2. LA GUERRE D'ESPAGNE

Pour ce qui est de la guerre d'Espagne1665, Leyvraz fait endosser l'échec d'une restauration dans ce pays au mouvement intellectuel qui préconisait un ordre nouveau; en effet, par manque ou éparpillement de ses réalisations, ce mouvement n'a ‘"pas influé de manière décisive sur le cours des événements. La vague rouge est revenue. Elle a renversé les trop faibles barrages qui devaient lui faire obstacle. Trop faibles, pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas eu, malgré tout, chez l'ensemble des chrétiens espagnols, le grand élan qui, balayant tous les anciens préjugés de classe, aurait permis de fonder solidement la vraie société chrétienne, d'ôter à la révolution ses prises économiques et sociales1666".’ Malgré ce constat d'échec, Leyvraz relèvera, quelques mois plus tard, qu'il ‘"subsiste en Espagne de puissantes énergies nationales qu'il n'est pas possible de juguler. [Dont] une (...) visiblement appelée à jouer un rôle capital dans l'Espagne de demain : [celle déployée par] le mouvement syndicaliste-national créé par José-Antonio Primo de Rivera : la Phalange (...) [qui] veut un Etat fort auquel "participeront tous les Espagnols par le truchement de leur fraction familiale, syndicale et municipale" (...), résolue à imposer au capitalisme la discipline nationale. Or, la Phalange, c'est l'Espagne de demain qui ne ressemblera d'aucune manière à la hideuse caricature que les mercenaires de Staline propagent dans les masses. La Jeune Espagne veut en finir avec la finance parasitaire tout aussi bien qu'avec la bar-barie marxiste. Nous saluons ici son héroïque effort1667".’ Trois semaines plus tard, la ville de Guernica sera bombardée par l'aviation allemande1668. L'horrible massacre qui dé-chirera le pays durant des mois, amènera Leyvraz à en désigner plusieurs coupables : ‘"Devant les milliers de cadavres étendus sur la terre d'Espagne, je ne désigne pas UN responsable - le marxisme, l'anarchie. J'en désigne DEUX, car au premier j'ajoute le CAPITALISME avilisseur, exploiteur, le grand coupable de la révolte ouvrière1669."’

Notes
1665.

776 volontaires suisses (la plupart des ouvriers pauvres, exilés dans des villes, à la recherche d'une terre susceptible de les nourrir) s'engagent dans ce conflit. La Suisse, dont la législation interdisait tout engagement dans une armée étrangère en vertu de sa neutralité, traduira systématiquement en justice militaire ceux qui avaient violé la loi. Il y aura 550 procès et 420 jugements définitifs où les 4/5 des personnes seront condamnés à des peines allant de 15 jours à 4 ans d'emprisonnement avec souvent, en plus, une privation des droits civiques (1 à 5 ans).

1666.

"La leçon des faits". Liberté syndicale, 21 février 1936.

1667.

"La Jeune Espagne en marche". Liberté syndicale, 9 avril 1937.

1668.

Alors qu'à fin septembre 1936, Nicole s'était élevé contre la politique de réserve et de neutralité du Conseil fédéral, ce dernier refuse, en août 1937, de reconnaître aux nationalistes le statut de belligérants qui leur permettrait de remettre en cause la légitimité du gouvernement républicain; il décide de s'en tenir à la politique poursuivie jusqu'ici, soit de garder des relations officielles avec l'Espagne républicaine et n'avoir que des rapports de fait avec les nationalistes.

1669.

"Le mauvais maître". Liberté syndicale, 12 novembre 1937.