2. LA RÉVOLUTION RADICALE DE FAZY : DES PAS VERS LA TOLÉRANCE

Dès 1841, sous la pression de la population, le déclin du régime de Restauration appliqué au départ des troupes françaises s'amorça. En octobre 1846, une révolution radicale portait le député James Fazy au pouvoir. Le nouveau gouvernement conférait alors aux catholiques l'égalité des droits, laquelle leur permettrait de s'assimiler enfin à Genève et à la Suisse. En faisant abattre les fortifications qui encerclaient la cité, Fazy rompait avec la tradition conservatrice qui voulait que le patriotisme genevois s'ancrât dans un protestantisme retranché - aux sens propre et figuré - derrière ses bastions. Il concédait aux catholiques770 le droit d'ériger en ville l'église Notre-Dame771, autorisait Mgr Marilley772, nouvel évêque du diocèse, à venir en visite à Genève et permettait la création d'un vicariat général dans la cité773. Peu à peu, les revendications catholiques s'atténuaient. Le développement industriel instauré par le gouvernement radical attirait nombre de travailleurs étrangers, catholiques pour la plupart; en favorisant leur naturalisation, Fazy provoquait une importante mutation sociologique774 : le nombre des étrangers habitant le canton dépassait celui des Genevois et faisait encore basculer la majorité numérique confessionnelle.

En 1864, profitant de la bienveillance du Conseil d'Etat, le Saint-Siège esquissait un pas supplémentaire. Sans aller jusqu'à rétablir le siège épiscopal, il créait à Genève un poste d'évêque auxiliaire, en nommant Gaspard Mermillod (*) évêque d'Hébron in partibus infidelium 775; ce prêtre devenait ainsi auxiliaire et vicaire général de Mgr Marilley. Homme bien inséré dans une époque marquée tant par l'ultramontanisme que par l'apparition du catholicisme social, Mermillod allait mettre un point final au chapitre ouvert par Vuarin, celui de la nostalgie de l'Ancien Régime.

Notes
770.

Cette ouverture ne touchait pas que les catholiques; elle mettait tout le monde sur pied d'égalité. Sous le gouvernement Fazy, l'Etat accorda des terrains à plusieurs communautés : édification de l'église anglaise (1853), de la synagogue (1859), de l'église russe (1865), et du Temple unique de la franc-maçonnerie.

771.

La construction de l'église Notre-Dame put être envisagée grâce aux dons des catholiques de Genève et de l'étranger. Elle se déroula entre 1850 et 1859.

772.

Etienne Marilley avait été le confident du curé Vuarin qui voyait en lui son successeur; le Conseil d'Etat craignant qu'il "ne suive le système de M. Vuarin, à l'école duquel il [avait] été pendant plusieurs années". (Edmond GANTER, L'Eglise catholique de Genève, op. cit., p.406) refusa cette proposition et chassa Marilley du canton. En mars 1846, il succédait à Mgr Yenni comme évêque de Lausanne et Genève.

773.

C'est le curé Joseph-Victor Dunoyer qui, le premier, assura cette tâche, de 1846 à 1864. Il reprit cette charge en 1873, après que son successeur, Mgr Gaspard Mermillod, eut été expulsé.

774.

En 1860, on compterait 42.618 catholiques (dont 25.000 étrangers) et 40.727 protestants. La stratégie de Fazy se révélait payante : les catholiques qui bénéficiaient du droit de vote donnèrent massivement leurs suffrages aux radicaux; et pour la première fois un des leurs, Jules Vuy, allait siéger au gouvernement.

775.

Ce terme indique que Mgr Mermillod recevait un titre sans exercer de juridiction.