4. L'ACTIVITÉ DE LEYVRAZ AU SEIN DU PARTI

Très vite, après avoir constaté que l'impact de La Nouvelle Suisse s'était révélé insuffisant, la question de la survie de ce journal est posée. Le 29 avril 1937, Leyvraz propose au Bureau directeur du Parti de renoncer à faire paraître régulièrement cet organe dont le coût est trop onéreux, et de ne l'éditer que de manière ponctuelle, par exemple lors de campagnes électorales. Il suggère de créer, au sein du Parti, un Service de presse1566 chargé de faire publier, dans le Courrier de Genève, des articles traitant de la doctrine et des principes. Cette proposition est acceptée et présentée peu après par François Gency et Marius Constantin à Mgr Petit. Le Vicaire général leur signale alors que si la position du quotidien catholique n'est pas modifiée par rapport au Parti, son administration se montrera en revanche plus tolérante pour accepter des articles.

Le 6 novembre 1938, le parti indépendant et chrétien-social fête son quarante-cinquième anniversaire. L'événement est annoncé dans une pleine page du Courrier de Genève. Les lignes suivantes montrent que les dirigeants du Parti n'ont pas la hargne manifestée si souvent par Berra envers le vicaire général : Au cours de la messe prévue pour ce jubilé, Mgr Henri Petit fera ‘"le sermon de circonstance. C'est assez dire l'intérêt et la sympathie avec lesquels il suit nos efforts. A mainte reprise d'ailleurs, sur le plan politique comme sur le plan social, il a montré le prix très grand qu'il attache à la rechristianisation de nos institutions. (...) On verra ensuite notre nouveau drapeau, comme jadis la bannière de l'Union des Campagnes, s'incliner sous la main bénissante de l'Eglise1567"’. En outre, le rédacteur de cet article (vraisemblablement Leyvraz) trace une ligne claire de démarcation des plans, jadis arrêtée avec la collaboration de Journet. Mais l'explication du journaliste vise-t-elle à placer l'Eglise au-dessus des contingences ou à maintenir l'indépendance politique et sociale des militants lorsqu'il rappelle qu'il ne faut ‘"point CONFONDRE la religion avec aucun parti politique. La politique de parti se meut dans des contingences telles qu'on ne saurait, de toute évidence, y engager l'Eglise sans la compromettre de manière inadmissible"’ ? Il n'en reste pas moins ‘"que toute la politique doit être INSPIRÉE par l'esprit chrétien1568".’

A l'occasion de cet anniversaire, une plaquette1569 évoquant les luttes du passé et traçant les perspectives d'avenir est éditée; Leyvraz en rédige le chapitre intitulé "L'origine et l'essor du Parti Indépendant". Là, il prend soin - tout en explicitant leurs liens étroits - d'établir une distinction (qui plaira certainement à l'évêque et au vicaire général) entre le Parti et le Mouvement des syndicats chrétiens et corporatifs lequel, ‘"bien entendu, est nettement distinct de la politique. Mais comme il se réclame des encycliques sociales, comme ses premiers pionniers sont des catholiques militants, tout naturellement leur action se prolonge sur le plan politique, donc au sein du Parti Indépendant d'abord"’. Mais il rappelle aussi le ‘"constant souci d'indépendance [des corporatistes] vis-à-vis des partis1570"’. Dans le chapitre "Vers l'avenir", Leyvraz relève que le ‘"christianisme n'est plus attaqué directement dans ses dogmes, mais par le biais de la question sociale (...)"’. Explicitant peut-être son souhait de voir modifier le nom du Parti, et démontrant un souci d'ouverture, il déclare : C'est toujours dans le Parti Indépendant chrétien-social ‘"que les catholiques se grouperont à l'heure du danger. Toutefois, la tactique nouvelle des forces antichrétiennes permet de se demander s'il ne doit pas étendre son champ d'action, se présenter comme un parti de large défense chrétienne, et surtout de reconstruction chrétienne de l'ordre politique et social, de manière à pouvoir associer dans un même effort tous les chrétiens, sans distinction de confession. (...) Notre mission, c'est de refaire pour nos fils la Suisse de nos pères, de la refaire plus forte et plus pure encore, de manière qu'au centre de l'Europe, dans le vent glacé des sommets, notre bannière flotte plus belle que jamais aux yeux des peuples angoissés auxquels la Croix blanche sur fond rouge rappellera la loi d'amour et de paix, la loi de travail et de droiture, la loi de sacrifice et d'honneur hors de laquelle l'humanité ira toujours de malheur en malheur et de ruine en ruine1571."’

Notes
1566.

Ce Service sera dirigé par Marius Constantin et René Leyvraz.

1567.

"45me anniversaire du Parti Indépendant et chrétien-social". Courrier de Genève, 30 octobre 1938.

1568.

Ibid.

1569.

Parti Indépendant et Chrétien-social, 45me anniversaire. Genève : 6 novembre 1938. Archives du Parti, Genève.

1570.

Ibid. (Ce fascicule ne comporte pas de numéros de pages).

1571.

Parti Indépendant et Chrétien-social, 45me anniversaire. Genève : 6 novembre 1938, op. cit.