f) La lutte pour instaurer la paix

La question du pacifisme se pose avec acuité : la Suisse et l'Europe doivent-elles viser à un désarmement total comme le préconisent les socialistes et des instituteurs de gauche932 rassemblés derrière le Juif Victor Basch ou le bolchevisant Duhamel, pour que la Russie puisse nous envahir ? Leyvraz rejette maintenant l'antimilitarisme; il estime qu'il ne faut pas briser mais réajuster l'armement pour en enrayer la course "épuisante et parfaitement vaine, qui menace de recommencer"; il préconise en outre d'instaurer une ‘"réduction générale - prudente et sagement graduée - des budgets militaires933"’. Plus tard, devant le risque grandissant d'un nouveau conflit, le journaliste corrige légèrement son jugement : ‘"L'Europe doit rester armée, mais il faut que ce soit pour sa défense et non pour sa destruction934."’ Pour étayer son opinion, Leyvraz s'en réfère à l'Evangile : ‘"(...) l'Amour, de son propre mouvement, tend à la Paix et non à la Guerre. "’Bienheureux les pacifistes (sic)935 car ils seront appelés fils de Dieu". Le chrétien doit vouloir la paix", multiplier les occasions de l'instaurer et "restreindre dans toute la mesure de ses forces les possibilités de guerre." Et de conclure par un acte de foi : ‘"Dieu bénit la paix, et tous les efforts de ceux qui vraiment veulent vivre en paix sous Sa protection936."’

Les points d'ancrage du jeune converti se recensent, dès son arrivée au Courrier de Genève : collaboration large avec tous ceux qui s'en prennent tant au bolchevisme qu'à la ploutocratie. Une voix de Maître est placée par Leyvraz au-dessus de toutes celles qui retentissent dans le concert des nations : celle du pape et, par conséquent, de l'Eglise catholique, seule apte à restaurer l'ordre par son autorité. Si, au nom de l'universalisme catholique, le journaliste considère avec prudence l'idéologie nationaliste, il plaide en revanche toujours avec ardeur en faveur du patriotisme. On peut en outre déceler l'influence de l'abbé Journet dans l'insistance mise par l'éditorialiste sur les vérités éternelles.

Notes
932.

En été 1928, lors du Congrès de la Société pédagogique romande, 29 instituteurs genevois sur 200 voteront pour le désarmement de la Suisse et la suppression du budget militaire.

933.

"A propos du désarmement". Courrier de Genève, 16 décembre 1927.

934.

"Le pacifisme et la paix". Courrier de Genève, 15 décembre 1927.

935.

Il y a là une coquille (la béatitude vise les pacifiques (Mt 5,9) et non les pacifistes ...) qui sera rectifiée le lendemain.

936.

"La guerre est-elle fatale ?". Courrier de Genève, 4 octobre 1929.