4. LE MAÎTRE À PENSER DES LECTEURS ENGAGÉS

Depuis son arrivée à Genève, Leyvraz encourage ses lecteurs à lire, en leur conseillant des titres d'ouvrages. Toujours animé d'un souci pédagogique (c'est dans cette perspective qu'il faut considérer l'édition des fascicules, vendus 30 centimes, de ses diverses conférences), le journaliste tente d'amener les militants à agir et à réfléchir, et de les motiver en leur communiquant quelques procédés simples et pratiques :

‘"Voici quelques indications tirées de l'expérience. Il faut lire peu, et lire à fond. Prenez le petit ouvrage proposé [un livre de Doriot]. Il a cent cinquante pages. Une lecture hâtive réclame quatre ou cinq soirées. Cela ne vaut rien. Dix pages par jour suffisent amplement. Prenez un crayon de couleur, lisez vos dix pages lentement, avec toute la concentration d'esprit dont vous êtes capable, et soulignez les passages qui vous frappent le plus. Puis posez le livre et laissez "travailler" ce que vous avez lu. L'assimilation se fera à votre insu, pendant la nuit, pendant le jour qui suivent. Ne vous occupez pas de retenir par coeur telle phrase, tel passage." Après avoir dit qu'au terme de la lecture, on peut revenir à certains chapitres, Leyvraz poursuit : "Je compte qu'un livre ainsi médité peut occuper votre esprit pendant deux mois environ. Il est alors acquis, assimilé. Un certain nombre de notions et de faits sont ancrés dans votre esprit, autour desquels, d'eux-mêmes, d'autres faits et d'autres notions vont venir se grouper. Vous vous en apercevrez sans tarder dans vos conversations, dans vos discussions." Puis il encourage ses lecteurs à adopter une certaine discipline. "J'ai sur ma table un petit livre que j'ai relu une dizaine de fois depuis six mois; il est tout zébré de notes et de coups de crayon. Je l'ai maintenant dans la tête, et cela m'est plus utile que d'avoir avalé une vingtaine de volumes dans le même temps1659."’
Notes
1659.

"Mission du militant". Liberté syndicale, 23 octobre 1936.