Très vite après son arrivée, Leyvraz entame un dialogue avec ses lecteurs, à partir de leurs lettres sur des thèmes divers (Eglise catholique et infaillibilité du pape1074, pacifisme et armement1075), ou de visites venues lui demander conseil, évoquer leurs situations personnelles, entamer des discussions sur des sujets litigieux1076. L'éditorialiste devient donc un confident, mais aussi un conseiller qui recommande à ses lecteurs de nombreuses lectures1077 (certaines citées à plusieurs reprises), destinées à appuyer ses idées.
Comme il l'était à Leysin et à Lausanne, Leyvraz reste très proche des jeunes et n'hésite pas à participer à certaines de leurs rencontres; alors que les Fronts commencent à se former, il prend la défense d'un groupe de droite, Res helvetica, accusé par certains d'être proche de la sensibilité catholique parce qu'il vise à rétablir l'autorité de l'Eglise; le journaliste, lui, se réjouit de l'émergence en Suisse de jeunes droitiers antidémocrates qui tentent de se libérer de l'esclavage ‘"de forces malsaines qui, à la faveur de la loi du Nombre, nous oppriment et corrompent notre nation jusqu'aux moelles"’, qui s'élèvent contre le libéralisme et contre l'idéal rousseauiste d'une liberté sans contrainte. Leyvraz soutient la jeunesse qui ne ‘"croit pas à la liberté de ce siècle (...), qui discerne dans le socialisme la poursuite logique de cette aliénation dans l'ordre économique et social"’. Comment ne pas saluer la réaction de ces jeunes qui implique ‘"la restauration des libertés chrétiennes, vivantes et réelles, contre la Liberté abstraite et niveleuse (...) [donc] un choix entre les libertés (...)1078"’ ? Le journaliste estime qu'il faut prendre la peine d'écouter et d'observer cette jeunesse antidémocratique; il ‘"faut savoir reconnaître une merveilleuse gratuité, qui la pousse à se donner sans mesure, là où notre prudence hésite et tergiverse. (...) et même dans ses outrances, il y a un enseignement [qu'il convient de comprendre, pour la guider]1079".’
Toutefois, même s'ils ont raison de lutter contre une erreur, il faut que les jeunes fascistes évitent de tomber dans l'erreur contraire; Leyvraz craint que ‘"leur patriotisme ne confine à un nationalisme qui serait à nos yeux une dangereuse déviation. Nous avons trop souci de l'universalité chrétienne et de la juste hiérarchie des valeurs pour admettre jamais que la nation soit considérée comme une sorte d'absolu. De cela nous ne voulons à aucun prix et sous aucun prétexte. Tout ce qui ressort (sic) plus ou moins directement, plus ou moins consciemment à l’idolâtrie nationale nous est ennemi. (...) Il n'est à aucun titre désirable que les méthodes de l'Action Française (...) soit transplantées chez nous1080".’
"Lettre ouverte à un protestant". Courrier de Genève, 22 février 1927.
"Où est la vérité ?", 12 janvier 1928; "Une lettre de Mlle Alice Descoeudres", 24 janvier 1928; "Réponse à Mlle Alice Descoeudres", 25 janvier 1928; "Réponse à M. J.E. Gross", 21 juillet 1929; "La guerre est-elle fatale ?", 4 octobre 1929. Courrier de Genève.
"Rôle et destin d'une race", 11 janvier 1929, op. cit. Cet édito fait suite à une lettre adressée à Leyvraz et à la visite qu'il a reçue de deux personnes juives.
Sur les lectures évoquées par Leyvraz, cf. Annexe IV, la liste que nous en avons établie.
"La crise de la démocratie". Courrier de Genève, 15 mars 1927.
"Notre jeunesse". Courrier de Genève, 3 mars 1927.
Ibid.