Chaque année, l'assemblée générale de l'Oeuvre du clergé dresse un bilan, toujours plus réjouissant, du catholicisme genevois. Outre quelques ombres au tableau (problèmes financiers, préoccupations concernant la formation scolaire des enfants et la mode féminine indécente), plusieurs points positifs sont relevés : Le 14 novembre 1926, la communauté catholique s'est regroupée lors d'une "émouvante journée" pour la célébration solennelle des "obsèques" de Mgr Mermillod, cérémonie marquée par le transfert des cendres du prélat de l'église Notre-Dame à celle de Carouge, commune dont il était natif. D'autres rassemblements ont constitué des moments forts : Journées des campagnes, organisées par la Corporation des Travailleurs de la terre, pèlerinages genevois à Lourdes, journées de la Mission et Jubilé, Fêtes du Travail, Semaines sociales; et bénédiction du drapeau du Cartel chrétien-social, qui corrige les armoiries officielles genevoises de la Rome protestante, en leur redonnant une signification toute catholique1138. L'essor des organisations chrétiennes-sociales se poursuit1139; la presse se porte bien : au Courrier de Genève dont le tirage augmente sans cesse, l'Oeuvre de la Bonne presse a permis de remplacer les "linotypes", celle de St-François de Sales paie les abonnements des personnes pauvres; et un hebdomadaire, l'Echo Illustré, vient d'être créé. Dans les paroisses, les fidèles sont assidus aux offices1140; l'Oeuvre du clergé, basée sur la générosité des catholiques, permet de compléter les bénéfices curiaux et de fournir aux prêtres les ressources matérielles nécessaires; l'Oeuvre des Tabernacles assure l'entretien des sacristies; les cinquante-cinq jeunes aspirant à la prêtrise sont soutenus par l'Oeuvre des vocations et un petit séminaire, l'école St-Louis, a été ouvert; les ventes de charité se multiplient; pour construire ou restaurer les églises, on fait appel à de jeunes artistes qui inaugurent un nouveau courant dans l'art sacré, alors en pleine expansion1141. Les Semaines d'études (avec les P. Bessière, de la Brière, Delos, Mgr Beaupin, Gonzague de Reynold entre autres), les nombreux cours et conférences, en particulier ceux donnés par l'abbé Journet, sont beaucoup fréquentés; les innombrables sociétés, groupements, associations, cercles, unions et sections1142 rassemblent des laïcs zélés. Enfin, colonies de vacances, oeuvres sociales et hospitalières connaissent un développement important.
Si c'est la montée du corporatisme qui semble retenir particulièrement l'attention de Leyvraz, la vie de l'Eglise ne lui est pas indifférente. Pour lui, la paroisse reste ce lieu ordonné à la vérité et qui ‘"constitue le seul groupement où la loi chrétienne est en pleine vigueur. L'homme qui vit dans l'atmosphère de la paroisse et de ses oeuvres garde intacte la notion de ses devoirs de chrétien et de citoyen. (...) La paroisse demeure garante et gardienne de la civilisation devant la cité défaillante1143"’. ‘"Comme fidèle, je suis entré dans le rang, tout simplement. Un catholique "moyen" si vous voulez. Un paroissien comme un autre. Enfin, un homme de la troupe1144."’ Pour lui, l'Eglise reste bien cette mère découverte lors de son exil en Turquie et dans les bras de laquelle il continue de se réfugier. ‘"L'Eglise ne contraint personne. Mais elle appelle tout le monde, tous les jours. Il suffit de faire quelques pas dans sa direction pour ressentir les effets merveilleux de sa sollicitude. (...) J'ai connu la plus noire solitude au sein même de la "solidarité" socialiste et de sa camaraderie superficielle. J'ai retrouvé l'isolement dans une douzaine de sociétés de tous genres. L'Eglise seule, jour par jour, m'entoure et m'encourage. (...) l'Eglise ne nous laisse pas un moment de répit. Elle sait combien notre vie est brève pour l'oeuvre du salut. A peine avez-vous atteint le point que tout d'abord elle vous avait désigné, que déjà elle vous entraîne vers un autre sommet. Elle ne s'irrite pas. Après les chutes, après les égarements, elle est là, pleine d'amour, comme au jour de la victoire1145."’
Le drapeau du Cartel évoque la Genève des Princes-Evêques et donc l'époque des Corporations; il supprime le Post tenebras lux de la Réforme pour le remplacer par un Post tenebras spero lucem (faisant référence à Jb 17,12); la clé unique est remplacée par deux clés qui représentent la soumission à l'Eglise; quant à l'aigle impériale couronnée de rouge, le Cartel lui a substitué une aigle sans couronne, mais avec un nimbe d'or. Clés et aigle sont inversés par rapport aux armoiries officielles. Remplaçant le trigramme grec (rappelant la Genève réformée), il y a le S latin, et au lieu du soleil naissant, on trouve un nimbe radié. Le Cartel ajoute aux couleurs officielles rouge et jaune, le violet, couleur des évêques.
En mai 1929, la Fédération genevoise des corporations et syndicats chrétiens compte 2.250 syndicalistes membres, répartis dans 31 syndicats; 450 Corporateurs de la Terre, répartis en 16 sections paysannes, 7 ouvrières et une horticole; 1.500 adhérents aux mutualités, 5.000 membres des Caisses maladie chrétienne-sociale et Union rurale.
Genève compte, en 1929, 7 paroisses catholiques urbaines, 7 suburbaines et 19 rurales, ainsi que 2 communautés linguistiques (italienne et suisse-allemande).
Un mouvement très important surgit à Genève depuis les années 1920 et permet à de nom-breux artistes (Adolphe Guyonnet, Alexandre Cingria, Maurice Denis, Marcel Feuillat, François Baud, Théodore Strawinski, François Fosca (Georges de Traz), Albert Chavaz, etc. de renouveler l'art sacré. Rassemblés dans le groupe Saint-Luc, ces artistes vont en effet donner une teinte moderniste à l'art sacré en le sortant des fadeurs sulpiciennes et néo-gothiques.
Société Ste-Blandine, Secours mutuels, jeunes filles, jeunes gens, chorales, Enfants de Marie, Dames de charité, patronages, catéchismes, tiers-ordre, ouvroirs, etc.
"L'homme dans la paroisse". Courrier de Genève, 17 juin 1928.
"D'un converti à un blasphémateur". Courrier de Genève, 6 septembre 1929.
Ibid.