b) L'Union des Campagnes, chouannerie genevoise

En janvier 1874 était créée l'Union des Campagnes, mouvement de protestation des sociétés catholiques genevoises, appelé à regrouper ‘"les catholiques sur le plan civil en un corps représentatif, afin de leur permettre une action mieux coordonnée, donc plus efficace789"’ sur le plan politique, ecclésiastique et religieux. Le discours prononcé par Johannès de Montfalcon lors de la première réunion était clair : ‘"Abjurer sa religion, est la plus indigne des bassesses; livrer nos églises, ce serait consommer le déshonneur de nos communes et attirer sur nous le mépris de l'Europe. Nos maires, nos adjoints ont refusé de livrer les clés des églises, soutenons-les; que nos trente communes catholiques forment un seul faisceau .... Si les maires et conseillers tiennent haut le drapeau catholique, l'Union des Campagnes doit les soutenir. S'ils faiblissent ou reculent, l'Union des Campagnes doit les renverser. Le gouvernement attaque l'Eglise, parce que l'Eglise défend l'indépendance des consciences et trace des limites à l'omnipotence de l'Etat790."’ L'Union des Campagnes791 fut vite qualifiée par ses ennemis de Sonderbund 792 genevois, de nouvelle Vendée et de chouannerie.

En avril, les communes catholiques élisaient des conseillers et des maires bien décidés à lutter contre la tyrannie de l'Etat. Réjouies de cette victoire largement redevable à l'Union des Campagnes, les femmes confectionnaient un drapeau dont le dessin s'inspirait du discours de Montfalcon : ‘"un faisceau de flèches étroitement liées sur fond d'azur constellé de trente étoiles, symbole des communes. Ce motif central était flanqué des écussons suisse et genevois et de l'inscription : DIEU, DROIT, PATRIE ET LIBERTÉ. Une banderole portait la devise : L'UNION FAIT LA FORCE793;"’ cette bannière avait un sens symbolique fort; les catholiques des Communes réunies se proclamaient Genevois et entendaient être acceptés comme tels. Et un hymne martial était composé pour la circonstance :

Que des campagnes la bannière, en ce jour flotte haut et fière.
Salut à ce noble drapeau !
Le vent sur lui souffle avec rage, mais il passera dans l'orage,
sans y laisser même un lambeau.
Mais ils mentent les vils parjures, qui souillent de leurs impostures,
ta chaire sainte, ô vérité !
Oui nous voulons Rome et l'Eglise.
C'est que nous avons pour devise : Dieu, Droit, Patrie et Liberté.
Des aïeux divins sanctuaires, et vous asiles funéraires,
où reposent leurs ossements, mânes sacrés de nos ancêtres.
Maudissez-nous voix de nos prêtres, si nous trahissons nos serments !
Dieu qu'adoraient nos pères, nous garderons ta loi.
Jurons, jurons mes frères de mourir pour la Foi.
Notes
789.

Edmond GANTER. L'Eglise catholique de Genève, op. cit., p. 465.

790.

Ibid.

791.

En outre, d'autres groupements (Sociétés de chant, de jeunes gens, Unions, Cercles ouvriers paroissiaux) allaient s'ajouter aux Sociétés Ste-Blandine, St-Vincent de Paul et Dames de Charité déjà existantes, et offrir à la population catholique un réseau dynamique et mobilisateur.

792.

Le Sonderbund, ligue séparatiste créée en 1844 par les cantons catholiques et qualifiée d'ultramontaine par ses adversaires, fut défait en 1847 à l'issue d'une brève campagne menée par le Genevois Guillaume-Henri Dufour, commandant en chef de l'armée fédérale, qui manifesta à cette occasion ses qualités politiques, militaires et humaines.

793.

Edmond GANTER. L'Eglise catholique de Genève, op. cit., p. 466.