'émergence du Réveil, la création de l'Eglise libre, et celle de l'Union protestante qui voulait "mobiliser les protestants contre l'immigration catholique765" et revivifier le protestantisme en déclarant : ‘"Il ne suffit pas d'être anticatholique pour être bon protestant, mais on devient nécessairement anticatholique à mesure qu'on devient bon protestant, ou mieux, afin d'éviter toute équivoque, bon chrétien766."’ En 1835, le 300e anniversaire de la Réforme provoqua un regain d'exaspération alimenté par la publication, toute réciproque, de documents polémiques767.
Le Conseil d'Etat, composé de 28 membres, ne comptait en son sein que 2 catholiques; aucun des 3 députés genevois à la diète n'appartenait à cette confession; sur un total de 1.000 fonctionnaires, il n'y avait que 100 catholiques (Ces chiffres sont ceux donnés par GANTER, ibid., p. 402. Urs ALTERMATT, dans Le catholicisme au défi de la modernité, op. cit., p. 188, indique, lui, un nombre de 59 fonctionnaires catholiques sur 1.021).
Urs ALTERMATT, ibid., p. 189.
Ibid., p. 185.
Une brochure rédigée par le curé Vuarin et signée par tous les prêtres (même les plus modérés) suscita des réactions proportionnelles à la force de son titre : Manifeste présenté à Monseigneur l'évêque de Lausanne et de Genève par le clergé du canton de Genève sur les pièges tendus par l'hérésie à la foi de la population catholique. Dans le camp adverse, conférences, festivités, prédications étaient autant de coups portés contre le catholicisme; en réplique, le fougueux Vuarin adressa à chaque paroisse une bannière portant un ostensoir surmonté des paroles de l'institution eucharistique ...