b) La lutte du journaliste

Dès lors, Leyvraz fait mine de se taire. S'ils n'abordent plus la question au niveau suisse mais seulement international, certains de ses articles ne constitueraient-ils pas tout de même un petit clin d'oeil à son évêque ? Ainsi, deux jours après avoir écrit à Charrière, le rédacteur titre son édito : "Militariser la Société ?" Il fait état d'une analyse du Général allemand Helmuth Staedke, parue dans une revue militaire de l'O.T.A.N. qui préconise que, pour répondre à l'offensive idéologique et psychologique des Soviets, tout citoyen devienne "un combattant sans uniforme", grâce à la création ‘"d' "académies de défense" où seraient formés les politiciens, les industriels, le clergé, les dirigeants des syndicats et les fonctionnaires, [et de] remplacer les appareils administratifs des démocraties par des cellules coordonnées et dirigées par une élite"’. Leyvraz souligne le mot "clergé" "pour montrer jusqu'où irait cette militarisation de la Société. Et il s'exclame : "Voilà donc la suite logique des événements : A guerre totale, militarisation totale ... ‘" Dès le moment que la guerre atteint tout le monde, menace toute vie, il faut bien que tous et tout soient militarisés. Les femmes aussi, et bientôt les enfants comme dans les régimes totalitaires. La défense ne peut plus être circonscrite dans l'armée conçue comme corps séparé au service de la patrie2401."’ Bien entendu, Leyvraz s'insurge ‘"contre cette logique de mort ! Car rien n'est pire que la logique quand elle part de fausses prémisses : elle peut justifier toutes les aberrations"’. Dès lors, la guerre totale ‘"détruit l'Armée comme corps autonome, puisque tout doit être militarisé. Je pense aussi que par l'usage des armes aveugles, elle sapera, elle finira par détruire les vraies vertus militaires qui sont grandes et respectables, car l'Armée est l'un des rares corps qui restent entièrement voués au service de la communauté, alors que tant d'autres ne songent plus qu'à se servir ..."’. Mais en s'opposant à la militarisation totale de la patrie, comment faire face à celle des autres pays ? ‘"Ne sommes-nous pas voués à rester dans l'engrenage, dussions-nous y être broyés tous ? ...."’ Une solution serait peut-être de tabler sur la peur ... Leyvraz rappelle alors que ‘"le Salut est d'En-Haut. Non certes dans quelque évasion mystique qui ferait fi des urgentes et tragiques réalités de ce monde, mais dans un retour héroïque à la Charité du Christ qui seule peut délivrer le monde de sa détresse affreuse2402"’. Cet amour fraternel, source de toute liberté, est la seule attitude à opposer à l'arme psychologique des Soviets. Car ‘"la guerre totale n'est à aucun titre une affaire chrétienne. Elle s'annonce, elle s'impose au terme d'un long processus de déchristianisation, de désacralisation, comme le triomphe massif de l'ivraie sur le bon grain. La folie humaine, perdant tout contact avec les normes chrétiennes de la guerre et de la paix, nous a conduits à cette entreprise de destruction de toute vie humaine, animale ou végétale sur la terre. Je crois que nous ne devons y souscrire ou la cautionner d'aucune manière, en aucune mesure. Les normes chrétiennes fondamentales ne changent pas, mais nous avons franchi un seuil qui nous oblige à les adapter à une situation toute nouvelle et redoutable, dont nos pères ne pouvaient avoir la moindre idée. Tout doit être mis en oeuvre pour que les armes aveugles soient proscrites par voie d'accord international. Cela ne veut pas dire qu'on aura dès lors établi la paix perpétuelle ! Hélas, il s'en faut ... Car il n'y a point de paix durable sans amour entre les hommes, et sous ce rapport peut-on dire que nous ayons progressé2403 ..." ?’

Quelques semaines plus tard, répliquant aux analyses et à l'utilisation que Leyvraz fait des déclarations papales, Mgr Charrière fait connaître sa pensée par une déclaration publique2404. Tout en exposant la pensée de Pie XII (prier pour la paix et trouver un accord entre les nations pour éviter l'usage des armes atomiques), l'évêque tient à rappeler qu'il ne faut toutefois pas ‘"omettre en particulier tout ce que le Pape ne cesse de répéter sur le droit de légitime défense. Quant à la question spéciale qui fait l'objet de cette mise au point, il va sans dire qu'un évêque n'a pas compétence pour se prononcer sur l'opportunité, pour notre pays, de se munir d'armes atomiques défensives"’. Mais à ces questions techniques et politiques - domaines dans lesquels l'Eglise n'a pas à intervenir directement - ‘"se trouvent mêlés des principes d'ordre moral que nous avons le devoir, et donc le droit, de rappeler à nos fidèles".’ Ce projet d'armement ayant été lancé par le Conseil fédéral, l'évêque souligne que les adversaires qui le combattent au nom des droits souverains de la démocratie, font preuve d'une ‘"attitude dangereuse contre laquelle nous devons mettre en garde nos diocésains"’. Pour Charrière, en effet, les choses sont très claires :

