6. LA SUISSE FACE À LA GUERRE

Comme dans un journal de bord, semaine après semaine, chaque événement est scruté et commenté par Leyvraz dans La Liberté syndicale; occasion de "refaire l'histoire", de déterrer les racines des événements, d'octroyer à la Suisse un rôle particulier :

‘18 février 1938. "La Suisse en danger ?" "(...) Quant à savoir si le péril est plus grand du côté de l'axe Paris-Moscou que du côté de l'axe Rome-Berlin, c'est chose absolument impossible dans les circonstances actuelles. (...) Nous devons être forts de tous côtés, nous devons nous imposer tous les sacrifices requis par la défense nationale, de telle manière que l'invasion soit une opération assez onéreuse pour faire reculer les états-majors. C'est là notre défense matérielle. Quant à notre défense spirituelle (...) [elle] est d'une importance capitale. Aucune défense armée ne nous sauverait le jour où la religion païenne de la Force triompherait en Europe. La Suisse doit rester au milieu de l'Europe la forteresse du Droit, et elle ne peut l'être que dans la mesure où elle demeure ou redevient une forteresse de la Foi chrétienne1683."’ ‘12 novembre 1938. "Le nationalisme et l'économie moderne" : "(...) nous devons veiller à ce que l'autarcie ne déborde pas du plan économique sur le plan spirituel et ne dégénère pas, comme en Allemagne, en un nationalisme négateur de toute universalité. Il y a là pour la chrétienté, pour la civilisation, un danger dont on ne saurait trop souligner l'extrême gravité. Il menace en particulier notre jeunesse, plus sensible que l'âge mûr aux courants de l'époque et qu'en raison de l'incertitude économique où elle se débat souvent, peut être aisément attirée par les "slogans" des systèmes totalitaires1684".’ ‘24 février 1939. "Une vilenie" : "Tout en admirant le redressement national opéré par ses grands voisins, [l'opinion suisse] ne pense pas que les idées racistes et les formules totalitaires puissent l'aider à résoudre ses propres problèmes. Le racisme est la négation de notre pays, et l'esprit totalitaire est incompatible avec son fédéralisme traditionnel. MM. Hitler et Mussolini n'ont-ils pas proclamé, à mainte reprise, que le nazisme et le fascisme ne sont pas des articles d'exportation ? Cela est particulièrement vrai pour la Suisse1685."’

Menace d'une invasion italienne en France :

‘"Nous avons compris que l'Italie se taille un empire colonial aux dépens d'une féodalité esclavagiste1686. Nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais qu'elle revendique des territoires d'un pays civilisé, sur lesquels elle n'a aucune espèce de droits. (...) la guerre menace de s'allumer entre les soeurs latines ! Nous les aimons toutes les deux. Chacun d'entre nous a le coeur déchiré par l'inconcevable querelle qui les met aux prises. Rien ne nous empêchera de condamner une agression qui consommerait la ruine de l'Europe et qu'aucun argument ne peut justifier1687."’

Les négociations des Autorités suisses pour mettre un terme aux excès du Giornale d'Italia qui, dans un article injurieux, a critiqué la neutralité helvétique, ‘"ne sauraient aboutir à une "mise au pas" générale de notre presse en faveur de l'axe Rome-Berlin. (...) En matière de politique étrangère, il est clair que, dans l'intérêt du pays, notre presse doit aujourd'hui s'astreindre à la plus grande réserve1688".’

