Puisqu'il a été entendu que le Courrier de Genève, organe d'action religieuse, ne pouvait plus être le porte-parole officiel du parti indépendant et chrétien-social, le Comité directeur de cette formation politique décide de créer son propre journal. Contrairement aux craintes qui avaient été exprimées par l'évêque, le Parti démontre ainsi qu'il n'entend pas se confondre avec la Fédération des syndicats chrétiens et corporatifs, ni utiliser la Liberté Syndicale. En lançant, le 28 mars 1936, le bi-mensuel La Nouvelle Suisse, les politiciens veulent disposer d'une arme qui engage leur seule responsabilité, pour traiter essentiellement des questions locales et disposer d'un support pour les élections cantonales à venir. Dans son premier édito, Déthiollaz apporte quelques précisions importantes, démontrant une certaine évolution : le Parti se refuse à être confessionnel; il se veut ouvert à tout chrétien, même à ceux qui ont perdu la foi, pour autant qu'ils soient d'accord de s'orienter vers des décisions chrétiennes, afin de combattre le matérialisme capitaliste ou marxiste. En outre, en tant que chrétiens et patriotes, les responsables du Parti se déclarent prêts à fusionner avec un groupement national plus vaste, si le bien supérieur de la Patrie le réclame.
D'emblée, Leyvraz est associé à la rédaction de La Nouvelle Suisse, dans laquelle il adopte un ton purement politique1545; il invite les lecteurs à soutenir ce journal, à combattre, à construire un Ordre nouveau chrétien qui réorganise la vie professionnelle et économique, à rester vigilants, à ne pas se laisser bercer par l'extrême-gauche qui veut accaparer la Fête nationale à des fins politiques, à être des élites qui agissent, à voter "national" et non pas communiste ou socialiste, à faire triompher le programme commun adopté par les quatre partis nationaux du canton, à ne pas remettre au pinacle Léon Nicole - dont la politique a été "décriée, discréditée partout1546".
René LEYVRAZ. "Elite, que fais-tu ?" La Nouvelle Suisse, 23 mai 1936. Le journaliste cite l'abbé François Charrière qui, dans la revue Nova et Vetera, appelle l'Eglise à répandre sur terre des bienfaits matériels, appropriés aux circonstances, si elle veut continuer de faire entendre et accepter son message surnaturel.
"Le front fendu". La Nouvelle Suisse, 20 octobre 1936. Il convient de noter que les milieux financiers s'étaient ligués, entre 1933 et 1936, contre le gouvernement de Nicole qui les avait jadis tant critiqués. Chaque demande de ce gouvernement fit l'objet d'une consultation des banques auprès de la droite, afin de savoir s'il convenait d'accepter ou de rejeter ses sollicitations, d'atténuer ou d'amplifier la crise financière, qui atteignit son paroxysme en 1935-1936.