Leyvraz reste viscéralement attaché à ses racines paysannes; de nombreux articles témoignent de ses liens à la terre, de l'intérêt et de l'amour qu'il porte à ceux qui la travaillent, du chagrin qu'il éprouve devant l'exode des campagnes et des montagnes. ‘"Notre patrie a été fondée par des montagnards. Si nous laissons cette race originelle souffrir et dépérir, le pays sera touché dans sa moelle1647."’ Tout départ pour Corbeyrier est une chronique annoncée : ‘"Chaque année, quand je boucle ma valise pour partir en vacances, un excellent ami me raille cordialement : "Alors, toujours le même coin, toujours le même village ? Qu'est-ce que tu peux bien faire là-haut ? Quelle vie de marmotte y traînes-tu ?" - Eh ! bien, oui, je rejoins la vieille maison paternelle, les sentiers où j'ai mené les jeux de mon enfance. Sur les mêmes rochers, je contemple le même horizon, et le soir, au soleil couchant, mes pas me portent toujours vers le vieux cimetière. Sur le portail, je relis l'inscription presque effacée : "Je les ressusciterai au dernier jour" et tout songeur, je vois à mes côtés mon fils qui retrouve lettre par lettre le message de l'éternelle espérance1648 ...."’ Le 11 septembre 1938, lors de la onzième Journée paysanne organisée par les Corporations agricoles, Leyvraz donne un exposé sur le thème ‘"Le Malaise paysan. Ses causes - ses remèdes1649"’. Il veut attirer l'attention de ses ‘"amis paysans sur l'urgente nécessité d'un regroupement organique des forces agricoles par la Corporation qui seule, (...) est capable d'assurer efficacement la juste défense de la communauté paysanne dans le cadre de la communauté internationale1650"’. Après avoir flétri les mauvais exemples donnés par l'organisation agricole communiste en Russie et la concentration capitaliste qui signe le glas de la paysannerie aux Etats-Unis, le conférencier encourage ses auditeurs à ‘"combattre avec la dernière énergie (...) l'industrialisation forcée et massive de la terre, qui est un phénomène de spéculation capitaliste ou de révolution communiste, et qui ne tient compte ni des débouchés ni des droits et de la dignité du travail1651"’. Ayant indiqué que la crise agricole ne peut être comprise que si elle est replacée dans le cadre de la crise économique, Leyvraz déclare que, pour ‘"sauver l'industrie, du moins pour la maintenir dans toute la mesure du possible, il faut des campagnes prospères et peuplées - peuplées d'hommes et non pas de monstres mécaniques qui chassent les hommes1652"’. En mars 1939, le rédacteur syndicaliste se réjouit du projet établi par le Département fédéral de l'économie publique pour l'extension de la culture des champs afin ‘"d'amener peu à peu nos agriculteurs à vivre sur leur propre domaine, à produire dans toute la mesure du possible les denrées alimentaires et les fourrages dont ils ont besoin et qu'ils importaient jusqu'ici, à tourner résolument le dos à l'industrialisation pour se consacrer à une culture plus diversifiée, mieux adaptée aux besoins du pays et aux possibilités de l'exportation. (...). La voie choisie par le Conseil fédéral est la bonne. (...) La réforme entreprise aura (...) pour conséquence de retenir à la terre toute une jeunesse qui garde une tendance fâcheuse à affluer vers les villes, où elle accroît le chômage, où elle ne peut trouver qu'une existence médiocre et souvent démoralisante1653".’
"Quand je pense à mon village ... ". Liberté syndicale, 27 août 1937.
Ibid.
Cette conférence sera publiée sous le titre Le Malaise paysan, ses causes, ses remèdes. Genève : Fédération genevoise des corporations agricoles, [ s. d.].
René LEYVRAZ. Le Malaise paysan, ses causes, ses remèdes, op. cit., Introduction.
Ibid., p.5.
Ibid., pp. 5-6.
"Vivre sur son fonds". Liberté syndicale, 13 mars 1939.