‘3 mars 1939. "Avertissements" : Suite aux protestations de la Confédération dans son litige avec le Giornale d'Italia, les journalistes suisses travaillant sur sol italien ont été expulsés en signe de représailles. Ce quotidien mène une campagne ouverte sous les auspices du gouvernement italien qui tente "d'imposer à toute notre presse le diapason de l'axe Rome-Berlin. Voilà dans quel sens la manoeuvre va se développer. Elle se heurtera chez nous à une résistance résolue. Alors, les pressions, les sanctions économiques entreront en jeu pour nous mettre sur les genoux. (...) Tel est le péril qui nous menace. Il est question, non pas de nous envahir, mais de nous vassaliser. C'est très probablement sur le front économique que nous aurons à nous battre : c'est-à-dire qu'il nous faut nous préparer à une ère de difficultés accrues et de sacrifices matériels. Des puissances amies peuvent nous apporter des compensations. Le choc sera tout de même ressenti par notre économie, qui n'est pas invulnérable. Inutile de se répandre ici en exhortations. Si chaque Suisse est prêt à verser son sang pour le pays, il doit être également prêt à se serrer la ceinture d'un cran ou deux1689."’ ‘10 mars 1939. "C'est la ruine de tous" : "Dans deux ans, l'effort supplémentaire pour la défense nationale aura coûté deux milliards de francs au peuple suisse ! (....) Quelle est la cause du réarmement universel ? - La menace de guerre des "nations pauvres" contre les "nations riches ". A la tête des premières se trouvent l'Allemagne et l'Italie, mal loties quant aux colonies, aux matières premières et aux réserves d'or. (...) Qu'il y ait des inégalités économiques entre les nations, c'est l'évidence. Les trois quarts de la réserve d'or du monde sont détenus par la France, l'Angleterre, et les Etats-Unis. Les matières premières ne sont pas mieux réparties, et quant aux colonies ... (...) Il reste à savoir si, pour les nations pauvres elles-mêmes, la guerre est le bon ou le seul moyen de sortir de l'impasse. Nous n'en croyons rien ! Avant M. Goebbels, Guillaume II a chanté pour le Reich la complainte de la "nation pauvre" tout en fourbissant l'épée allemande. (...) l'Allemagne fit la guerre en grande partie pour sortir de son infériorité économique. Qu'en est-il résulté ? - La ruine pour elle, l'appauvrissement pour tous, la crise générale. (...) nous contribuons pour deux milliards de francs à l'universelle folie du réarmement, et (...) par conséquent nous marchons avec tous à la catastrophe où cette folie entraîne le monde. (...) Nous ne donnons nullement raison aux "nations riches" contre les "nations pauvres". Mais nous pensons que les difficultés actuelles doivent se régler par des négociations pacifiques. Elles ne peuvent pas se régler autrement, car la guerre serait la ruine de tous, les vainqueurs aussi bien que les vaincus, et marquerait le triomphe universel d'une effroyable anarchie1690."’ ‘24 mars 1939. "La guerre inévitable ?" : "Le coup de force du IIIme Reich contre la Tchéco-Slovaquie a porté à son comble l'inquiétude universelle. Partout, on parle de la guerre imminente. La France, l'Angleterre et les Etats-Unis réarment fiévreusement. La Suisse elle-même doit s'imposer d'énormes sacrifices pour protéger son territoire. L'inquiétude se mue en colère, en exaspération devant le réveil brutal de l'impérialisme germanique. Montrer la force pour n'avoir pas à en user : c'est (...) la seule conduite à tenir devant un tel péril. Mais n'y a-t-il rien d'autre à faire pour préserver la paix ?"’

Le peuple conduit par le Duce est pacifique; ‘"il n'est en proie à aucune ivresse impérialiste. (...) N'oublions pas que l'Italie est un pays pauvre (...)"’. La conquête de l'Ethiopie l'a démunie. ‘"Conquête (...) d'ailleurs marquée par la pire des erreurs que la France et l'Angleterre pouvaient commettre à l'égard de leur alliée de la Grande Guerre : les sanctions. On ne dira jamais assez l'absurdité et la malfaisance de cette politique, qui révolta profondément, et à juste titre, le peuple italien. (...) C'est ainsi qu'on poussa le Duce dans les bras du Führer. C'est ainsi qu'on forgea l'Axe Rome-Berlin. Jusqu'ici, l'Axe n'a profité qu'à l'Allemagne. (...) Il est vrai que M. Hitler a promis à son partenaire d'amples compensations à l'Ouest. Mais à quel prix ! - Au prix d'une guerre monstrueuse où l'Italie, dont le "potentiel" est déjà bien atteint, devrait engager toutes ses forces et ses dernières ressources contre la France et l'Angleterre. (...) Résumons-nous : l'Italie est pauvre; la politique de l'Axe s'est faite à ses dépens et ne lui rapportera rien; des injustices ont été commises contre elle; une aide efficace pourrait lui être assurée en matière économique et financière; on pourrait même lui accorder quelque mandat colonial. Il y a là tous les éléments d'une politique qui pourrait épargner à l'Europe les affres de la suprême catastrophe. On l'a bien senti en France, puisqu'il est question d'envoyer en mission à Rome M. Pierre Laval, que le Duce tient en particulière estime. Il faut que l'Europe soit prête à faire face à n'importe quelle agression. Mais elle ne doit rien négliger pour éviter une guerre que les fous furieux de l'antifascisme veulent à tout prix, parce qu'ils y voient une possibilité de revanche pour le bolchévisme chassé de notre continent1691."’