‘"(...) quand l'autorité civile ou militaire compétente prend une décision que nous ne comprenons pas, nous devons, jusqu'à preuve évidente et manifeste d'une erreur absolument insupportable, accepter la décision prise et nous y conformer (...). Nous ne prétendons pas que "l'autorité a toujours raison", comme cela se passe en régimes totalitaires. L'autorité, quelle qu'elle soit, sauf le cas très précis de l'infaillibilité doctrinale dans l'Eglise, peut se tromper. Mais nous risquons beaucoup plus de nous tromper et de tromper ceux qui nous suivent en admettant qu'en cas de doute, quand nous ne voyons pas clair, nous pourrons toujours en faire à notre guise. (....) Si donc maintenant, l'autorité fédérale a pris la grave décision de principe de faire étudier la question de l'armement atomique défensif de la Suisse, notre conscience humaine et chrétienne nous oblige à attendre le résultat de cette étude, et à ne pas nous faire les artisans, inconscients mais réels, de ceux qui voudraient saboter notre volonté de nous défendre efficacement. Car c'est de cela qu'il s'agit et, en définitive, de l'avenir de la Suisse comme pays indépendant. Nous demandons à nos fidèles et à nos prêtres de s'en tenir à cette ligne de conduite et de s'abstenir de toute collaboration avec ceux qui agiraient en sens contraire2405".’

Leyvraz revient au problème de la cessation des essais nucléaires (à distinguer de la question du désarmement), en déclarant que la suppression de ces essais "est immédiatement possible" puisqu'un contrôle des explosions est désormais assuré; dès lors, ‘"toute considération de prestige doit être écartée sur ce point, car il y a va de l'intérêt du genre humain et même du sort de toute vie sur la terre. Quelles que soient les divergences quant à la légitimité des armes de destruction totale, il ne saurait y avoir le moindre désaccord dans l'opinion chrétienne sur la nécessité, sur l'urgence d'un accord international pour la suppression des essais nucléaires. L'Occident se doit de s'engager résolument dans cette voie. Ce faisant, je le répète, il ne compromettra à aucun degré sa défense, sa sécurité, et il coupera court à une forme de propagande communiste insidieuse autant qu'efficace2406".’

Dès lors, comment Leyvraz ne se réjouirait-il pas du premier message de paix, adressé au monde par Jean XXIII au lendemain de son élection, et sur lequel l'éditorialiste va s'appuyer pour poursuivre sa lutte ? Un message de confiance en Dieu, et ‘"qui porte en lui-même sa vertu surnaturelle capable à la longue d'écarter tous les rideaux, de percer toutes les murailles. (...) Ce que je dis n'implique aucune sorte de "quiétisme". Il ne s'agit nullement pour l'Occident de liquider ou d'affaiblir son appareil défensif au profit d'un pacifisme béat. Il s'agit de placer l'ensemble du problème dans sa vraie perspective, de comprendre que c'est Dieu qui est le vrai Maître de l'Histoire, et non pas les hommes, pas plus les hommes de l'Occident que ceux de l'Orient. Ce disant, je suis certain d'être dans la ligne authentique du message de S.S. Jean XXIII"’. En effet, le pape ne dit-il pas : ‘"Pourquoi ne règle-t-on pas finalement de façon équitable les querelles et les discordes ? Pourquoi les ressources de l'esprit humain et les richesses des peuples sont-elles employées plus souvent à préparer des armes - instruments de mort et de destruction - qu'à augmenter le bien-être de toutes les classes de citoyens, et plus particulièrement de ceux qui sont le plus démunis ? Nous savons, il est vrai, que pour mettre en pratique de si louables propos et pour régler les conflits, il faut surmonter des difficultés graves et inextricables. Mais il faut le faire, même si cela exige des efforts. Il s'agit en effet de la plus importante entreprise, étroitement liée à la prospérité du genre humain tout entier. Mettez-vous donc à l'oeuvre avec confiance et courage, sous le reflet de la lumière qui vient du Ciel et avec l'assistance divine. Tournez vos regards vers les peuples qui vous sont confiés, écoutez leurs voix."’ Des peuples qui ‘"ne demandent pas ces engins de guerre monstrueux découverts à notre époque, qui peuvent causer des massacres fratricides et la perte de tout l'univers"’. Mais des peuples qui ‘"demandent la paix, (...) ils veulent la justice qui puisse finalement faire droit aux exigences et aux devoirs des classes dans une solution équitable2407."’

