b) La laïcité

Le rédacteur en chef du Courrier de Genève s'en prend souvent à la politique radicale pour dénoncer, entre autres, le régime de la laïcité scolaire. Il se dresse contre la neutralité parce que, ‘"en ignorant Dieu, l'école neutre désarme l'éducateur chrétien1102"’. Lorsqu'une polémique éclate dans le canton parce que des instituteurs catholiques ont laissé percer leurs sentiments en critiquant les manuels d'histoire, l'éditorialiste déclare : ‘"Ou la neutralité est rigoureusement respectée (qui jamais la définira !) et alors l'enseignement est émasculé, invertébré, insipide; ou la neutralité est tournée et les chicanes éclatent au moindre prétexte (...). Je tiens pour mon compte que la neutralité absolue est impossible1103".’ Et une fois encore, à travers le journaliste, c'est l'ancien élève de l'Ecole normale qui s'exprime : ‘"(...) sans en avoir consciemment l'intention, le maître donnera toujours à l'éducation, à l'instruction, quelque teinte de son propre sentiment. (...) Il faut que le maître mette quelque chose de lui-même dans son enseignement. L'enfant doit y sentir un élan, une conviction. Hors de cela, il n'y a que bourrage de cerveaux."’ Soutenant un combat mené depuis 1921 par Mgr Petite pour faire établir à Genève la répartition proportionnelle scolaire (RPS)1104, Leyvraz estime que ce régime mettra fin au dilemme : La RPS, ‘"en mettant l'école libre sur le même pied que l'école publique, éliminera les querelles, régénérera l'enseignement et permettra à chaque maître de donner sa pleine mesure, dans la ligne de sa conviction1105"’.

Mais Leyvraz découvre bientôt qu'il n'y a pas que la laïcité radicale à combattre, quelques instituteurs antimilitaristes1106 étant devenus ‘"des agents de propagande socialiste extrêmement actifs et d'une rare habileté1107"’. Tout en pensant que la plupart ‘"n'ont nullement l'intention de blesser la neutralité scolaire, et par là de mettre notre école publique en péril1108"’, Leyvraz voit tout de même dans le laïcisme socialiste suisse un danger encore bien plus redoutable : La neutralité qui découle de la doctrine socialiste, ‘"sans s'attaquer de front à la religion, est capable de pourrir l'éducation en y introduisant une foule d'erreurs colorées de pacifisme, d'humanitarisme et de justice sociale1109"’. L'ancien militant spécifie qu'il ne méprise pas les socialistes mais les idées qu'ils professent; il réclame une liberté scolaire juste et effective. ‘"Seule l'école chrétienne peut sauver nos enfants de l'intoxication marxiste et de tous les maux qui en résulteraient pour eux et pour la patrie1110."’

Notes
1102.

"Par omission". Courrier de Genève, 3 mai 1927.

1103.

"Pour l'école libre". Courrier de Genève, 19 janvier 1928.

1104.

Depuis 1921, Mgr Petite demandait que soit appliquée à Genève la représentation proportion-nelle scolaire, soit le droit égal des écoles privées et publiques aux subsides de l'Etat.

1105.

"Pour l'école libre", 19 janvier 1928, op. cit.

1106.

Leyvraz intervient alors à de multiples reprises, par exemple, dans les éditos suivants : En 1928 : "Leur duplicité" (17 janvier); "Pour l'école libre" (19 janvier); "Réponse à Mlle Alice Descoeudres" (25 janvier); "Que vouliez-vous qu'il fît ?" (2 février); "La neutralité, c'est le vide ..." (5 février); "Le Congrès de Porrentruy" (1er juillet); "Où est la neutralité scolaire ?" (10 juillet); "Où va l'école unique ?" (9 août); "Au nom de la Liberté ..." (23 août); "Que faut-il leur répondre ?" (11 novembre); "L'école et le désarmement. Une importante mise en garde" (22 décembre). Et en 1929 : "Les socialistes et l'école" (8 janvier); "L'école selon Karl Marx" (27 janvier); "L'enseignement libre en France" (18 décembre). Courrier de Genève.

1107.

"Où va l'école unique ?". Courrier de Genève, 9 août 1928.

1108.

Ibid.

1109.

"Où va l'école unique ?", 9 août 1928, op. cit.

1110.

Ibid.