‘7 avril 1939. "Bénéfices de guerre" : La baisse sensible du chômage1692 n'est-elle pas due qu'à une "reprise naturelle du commerce et de l'industrie ? Cette reprise elle-même - c'est le point noir - doit être dans une large mesure attribuée au démarrage des industries de guerre, qui donne à l'économie mondiale une impulsion artificielle, laquelle sera forcément suivie d'une dépression. (...) Il se fait aujourd'hui une énorme spéculation autour des industries de guerre. L'ère des bénéfices de guerre est rouverte. En Suisse, à Genève en particulier, de grandes usines métallurgiques travaillent à plein rendement pour les munitions. On procède à des embauches massives, surtout chez les femmes qui se contentent de faibles salaires, et qui échappent à toute discipline syndicale. (...) nous assistons à ce spectacle paradoxal : les chômeurs restent sur les bras de l'Etat, cependant que des femmes entrent en masse dans les usines, et que nous occupons en Suisse 50.000 étrangères pour le service de maison ! (...) On nous dira : - Vous vous lamentiez quand il n'y avait pas de travail, et maintenant qu'il y en a, vous trouvez le moyen de vous plaindre encore ! - C'est que nous avons bonne mémoire. Nous nous rappelons parfaitement ce qui se passa de 1914 à 1918. A cette époque aussi, la métallurgie, la mécanique, l'horlogerie suisse réalisèrent des bénéfices considérables. (...) s'il est vrai qu'une partie des bénéfices furent dévorés sur place par la crise, combien de millions filèrent aux quatre vents des aventures internationales et dorment maintenant hors de nos frontières, sous forme de crédits gelés ... Allons-nous recommencer ? (...) Il ne faut pas que cet argent gagné par le travail suisse file par tous les trous de ce panier percé qu'est le régime capitaliste. (...) Nous ne soutenons pas une thèse. Nous proclamons un droit. Nous disons aux pouvoirs publics : vous DEVEZ intervenir afin qu'une large part des bénéfices de guerre soient mis en réserve pour le métier. (...) Les temps sont trop graves, le péril trop menaçant pour qu'on laisse le capital agir à sa guise, pour qu'on se courbe sous la loi des trusts1693 !"’ ‘21 avril 1939. "Dans la tourmente" : "Les uns après les autres, les petits Etats disparaissent ou sont vassalisés. (....) Quant à la Suisse, nul ne peut dire si et jusqu'à quand elle sera épargnée. (....) notre indépendance est encore intacte, et nous n'avons pas à nous départir de notre neutralité. Nous n'avons pas à nous ranger d'avance dans un camp ou dans l'autre. (...) nous devons être circonspects dans nos jugements sur l'ensemble du conflit qui met aux prises les "nations riches" et les "nations pauvres". (...) Cette prudence n'a rien de commun avec la faiblesse ou la couardise. Elle est une exacte appréciation de notre devoir, à la mesure de nos forces et de nos moyens. Chacun doit être prêt à donner sa vie pour la défense du pays. (...) Pour le surplus, dans un monde qui s'appuie ici sur l'or et là sur la violence, nous devons fixer fermement nos regards sur le drapeau qui fait briller la Croix de l'amour et du sacrifice bien au dessus de la mêlée des intérêts et des passions. (...) Quoi qu'il advienne, nous devons rester au service de cette Vérité, qui est un message de paix et de justice au milieu de l'effroyable tourmente du siècle." Comme le disait Nicolas de Flüe1694, "Ne vous embarrassez pas des querelles de l'étranger". Dès lors, ne "vous épuisez pas à dresser des bilans éphémères. Faites simplement votre devoir au jour le jour, en vous serrant autour de nos magistrats qui ne se prétendent pas infaillibles mais qui ont du moins le souci profond de la dignité et du bonheur de notre peuple1695."’ ‘12 mai 1939. "Le règne de la peur" : "C'est le crime et la folie des Etats totalitaires que d'avoir, par la menace, le chantage et l'insulte, contraint les peuples à se ranger sous la bannière de latrines de la finance internationale, flanquée du drapeau fangeux et sanguinolent des Soviets. "Ni bolchévisme, ni fascisme". Voilà qui est acquis ! Mais derrière cette double négation s'est rangée l'immense armée des salopards et des profitards, qui exploitent la légitime horreur des peuples pour la guerre à seule fin de maintenir LEUR RÉGIME D'ARGENT ET DE CORRUPTION, cette immense prostitution des coeurs et des âmes au Veau d'Or, qui s'appelle le régime capitaliste. (...) qui pue le cadavre. Et ce n'est pas parce que Hitler et Mussolini font les fous que la saloperie capitaliste échappera au fleuve qui la balaiera en même temps que l'ordre communiste qu'elle a sécrété. Il faudra bien la faire, la grande révolution des coeurs et des âmes, celle qui nous permettra de pousser enfin le grand cri de délivrance, à nous qui l'avons vomi dès notre jeunesse, ce régime de catins et de maquereaux du Capital caché sous les masques, même sous celui du patriotisme, même, hélas ! sous celui de la religion. Nous la ferons, la révolution des âmes ! Nous la ferons, parce qu'à travers toutes nos erreurs et toutes nos faiblesses, nous ne nous sommes pas vendus ! Nous n'avons pas trahi. Nous ne nous sommes pas lancés dans la bagarre pour y cueillir des places ou des sous1696."’ ‘19 mai 1939. "Cambronne" : "Depuis quelques années, on nous prêche la guerre sainte, soit contre le bolchévisme, soit contre le fascisme. Et l'on nous somme de choisir, de nous ranger dans un camp ou dans l'autre, faute de quoi nous serions des lâches, des traîtres à la civilisation. Goebbels et Dimitrov donnent le ton à ces deux choeurs rivaux. (...) - Nous répondrons : Cambronne ! Une "guerre sainte", c'est une guerre sans compromis. (...) On nous dit : comme chrétiens, vous devez entrer dans la guerre sainte contre Moscou, aux côtés des puissances de l'Axe. En même temps, nous apprenons que Hitler vient de supprimer d'un trait de plume, en Rhénanie, 3.317 écoles catholiques, fréquentées par plus de 650.000 enfants, et 1.376 écoles protestantes fréquentées par 250.000 élèves. Tout le monde sait que des travaux d'approche se poursuivent depuis quelques semaines entre Berlin et Moscou. (...) L'hitlérisme et le bolchévisme sont frères jumeaux. Il est parfaitement possible que Hitler renonce pour un temps à ses visées sur l'Ukraine et s'entende avec Staline sur le dos de la Pologne. Ce jour-là, M. Nicole risque de bafouiller ! Il suffit que cette hypothèse puisse être envisagée pour montrer à quel point la "guerre sainte" est une sinistre farce1697."’ ‘8 septembre 1939. "Notre devoir dans la tourmente" : "L'effroyable fléau de la guerre s'est abattu de nouveau sur l'Europe haletante. Notre continent va payer la terrible rançon d'une guerre inachevée et d'une paix boîteuse. (...) L'Europe (...) a cru que Hitler se bornerait à refaire le bloc de la race allemande. Mais après le mythe de la race est venu celui de l'espace vital. (...) L'agression allemande n'aurait jamais été possible sans la trahison des Soviets. (...) Le salut du monde ne peut être assuré que par un retour intégral aux valeurs chrétiennes, à l'ordre chrétien. (...) Voulons-nous mériter d'être épargnés par la guerre ? Voulons-nous que la Suisse reste un havre de paix dans la tourmente ? Alors, élevons nos coeurs et nos âmes vers Dieu. Donnons-nous tout entiers au Christ dont le Signe rédempteur brille sur notre drapeau. Acceptons tous les sacrifices, et trouvons dans l'épreuve même et dans la souffrance la force de faire rayonner autour de nous l'amour, le courage et la paix ! (...) Dans l'épreuve, tandis qu'une partie de nos activités sont paralysées, nous mettrons sans cesse au premier plan les valeurs spirituelles, les valeurs chrétiennes de notre mouvement, sachant le prix, dans une pareille tourmente, des certitudes inébranlables sur lesquelles nous fondons toute notre espérance. (...) Il s'agit de faire flamber devant le monde égaré la flamme inextinguible de la Foi chrétienne, de la Foi de nos pères, qui est dans l'orage et la détresse l'unique Phare du salut1698 !"’ ‘22 septembre 1939. "Pour nos soldats" : La mobilisation est décrétée en Suisse. Il faut soutenir nos soldats mobilisés, "tantôt astreints à de très durs efforts et tantôt désoeuvrés, (...) guettés par le pire ennemi de la troupe : le "cafard". (...) nos soldats [qui,] arrachés à leurs affections familiales, ont le souci de leurs foyers, de leurs travaux abandonnés. (...) Ne croyons pas qu'il suffise de quelques accents patriotiques pour réconforter nos soldats." Pour rompre leur isolement moral, "le meilleur moyen ce sont les lettres des parents, des amis", auxquelles on peut joindre quelques cadeaux. Mais ceux qui sont sous les drapeaux ont aussi une tâche à remplir : faire rayonner autour d'eux la bonne humeur et la bonne volonté, être porteurs d'un grand idéal, demeurer attentifs aux souffrances ou aux problèmes de leurs compagnons d'armes : "(...) à l'heure des vraies confidences, n'allons pas nous détourner quand nous pouvons faire rentrer dans une âme la lumière de la foi chrétienne ! Aux jours que nous vivons, alors que toutes les constructions ambitieuses de l'orgueil humain sont en train de s'écrouler avec fracas, il ne faut plus hésiter à marquer nettement le chemin du salut, ouvert par Celui qui a dit : "Je suis la Voie, la Vérité et la Vie1699"!’ ‘19 avril 1940. "Une odieuse propagande" : Elevons-nous contre cette propagande communiste qui va jusqu'à s'adresser aux enfants, "qui vilipende l'armée, qui forme des saboteurs de la défense nationale, et qui fait l'apologie éhontée d'une des guerres d'agression les plus abominables que l'Histoire ait connue1700".’ ‘10 mai 1940. "Faut-il choisir ?" "Ne laissons pas s'accréditer la légende d'après laquelle cette guerre serait celle de l'anticapitalisme contre le capitalisme", thèse qui ne sert qu'aux intérêts du bolchévisme. "Nous n'avons nullement à choisir entre la ploutocratie et les régimes totalitaires. Ce serait commettre une erreur fatale que de nous laisser pincer dans ce faux dilemme. Pour échapper au capitalisme, nous ne sommes point voués à verser dans le totalitarisme, ce qui équivaudrait à se jeter dans la rivière pour fuir la pluie. L'enjeu de la guerre actuelle, "c'est LE DROIT DES PETITES NATIONS A L'EXISTENCE. C'est donc notre droit de vivre. Tout le reste est secondaire. Les comptes du capitalisme doivent se régler, mais ce ne saurait être au prix des libertés et de la dignité humaines, par l'établissement d'une effroyable tyrannie, par le triomphe d'une hégémonie qui étranglerait tous les petits Etats. Nous ne voulons pas davantage nous jeter dans la gueule du loup totalitaire pour échapper à la finance juive ou aux intrigues maçonniques. Ce sont là des choix que nous repoussons absolument. Ce sont des ruses de propagande dont nous devons nous défier à chaque instant. Est-ce à dire qu'en toute circonstance nous devrions aveuglément adopter la thèse des Alliés ? D'aucune manière. Gardons la tête libre et l'esprit clair. Ne devenons pas les jouets de courtisans qui se forment hors de nos frontières. Jugeons les faits au point de vue chrétien d'abord, puis au point de vue suisse. Et soyons par dessus tout compatissants et secourables aux victimes de l'affreuse guerre. (...) Veillons sur nos propos, et pour les mieux contrôler, veillons d'abord sur nos pensées. Notre existence est en jeu. Gardons-nous d'oublier par quels moyens le moral de certains peuples a été miné et détruit1701."’ ‘14 juin 1940. "Nous voulons une Suisse chrétienne ..." : "Ces mots qui, dès sa fondation, figurent en tête de notre journal, ne prennent-ils pas aujourd'hui un relief saisissant ? Relisons ensemble ce passage de l'ordre du jour historique que le Général Guisan adressait le 7 juin à l'armée suisse : "Plus haut que la préparation matérielle, que la préparation morale, il y a la préparation spirituelle. Nos pères le savaient, eux qui fléchissaient les genoux devant Dieu avant chaque bataille. Si jusqu'à maintenant, presque seule entre les petits pays d'Europe, la Suisse a échappé aux horreurs de l'invasion, elle le doit avant tout à la protection divine. Il faut que le sentiment religieux soit entretenu vivant dans les coeurs, que le soldat joigne ses prières à celles de sa femme, de ses parents, de ses enfants"1702."’
Notes
1683.

