2. LE PARTI INDÉPENDANT DYNAMISÉ PAR LES CHRÉTIENS-SOCIAUX

Le dynamisme déployé par le Mouvement chrétien-social et la collaboration avec le Courrier de Genève se sont répercutés finalement sur le Parti qui a accepté l'entrée, en son sein, du Groupement social chrétien. Cette incorporation aura une forte incidence; en effet, le 24 novembre 1925, lors d'une réunion de la Commission exécutive du Parti, les jeunes du Groupement ont revendiqué une réorganisation globale du Parti afin de lui donner une représentation sociale plus ouverte, grâce à ‘"l'aide des organisations chrétiennes-sociales et de toutes les bonnes volontés1006"’. Lors de cette séance, Henri Berra, le fougueux secrétaire de la Fédération genevoise des syndicats chrétiens, s'est emparé du micro pour défendre la grande idée qui lui tient à coeur, et que Leyvraz partage, celle d'une organisation bien cadrée, basée sur l'ordre et l'efficacité : ‘"Nous traversons actuellement une crise et pour la combattre il faut réorganiser les cadres, il faut une élite qui travaille avec compétence et générosité. (...) il faut réunir des jeunes hommes ayant à leur tête un comité directeur qui les dirige, les conseille; ces jeunes hommes seront autant d'agents propagandistes disséminés dans chaque quartier1007."’

L'assemblée générale des électeurs indépendants qui se tient le 25 avril 1926 constitue une étape importante. Il est décidé de modifier le nom du Parti en l'appelant désormais "indépendant et chrétien-social", rajout qui prouve que cette dernière mouvance y est maintenant solidement implantée. Concrètement, comme les jeunes l'avaient souhaité, la réforme s'amorce. Jusqu'alors, la voix prépondérante de la campagne genevoise imprimait au Parti le sceau d'un certain conservatisme, ancré dans le souvenir de ce Kulturkampf qui avait forgé son unité. La nouvelle orientation marque la volonté de recueillir des suffrages dans un plus large éventail que la seule paysannerie; de gagner - contre les socialistes - des voix ouvrières, de permettre aux syndicalistes chrétiens de faire passer leurs idées au niveau politique. Et, aussi, d'inscrire le Parti dans une ligne corporatiste, en réunissant toutes les classes sociales1008. L'adoption d'une nouvelle "Déclaration de Principes" entraîne le Parti dans la direction préconisée par Leyvraz, en affirmant, entre autres : ‘"Nous voulons réaliser un ordre social chrétien. La famille, la profession, l'Eglise et l'Etat en sont les fondements. L'homme se développe et se perpétue au foyer familial. La profession lui donne les ressources matérielles. L'Eglise lui donne la vie spirituelle et morale. L'Etat le protège dans sa personne, sa famille, ses biens matériels, spirituels et moraux. Il veille au libre développement des organes constituant le corps social et sauvegarde l'ordre public1009."’ Sur ces fondements, un programme "corporatiste" (adjectif utilisé plusieurs fois) fixe des objectifs concrets, à moyen et long termes.

Notes
1006.

Françoise EMMENEGGER. Le mouvement chrétien-social à Genève de 1919 à 1936, op. cit., p. 49.

1007.

Ibid.

1008.

Dorénavant les listes électorales du Parti comporteront des représentants, à parts égales, de 3 groupes distincts : agriculteurs, ouvriers et employés, commerçants et professions libérales.

1009.

"Déclarations (sic) de Principes" et "Programme" adoptés par l'Assemblée générale des électeurs indépendants du 25 avril 1926. Archives du parti indépendant chrétien-social, cote 71.11. Ce document aura de multiples échos en Suisse romande, et même en Suisse alémanique.