Pour Leyvraz, la déclaration du vicaire du Christ est limpide et elle lui permet "d'oublier" les consignes de prudence et de "silence" imposées par l'évêque qui voit, d'un très mauvais oeil, le rédacteur en chef entraîner des catholiques dans le sillage du Mouvement contre l'armement atomique, vivement soutenu par des milieux de gauche. Dans la suite de son édito, Leyvraz déclare que les paroles de Jean XXIII ‘"n'impliquent aucune résignation à l'esclavage totalitaire qui cherche à subjuguer le monde par les voies de l'impérialisme soviétique, ni aucun abandon de la légitime défense occidentale. Elles impliquent, néanmoins, dans le principe, une option résolue de la chrétienté, et aussi de tous les hommes et de tous les peuples, contre les armes de destruction aveugle et totale qui conduisent l'humanité au suicide collectif (...). C'est un devoir essentiel pour les chrétiens que de se dresser contre cette folie d'anéantissement, sans méconnaître pour autant "les difficultés graves et inextricables" que cette option les contraint d'affronter. En d'autres termes, il y a, dans cette conjoncture redoutable, un point de vue chrétien et catholique qui ne doit jamais être oublié ou abandonné. Il n'est pas permis aux chrétiens de se fier aveuglément aux nécessités réelles ou prétendues de la défense militaire. Il ne leur est pas permis non plus de coopérer sans autre à la course aux armements suicidaires : ils doivent avoir pour souci constant de promouvoir leur abolition par voie d'entente internationale".’ Bref, un point de vue chrétien, ‘"qui n'est pas, qui ne doit pas être exclusivement le point de vue politique ou militaire d'un "bloc" contre l'autre, puisqu'il est universel par définition (...); [qui] ne comporte pas l'ombre d'une abdication devant les Soviets, mais (...) commande une ouverture constante vis-à-vis de l'Est quant aux possibilités de pourparlers (...). Là se trouve la voie du christianisme, et singulièrement du christianisme catholique, en ce domaine : cela ressort de toute évidence du message de paix de Sa Sainteté Jean XXIII. Puissions-nous ne jamais l'oublier2408".’

Le 12 novembre, dans le cadre d'un autre conflit (que nous évoquerons plus loin) surgissant avec son rédacteur en chef, Charrière fait allusion au problème de l'armement, dans une lettre explicative qu'il adresse à la Nonciature, à Berne :

‘"L'autre difficulté, (...) procède de l'attitude prise par M. Leyvraz afin que la Suisse s'abstienne totalement d'armes atomiques. M. Leyvraz est parti en guerre en union avec beaucoup d'éléments qui ne sont pas des nôtres et qui traitent ce sujet avec une légèreté et une obstination incroyables. Oralement et par écrit, j'ai demandé à M. Leyvraz cet été, dès le début de l'action, de prendre garde aux conséquences que cela pouvait comporter. J'ai fini par publier dans la Semaine Catholique une mise en garde à mes fidèles. Cette mise en garde a été considérée par plusieurs personnalités d'ici comme absolument nécessaire. Je ne la regrette pas, mais M. Leyvraz ne peut pas admettre mon point de vue et, pour ma part, je ne vois pas comment je pourrais l'autoriser à continuer dans la ligne qu'il a choisie. J'aurais préféré de beaucoup publier la mise en garde qui a paru dans la Semaine religieuse et les journaux et qui m'a valu beaucoup de critiques, avec aussi beaucoup d'approbations2409. En soi pourtant, il eut (sic) été préférable que d'autres s'engagent avec l'évêque; mais tout cela se passait pendant les vacances et, le mouvement d'opinion contraire à la défense nationale prenant de plus en plus d'ampleur, je me suis résolu à cette mise en garde que certains milieux populaires de Genève me reprochent2410."’

