L'Europe d'après-guerre, menacée de destruction spirituelle, politique et économique, est à la recherche de ses marques et d'une autorité. Leyvraz considère que seule l'Eglise851 peut la pacifier852 : ‘"ll n'existe au monde qu'un pouvoir - et c'est un pouvoir spirituel - qui soit incontestablement au-dessus des compétitions économiques ou politiques qui divisent les nations. C'est la papauté853."’ Oubliant ses sympathies d'antan, l'éditorialiste oppose alors ‘"au pathétique cérébral et hautain [de Romain Rolland], l'écrivain internationaliste, (...) la parole persuasive et paternelle du pape854"’. On le voit, la confiance de Leyvraz dans le catholicisme est immense; pour lui, seule la pensée catholique peut créer un élan, parce qu'elle ‘"possède la cohésion vigoureuse, la force de rayonnement, l'universalité requises, portées par des cadres, par une discipline spirituelle auxquels rien ne saurait être comparé855"’. Diffusée par la presse, cette pensée devra se concrétiser par l'action des chrétiens, que le journaliste invite à devenir porteurs d'un idéal, celui de la charité universelle.
Dans son désir de convaincre, Leyvraz montre que, pour lui, il ne s'agit pas tant d'instaurer que de restaurer. En effet, détenue par l'Eglise catholique, la solution aux problèmes est exposée dans ‘"un programme d'action sociale d'une haute envergure, et qui nous suffit amplement. Tout en proclamant l'urgence d'une restauration générale de l'autorité, elle laisse à ses adeptes les (sic) soin de discerner sous quelle forme, dans leurs patries respectives, cette restauration doit s'opérer. (....), nous ne connaissons et ne connaîtrons jamais qu'une seule Alliance qui puisse s'affirmer la gardienne de l'Ordre réel, complet, harmonieux. C'est l'Eglise catholique romaine856".’
Leyvraz relève toutefois aussi à plusieurs reprises le rôle important joué par la Société des Nations dans le problème européen.
Leyvraz n'est pas le seul à donner une place centrale à la papauté. Quatre ans plus tard, en 1927, Jacques MARITAIN hésitera à titrer un de ses écrits Le Pape salut du monde (la brochure s'appellera finalement Primauté du Spirituel); partageant l'hésitation de son ami, Journet lui suggérera de mettre plutôt Le Pape et le salut du monde. (Charles JOURNET - Jacques MARITAIN. Correspondance, volume I, année 1920-1929, op. cit., pp. 466 et 468.
"L'Eglise et l'Europe (V)". Courrier de Genève, 25 sept. 1923. Pour faire suite à la lettre du pape sur les réparations, Leyvraz publie en 1923 une série de 5 articles sur L'Eglise et l'Europe (24 et 28 août, 4, 18 et 25 septembre 1923).
"L'Eglise et l'Europe (I)". Courrier de Genève, 24 août 1923.
Ibid.
"Une alliance universelle de l'ordre ?". Courrier de Genève, 23 décembre 1924.