Entre 1927 et 1929, d'autres problèmes agitent la vie catholique genevoise. En 1927, les élections municipales et cantonales ont mis au grand jour d'importantes divergences. Leyvraz a soutenu la ligne du parti indépendant et chrétien-social par la présentation détaillée1168 de son programme corporatif. En utilisant le pronom personnel "nous", le rédacteur en chef du Courrier de Genève s'est en quelque sorte, avec son journal, intégré au parti : ‘"Nous sommes conservateurs des traditions chrétiennes, des principes qui sont à la base de toute civilisation chrétienne, mais non pas des abus criants d'une société accroupie devant le Veau d'Or, où les valeurs spirituelles les plus sacrées sont chaque jour foulées aux pieds1169."’ La préparation et l'élection du Grand Conseil1170 ont ravivé des tensions qui se sont répercutées sur le journal catholique, en vertu des liens existants1171. En effet, depuis l'inclusion du Groupement social, ce sont deux lignes, souvent antagonistes, qui cohabitent dans le Parti : L'indépendante, symbole des temps héroïques, et la chrétienne-sociale qui joue un rôle moteur, grâce à son dynamisme. Courants respectivement personnalisés par deux collaborateurs du Courrier de Genève : Jules-Edouard Gottret, chroniqueur de la politique suisse et genevoise, et Henri Berra, présent sur tous les fronts, qui participe hardiment à la rédaction de la Page hebdomadaire du Mouvement chrétien-social, et dont le ton sans nuances échauffe certains esprits. Entre-temps, en 1927, le journal est encore devenu l'organe officiel des syndicats chrétiens et ce triple mariage avec le Parti, le Cartel et la Fédération n'a vraiment pas arrangé les choses !
En 1927 : "Le programme du Parti indépendant", 17 mai; "La famille et l'Etat", 19 mai; "Vers un ordre social chrétien", 27 octobre; "Le Parti indépendant contre l'immoralité", 30 octobre; "Le Parti indépendant et les riches", 4 novembre; "Pour la patrie. Faites votre devoir civique", 6 novembre. Courrier de Genève.
"Vers un ordre social chrétien". Courrier de Genève, 27 octobre 1927.
Au Grand Conseil, alors que les indépendants qui obtiennent 13 sièges et les socialistes 32, les 3 autres partis enregistrent un recul. Les radicaux ont 22 sièges, l'Union de défense économique 21, le parti national démocratique 12 sièges. Quant aux communistes, ils font un score ridicule. L'alliance "conjuguée" du Conseil d'Etat, jusque-là formée de 3 radicaux, 2 démocrates et 2 socialistes éclate lors de ces élections; dès lors, la majorité du gouvernement est composée d'un bloc "bourgeois" (3 radicaux, 2 élus Union de défense économique et un démocrate); un socialiste occupe le 7e siège. Les indépendants ne parviennent pas à récupérer la place perdue en 1924.
Une lettre envoyée le 3 novembre par l'abbé Albert COMPAGNON, directeur du journal, au Secrétaire général du Parti en donne une preuve (Archives du Parti démocrate-chrétien, Genève). Même s'il n'est pas très aisé d'en saisir le contenu, elle montre qu'il y a un problème de communication et de pouvoir entre les tendances indépendante et chrétienne-sociale du Parti.