Les 15-16 novembre, l'édito de Leyvraz intitulé "Les conditions d'un civisme chrétien", suscite la réaction immédiate d'un jeune homme nommé Pierre Dufresne. Ni celui-ci, ni le journaliste ne savent alors que ce lecteur attentif occupera le poste de rédacteur en chef du Courrier à partir de 19802411 et que, de par ses combats pour la justice et la dignité humaine, il sera fréquemment comparé à Leyvraz. Dufresne - dont la sensibilité est très proche de celle de Leyvraz et qui semble percevoir particulièrement bien la situation dans laquelle se trouve alors l'éditorialiste - ignore aussi que ses lignes décriront exactement la lutte que lui-même mènera dix ans plus tard :

‘"Monsieur, Plusieurs fois, depuis dix ans que je lis régulièrement vos articles, je me suis proposé de vous dire tout ce qu'ils m'apportaient. Un rédacteur "avec" lequel on médite plusieurs fois par semaine les grands problèmes que pose l'insertion de notre foi dans la vie nous est bien plus proche que tant de personnes que nous cotoyons (sic) quotidiennement et dont nous ne percevons que la surface. De ce fait, on éprouve souvent le désir de lui communiquer nos réactions ou nos approbations comme on le ferait avec des personnes avec lesquelles on consacre de nombreuses soirées de discussion. Mais la flemme de glisser un papier dans la machine à écrire ou la crainte que nos "idées" soient sans intérêt aux yeux de quelqu'un qui a beaucoup lu et réfléchi nous empêchent de passer aux actes. Depuis fin-juillet (sic) toutefois, j'ai mieux senti, grâce sans doute à certains de vos articles qui touchaient encore de plus près mes préoccupations, qu'un rédacteur dont le métier est moins un gagne-pain nécessaire qu'une lutte pour faire pénétrer des convictions qui lui sont chères, est engagé dans ce combat avec toute sa sensibilité, avec tous ses espoirs (il n'est donc pas à l'abri de déceptions, de découragements peut-être) et qu'après tout il peut lui aussi avoir besoin quelquefois de témoignages de sympathie ou d'encouragement; et cela même s'ils proviennent de lecteurs inconnus qui n'ont en outre aucun titre, rang social ou expérience particulière qui donnent du poids à ces encouragements. Vous parlez dans votre article d'aujourd'hui du conflit avec le conformisme régnant qui est le lot des intellectuels engagés. Et il est vrai qu'[outre l'Helvétie] "il y a peu de nations où le fait d'affronter des puissances ou des positions officielles soit plus durement sanctionné".
J'ai précisément admiré deux mois durant le courage avec lequel vous avez traité, dans la plus pure ligne évangélique, les problèmes de la guerre et de la paix, de la non-violence, des armements nucléaires. Le plus douloureux a sans doute été pour vous d'entrer en conflit avec certains de nos frères dans la foi. Et encore, quand on reste sur le plan des conflits courtois d'idées, le problème n'est pas bien grave. Mais lorsque commence à s'y mêler la suspicion, la hargne, les procès d'intention... Cela ne vous a pas empêché de signer un appel que le désir de ne pas avoir d'histoires aurait défendu à tant d'autres de ratifier. Et si cette signature n'avait dû vous valoir des ennuis qu'avec des colonels ou des Suisses très "verticaux", cela n'aurait pas été très terrible ... Mais vous sentiez que vous deviez le faire et vous l'avez fait. Vous avez du courage, vous avez votre franc-parler lorsque vous êtes persuadé que ce serait vous renier que de vous taire. Cette attitude, je n'ai pas besoin de confidences pour être certain qu'elle vous a valu plusieurs mécomptes et que vous êtes persuadé que ce n'est pas terminé. Vous continuez parce que votre conscience vous l'impose et non pas stimulé par le masochisme des incompris. Vous préféreriez sans doute ne pas être un homme "très contesté", surtout au sein de notre communauté catholique, mais puisqu'il le faut ... Vous n'y gagnerez ni honneurs, ni adulation, ni fragment d'assiette au beurre.
Mais sachez, et je souhaite qu'il vous soit bon de l'entendre, que je ne suis pas le seul dont, depuis de nombreuses années, vous modelez la pensée et vous éclairez la foi. Le dépassement des nationalismes étroits, le souci d'une mission nationale plus noble et plus généreuse que le simple fourbissement d'armes "efficaces", le souci de cette classe ouvrière perdue, centième brebis qu'il nous faut à tout prix aller chercher, la recherche (qui paraît si insolite à certains ...) des richesses de la douceur évangélique et de la non-violence, le dépassement des vieilles rognes interconfessionnelles, et tant d'autres thèmes qui ne devraient constituer que des explications de choses qui vont de soi et qui doivent être hélas des combats contre l'engourdissement des esprits d'une partie de notre communauté catholique; tout cela, jour après jour, vous nous l'apportez en une provende digestible, à nous qui ne réfléchissons et qui ne lisons pas assez. Bien entendu, nous le trouvons aussi ailleurs, dans Témoignage Chrétien par exemple; mais ce qui est irremplaçable, c'est que ces choses là soient dites dans notre communauté genevoise et romande et en relation avec ses problèmes propres. Quelle joie, non seulement pour moi mes (sic) pour beaucoup de mes amis, qu'il y ait à la tête du Courrier un homme pour le faire, un homme suffisamment estimé pour ne pas être définitivement paralysé par ceux qui le trouvent dangereux. Vous ne nous donnez d'ailleurs pas des leçons d'anticonformisme, lequel n'est pas pour vous un but en soi. Vous ne cassez pas les pots inutilement, vous ne blessez pas en vain, vous ne cherchez pas à épancher vos amertumes personnelles, à exploser pour votre propre soulagement; on sent si clairement votre souci de chercher toujours où est le plus grand bien. Et vous n'êtes anticonformiste en somme que lorsque le souci d'être conforme au Christ vous l'impose. Tout cela m'apprend la nécessité de la pondération, de la réflexion, de l'intervention opportune ... Je voudrais me livrer à de la flagornerie que je ne parlerais pas autrement, je le sais, et j'en ai peut-être dit plus que vous ne pouvez en entendre. Mais je crois que vous le supporterez volontiers si j'arrive à vous convaincre que l'esprit dans lequel je le fais est à cent lieues de la flatterie. Nous devons nous encourager les uns les autres, nous conforter les uns les autres et si mes propos pouvaient être un des éléments qui vous persuadent que votre lutte n'est pas inutile (si la tentation de penser le contraire vous prend quelquefois) ils auraient atteint tout leur but. Ce sont certains accents de votre éditorial d'aujourd'hui qui m'ont décidé à vous écrire .... J'ai eu soudain peur qu'un nombre inaccoutumé de couleuvres vous ait été servi cette année et qu'il vous conduise à un certain découragement. Votre conception de l'action politique du chrétien et les réactions acerbes qu'elle doit rencontrer, cette signature au bas d'un appel, avec les diverses interventions dont elle vous a fait bénéficier, une certaine prise de position épiscopale et la situation dans laquelle elle vous mettait et peut-être d'autres choses que j'ignore ou dont je n'ai eu que des échos édulcorés, je me suis dit que tout cela pouvait commencer à faire beaucoup ! Vous avez sans doute de nombreux et vrais amis qui peuvent vous aider à passer les caps difficiles, mais peut-être l'appoint d'un lecteur que vous ne connaissez pas ne sera-t-il pas inutile. Je le souhaite et vous assure, cher Monsieur (passez-moi ce Cher Monsieur) de mes ferventes prières et de mon amitié pour vous en Notre-Seigneur2412."’
Notes
2401.

