Le monde surgi de la guerre et qui s'érige sur le seul critère de l'économie capitaliste, est décrit par Leyvraz comme démuni d'amour, d'amitié, d'égards. L'éditorialiste oppose à ce monde inhumain des "communautés vraies2120" (familles, paroisses, Communes, professions, prolétariat, paysannerie, lecteurs du Courrier de Genève), intermédiaires entre l'individu et l'Etat, qu'il appelle toujours plus de ses voeux parce qu'elles sont ‘"les forteresses de la liberté, de la dignité humaines contre le nivellement totalitaire2121"’. La réflexion de Leyvraz est fortement influencée par celle de l'équipe de la revue Economie et Humanisme 2122 qui a "magistralement mis au point2123" un plan d'ensemble, une spiritualité, une mystique permettant de bâtir des communautés politiques et sociales. Toujours convaincu que seule une organisation pratique mettra en échec l'économie libérale non-chrétienne qui règne en maître, le rédacteur pousse les patrons à s'associer, à former une élite chrétienne, et à suivre l'exemple d'un Léon Harmel, d'un de Broucker2124, et aussi de deux Suisses, Louis Maire2125, directeur genevois, et Jean Pavillon, notaire vaudois, qui préconisent de réformer la Société anonyme en y introduisant la parité de gestion de l'entreprise par le personnel et par le capital. Sans relâche, parallèlement, Leyvraz s'élève contre le "réalisme" moderne de l'économie dirigée, face à laquelle le catholique doit librement se dresser.
Dans son édito "Naissance d'une communauté", Courrier de Genève, 2 juin 1946, Leyvraz dit tout son espoir dans la création, en France, de la Communauté de Marcel Barbu, qui tout en étant d'inspiration chrétienne, réunit des convictions diverses; Leyvraz salue, dans cette institution, le fait que des entreprises puissent parfaitement s'ériger hors du capitalisme et du communisme, et offrir à leur personnel un espace de liberté, de dignité et de fraternité humaines.
"L'avenir du syndicalisme". Courrier de Genève, 18 janvier 1946.
Le Mouvement "Economie et Humanisme" fut fondé en 1941 par le Père Louis-Joseph Lebret et François Perroux, pour mettre en valeur l'idée de la communauté - considérée comme "conscience du chaos" - et comme lieu de développement de la personne, par l'approfondissement de ses engagements communautaires et de son ouverture spirituelle. La revue, lancée en 1942, est lue avec attention et souvent citée par Leyvraz, très influencé par cette pensée.
"Quelle démocratie ?". Courrier de Genève, 9 décembre 1947.
Délégué général en France de l'Union des chefs d'entreprises pour l'association du Capital et du Travail.
Louis Maire, Dr ès Sciences économiques, est le patron des Laiteries Réunies à Genève. Son ouvrage intitulé Au delà du salariat - L'organisation sociale du travail (Lausanne : éd. Payot, 1945) retient particulièrement l'attention de Leyvraz; en effet, de manière très claire, Maire établit une synthèse entre ses connaissances sociologiques et d'économie sociale d'une part, et ses expériences "sur le terrain" d'autre part, en insistant particulièrement sur le problème moral qui découle de la gestion des salaires, en se disant favorable à la communauté professionnelle, et en proposant à ses lecteurs plusieurs pistes d'applications concrètes.