II. LES LIENS DU "COURRIER" AVEC LE PARTI

Même s'il se veut désormais interconfessionnel, le Parti utilise toujours la voix du Courrier comme support pour ses comptes rendus et ses convocations. Aux yeux d'une partie de la population, le quotidien catholique conserve donc une certaine couleur "partisane", attisée par le fait que Ganter, rédacteur au journal, exerce en même temps un mandat politique. Cette situation va créer une tension avec des milieux d'Action catholique. En effet, en 1952, de vifs reproches sont adressés au Courrier, accusé d'entretenir une confusion entre politique et religion; des membres de la Fédération des Hommes, très hostiles au Parti, remettent ouvertement en question ces liens privilégiés; ils mènent une campagne contre le quotidien, avec d'autres mouvements d'Action catholique et certains employés de L'Echo Illustré ²³⁰⁰. A partir de là, plusieurs militants résilient leur abonnement au Courrier, décision que le rapport de gestion pour l'année 1952 déplorera discrètement en ces termes : ‘"(...) l'immense effort de propagande fait en faveur du Courrier a pratiquement été annulé par la désaffection d'un grand nombre d'abonnés²³⁰¹"’. Amer, Leyvraz écrit à l'évêque :

‘"Nous faisons notre travail sans importuner personne. Que l'Echo fasse le sien, très utile, et que l'Action catholique fasse ses preuves sans s'attaquer aux militants des autres secteurs. C'est le moins qu'on puisse lui demander²³⁰²."’

Bientôt, ces tensions s'étendront aux relations entre le Parti et Le Courrier. Pour couper court, peut-être, à la campagne orchestrée contre la ligne politique de son journal, Albert Trachsel, l'administrateur, signale aux indépendants chrétiens-sociaux que la place qui leur était accordée sera désormais limitée, à cause du faible contingent de papier accordé au quotidien catholique. En mars 1954, le Parti créera son propre organe, L'Indépendant chrétien-social, mensuel placé sous la houlette de Guy Fontanet (*), alors secrétaire général du Parti.

On peut s'étonner des critiques adressées par l'Action catholique contre le journal; en effet, depuis le retour de Leyvraz au Courrier, et contrairement à ses écrits antérieurs à 1935, les éditos du rédacteur en chef font maintenant peu de publicité pour le Parti, peut-être parce que lui-même s'en est éloigné. En général, lors des campagnes électorales, l'éditorialiste prend soin de dire à ses lecteurs qu'ils sont libres de voter pour la tendance de leur choix (communiste exceptée), tout en leur rappelant leur devoir de voter "en chrétiens".