2. LES COMBATS DE MGR PETITE, VICAIRE GÉNÉRAL

a) Pour l'essor du Courrier de Genève

La stratégie de Mgr Petite en faveur du Courrier de Genève a porté ses fruits; le 1er janvier 1924, le journal signalait que ‘"l'année qui vient de s'écouler n'a pas été mauvaise pour le Courrier. Il a été lu davantage, mieux apprécié, moins critiqué peut-être; et les sympathies éveillées en sa faveur se sont traduites concrètement (...) par une souscription qui réussit bien au-delà de nos petites espérances du début1146"’. En 1926, le journal a passé à plus de cinq mille abonnés. Au printemps 1927, le vicaire général sollicite Pie XI1147 en spécifiant d'abord que le quotidien a ‘"le plus fort tirage des journaux d'opinion de Genève, il n'est surpassé que par les deux journaux de pure information. Le Courrier de Genève est suivi avec intérêt et cité dans la presse étrangère; dernièrement encore la Documentation catholique de Paris citait, in extenso, des articles du Courrier 1148. Grâce à l'augmentation continuelle de son tirage, la Foi Catholique (sic) se maintient à Genève et progresse de façon visible."’ Mgr Petite juge donc indispensable que le journal poursuive son action dans la ville internationale : ‘"La nécessité de la Presse Catholique n'a pas besoin d'être démontrée; à Genève cette presse est indispensable, non seulement pour la population indigène, mais aussi pour l'Eglise en général, vu la position qu'occupe aujourd'hui dans le monde le siège de la Société des Nations. Ne serait-il pas navrant que les très nombreux envoyés des Nations du monde entier dussent constater l'absence de toute voix catholique dans la presse de Genève (...) ?"’ Puis le vicaire général, en exprimant sa fatigue et son espoir, en appelle aux sentiments du souverain pontife : ‘"Me voici entré dans la vieillesse, qui après moi voudra charger un tel fardeau sur ses épaules ? Je ne sais pas moi-même comment j'ai pu le porter c'est la Providence Divine qui a tout fait ! Je voudrais, avant de mourir, pouvoir assurer l'avenir de cette Oeuvre qui m'a coûté tant de travaux et de veilles. (...) Très Saint Père, aidez un vieux serviteur à mourir en paix en lui permettant d'assurer l'avenir d'une oeuvre nécessaire, indispensable à la vie et au développement du catholicisme dans la citadelle du protestantisme (...)."’ Mgr Petite laisse alors au pape le choix de son appui : soit ‘"un geste très généreux [permettant d'éteindre la dette du Courrier de Genève, soit] une recommandation pour les évêques d'Amérique qui donnent volontiers et très généreusement lorsqu'une Oeuvre est patronnée par Votre Sainteté1149".’

Et grâce à l'inlassable dévouement de Mgr Petite mais aussi, vraisemblablement, à la ligne rédactionnelle du journal, le Courrier de Genève remporte un succès grandissant. En 1928, il y a près de cinq mille sept cents abonnements; en 1929 il est envisagé que, désormais, le quotidien vole de ses propres ailes. Grâce à l'arrivée de fonds, Leyvraz peut se mettre à la recherche de nouveaux rédacteurs; mais la tâche n'est pas aisée : le quotidien catholique n'attire guère de journalistes professionnels, qui le jugent trop chancelant et ne sont pas intéressés par un maigre salaire. Heureusement, un jeune converti proche de l'abbé Journet, Henri Schubiger1150, vient offrir ses services; le rédacteur en chef peut désormais compter sur un collaborateur apprécié.

Notes
1146.

A.Mi (vraisemblablement l'abbé Mordasini, directeur). "Nos voeux de nouvel-an". Courrier de Genève, 1er janvier 1924.

1147.

Lettre de Mgr Eugène PETITE à Sa Sainteté Pie XI, 2 mars 1927. Archives du Vicariat général, Genève.

1148.

Très régulièrement, en 1ère page, figurent des articles signés Charles Journet, et quelquefois également Jacques Maritain, écrits qui attirent certainement des lecteurs français.

1149.

Lettre de Mgr PETITE à Sa Sainteté Pie XI, 2 mars 1927, op. cit.

1150.

Comme Leyvraz, Schubiger a été amené au catholicisme sous l'influence de Bloy.