3. LA NAISSANCE DU "COURRIER DE GENÈVE"776

La politique de conciliation menée par Fazy n'était pas appréciée de tous; passions, haines politiques et religieuses allaient se déchaîner. Dès 1868, une dégradation de la situation aggravait les tensions. Tandis que socialisme et syndicalisme faisaient leur apparition, Mgr Mermillod s'engageait activement pour rapprocher l'Eglise et le monde ouvrier. "Aller au peuple", "Aller à l'ouvrier", tel était son cri ! En outre, il était bien décidé à défendre le catholicisme contre les menées des radicaux avancés777. Pressentant les dangers à venir, le prélat lançait le 4 janvier 1868 un organe de presse778, Le Courrier de Genève779, "feuille religieuse et nationale paraissant le dimanche780". Dès l'année suivante, en 1869, le journal était placé sous la propriété et la houlette de l'abbé Jeantet781, jeune prêtre d'Annecy. Dès la sortie du périodique, les lignes directrices étaient données : Rassembler pour constituer une force, informer pour "édifier les consciences, fortifier les courages"; en contre-pied des journaux publiés par les protestants ou les libre penseurs, offrir aux citoyens catholiques une publication qui puisse soutenir leurs droits encore "si souvent attaqués" parce que méconnus. Eclairer, instruire, apporter ‘"dans les discussions non pas les maximes variables de tel ou tel parti politique, mais les principes immuables de l'immuable vérité"’. Enfin, par des résumés clairs et succincts des événements majeurs, ‘"exercer une influence notable sur la prospérité des nation (sic) et sur le progrès de la civilisation782".’

Notes
776.

Sur l'histoire du Courrier de Genève, cf. les divers articles signés FLORINETTI, écrits à l'occasion du 75e anniversaire du journal, parus dans le Courrier de Genève les 16, 23 et 30 mai, 6, 13 et 21 juin 1943.

777.

Outre des attaques personnelles contre Mgr Mermillod, ces radicaux mettaient en cause le ca-ractère chrétien des cimetières, l'engagement de Frères pour créer des écoles libres; ils refusaient la présence de religieux dans le canton et s'insurgeaient contre les conseils donnés aux catholiques par Mgr Mermillod à la veille des élections.

778.

Avant 1868, il y eut de multiples tentatives pour créer une presse catholique à Genève; en 1843 étaient édités des Avis aux catholiques, publiés lors de problèmes touchant leur communauté confessionnelle. En 1846, parut La Sentinelle catholique, hebdomadaire de 4 pages lancé par des laïcs; mais l'appui donné par ce journal au nouveau gouvernement radical après les Journées révolutionnaires d'octobre 1846 entraîna le clergé et les catholiques conservateurs à lui retirer leur caution. En janvier 1847, cette parution cessa. Août 1847, La Voix catholique, organe religieux, politique, littéraire et industriel (qui n'engageait pas les autorités ecclésiastiques) sortait de presse; mais suite à un article qui avait suscité l'ire du gouvernement radical fribourgeois, les rédacteurs suspendirent sa parution en juin 1848. 15 jours plus tard, l'abbé Mermillod créait l'Observateur de Genève, auquel succédait Le Spectateur qui, pour cause d'attaques politiques, connut une brève existence. En 1852 Mermillod fonda Les Annales catholiques, revue mensuelle qui vécut jusqu'en 1862.

779.

Peu de temps après, il sera appelé Courrier de Genève.

780.

L'abonnement annuel était de 6 fr. et le numéro coûtait 15 ct.

781.

L'abbé Jeantet publiera un livre consacré à son évêque : Le Cardinal Mermillod, 1824-1892, Vie publiée par Mgr Jeantet, prélat de la maison de Sa Sainteté, Genève. Paris : Librairie P. Lethielleux, 1906.

782.

Le Courrier de Genève, N° 1, dimanche 5 janvier 1868.