"La Suisse en danger ?". Liberté Syndicale, 18 février 1938.

1684.

"Le nationalisme et l'économie moderne". Liberté syndicale, 12 novembre 1938.

1685.

"Une vilenie". Liberté syndicale, 24 février 1939.

1686.

Cet argument était alors largement partagé en Suisse, où l'on ne considérait pas l'Ethiopie comme un état civilisé, puisqu'en dépit de sa suppression officielle, l'esclavage était maintenu dans ce pays qui faisait partie de la SdN. Pour beaucoup, son invasion par l'Italie était alors vue comme un signe de progrès.

1687.

"Une vilenie", 24 février 1939, op. cit.

1688.

Ibid.

1689.

"Avertissements". Liberté syndicale, 3 mars 1939. C'est bien cette menace économique et cette vassalisation qui pousseront les Autorités suisses à ne pas se mettre l'Allemagne à dos.

1690.

"C'est la ruine de tous ... ". Liberté syndicale, 10 mars 1939.

1691.

"La guerre inévitable ?". Liberté syndicale, 24 mars 1939.

1692.

En avril 1939, on ne compte "plus que" 32.800 chômeurs en Suisse, contre 61.000 en mars.

1693.

"Bénéfices de guerre". Liberté syndicale, 7 avril 1939.

1694.

Né en 1417 en Suisse centrale, Nicolas de Flüe, après s'être marié et avoir eu 10 enfants, se retira, avec le consentement de son épouse, dans un ermitage, au lieu-dit le Ranft. C'est sur son intervention déterminante qu'un compromis fut trouvé et signé à Stans (Unterwald) qui permit de renforcer les liens existant entre Confédérés, tout en garantissant à chaque canton une intégrité territoriale et constitutionnelle reposant sur le respect de l'autre et une entraide mutuelle. Considéré comme un apôtre de la paix, Nicolas sera canonisé au lendemain de la guerre, en 1947.

1695.

"Dans la tourmente". Liberté syndicale, 21 avril 1939.

1696.

"Le règne de la peur". Liberté syndicale, 12 mai 1939.

1697.

"Cambronne". Liberté syndicale, 19 mai 1939.

1698.

Antoine PUGIN, président de la Fédération des syndicats chrétiens et corporatifs, Francis LAURENCET, vice-président, Henri BERRA, secrétaire général, René LEYVRAZ, rédacteur en chef. "A tous nos membres, à tous nos amis - Notre devoir dans la tourmente". Liberté syndicale, édito du 8 septembre 1939.

1699.

Jn 14,6 cité par René LEYVRAZ in "Pour nos soldats". Liberté syndicale, 22 septembre 1939.

1700.

"Une odieuse propagande". Liberté syndicale, 19 avril 1940.

1701.

"Faut-il choisir ?". Liberté Syndicale, 10 mai 1940.

1702.

"Une Suisse chrétienne !". Liberté Syndicale, 14 juin 1940.