3. REMOUS AUTOUR D'UNE FAUSSE NOUVELLE

En dénonçant l'injustice, en tentant d'appliquer les enseignements sociaux de l'Eglise pour faire échec au communisme et au capitalisme, Leyvraz s'expose à toutes les critiques. Il est souvent classé ‘"à gauche et même à l'extrême-gauche par un certain nombre de notables influents, qui [s'efforcent] de le faire passer pour un dangereux complice des socialistes, et même des communistes, auprès de l'autorité religieuse¹²⁶⁰"’, ce qui augmente les démêlés entre l'évêque et le Courrier de Genève. Malgré la bonne foi du rédacteur en chef, un nouvel événement va aggraver le malaise. Le quotidien catholique n'a-t-il pas donné naissance à un bruit mensonger (peut-être répandu par les chrétiens-sociaux), celui de l'accession de Besson au cardinalat ? Dès lors, l'évêque peine à renouer le dialogue et sa réaction montre la profondeur de sa colère face à cette rumeur : ‘"(...) publiée par un journal catholique du diocèse, [elle] continue à circuler. (...) si l'on a voulu ridiculiser l'Evêque et "lui faire du tort", on a parfaitement réussi¹²⁶¹. A l'heure qu'il est, je n'ai eu de la direction du Courrier ni un mot d'excuse ni une rectification. J'espère que vous n'avez pas un instant douté que je ne garde aucun ressentiment personnel contre ceux qui nuisent sérieusement à mon ministère; mais je ne vois vraiment pas que j'aie, moi, à faire quelque chose pour régulariser une situation de plus en plus regrettable. Veuillez agréer, cher Monsieur, avec mes remerciements pour votre bon travail personnel, et l'assurance de ma confiance entière, l'expression de mes sentiments bien dévoués¹²⁶²".’

Après une entrevue avec Besson, lors de la Fête du Travail, Leyvraz écrit à celui-ci : ‘"Permettez-moi encore, Monseigneur, de vous exprimer le chagrin que j'ai éprouvé, dimanche, à vous voir si vivement affecté par la déplorable erreur d'information que nous avons commise. Des circonstances que j'ignorais complètement ont donné à ce fait une portée que j'étais loin de soupçonner. Une fois de plus, je forme le voeu ardent et sincère qu'il soit possible de trouver bientôt une issue à la situation qui vous afflige et qui, croyez-le bien, m'est aussi singulièrement pénible et douloureuse¹²⁶³."’ Faut-il faire un lien entre cet incident et la Lettre pastorale du Carême 1932, dans laquelle Mgr Besson invitera ses diocésains à méditer sur le thème de la sincérité, par une citation de St-Augustin : ‘"Quiconque prétend qu'il y a des mensonges qui ne sont pas des péchés, se trompe honteusement, lui-même, en croyant qu'il trompe honnêtement les autres" ?’

Dans sa lettre à Leyvraz¹²⁶⁴, l'évêque montrait aussi, à nouveau, combien il se sentait incompris : ‘"Vous le savez, cher Monsieur, la direction du Courrier suit moins le mot d'ordre de l'Evêque que celui d'autres personnes. Quand l'Evêque, usant de son droit, veut donner une ligne de conduite au Courrier, on laisse entendre qu'il prend les Genevois pour des Vaudois et qu'il ne connaît rien aux affaires de Genève. L'Evêque a eu plusieurs fois, à cause du Courrier, de gros ennuis qui gênent beaucoup son activité, alors que le Courrier se fait passer pour l'organe des catholiques de Genève, et par conséquent, pour le journal de l'Evêque. Il est, d'ailleurs, la propriété de l'Evêque. De là vient la situation fausse dans laquelle nous nous trouvons, et le moins qu'on puisse m'accorder, c'est de pouvoir dire que je ne suis pas toujours satisfait. (...) Si, par une attitude d'opposition systématique on aboutit à des luttes confessionnelles, c'est évidemment l'Evêque qui devra résoudre ensuite les difficultés, - l'Evêque dont on n'aura pas suivi les directions, sous prétexte qu'il n'y connaît rien¹²⁶⁵."’