"Militariser la Société ?". Le Courrier, 12-13 juillet 1958.

2402.

"Militariser la Société ?", 12-13 juillet 1958, op. cit.

2403.

"La guerre et la paix". Le Courrier, 18 juillet 1958.

2404.

Mgr François CHARRIÈRE. "L'armement atomique et la Suisse". La Semaine religieuse, 25 septembre 1958.

2405.

Déclaration officielle de Mgr François CHARRIÈRE. "L'armement atomique et la Suisse", 25 septembre 1958. Informations catholiques internationales, No 82, 15 octobre 1958, p. 12-13.

2406.

"La question vitale des essais nucléaires". Le Courrier, 4-5 octobre 1958.

2407.

JEAN XXIII cité par Leyvraz in "Le message de paix de S.S. Jean XXIII". Le Courrier, 4 no-vembre 1958.

2408.

"Le message de paix de S.S. Jean XXIII", 4 novembre 1958, op. cit.

2409.

Cette phrase de Mgr Charrière ne nous semble pas très claire. Ne veut-il pas dire plutôt qu'il aurait préféré ne pas publier sa mise en garde ? En outre, nous n'avons pas trouvé trace, en Suisse, d'une revue qui s'appellerait la Semaine religieuse.

2410.

Lettre de Mgr François CHARRIÈRE à Mgr Ferrofino, Conseiller de Nonciature à Berne, 12 novembre 1958. Archives de l'Evêché, Fribourg, cote Xl Co 17.

2411.

Pierre Dufresne (journaliste engagé particulièrement pour le Tiers-Monde et les Droits de l'Homme, aura, comme Leyvraz, ses partisans et ses adversaires); il prendra sa retraite de rédacteur en chef du Courrier en septembre 1992 et décédera 4 ans plus tard. En 1988, Dufresne consacrera, dans la revue genevoise Choisir de juillet-août, un article à Leyvraz, sous le titre "Les combats d'un humaniste chrétien". C'est la lecture de ces lignes qui nous a poussée à faire une thèse sur Leyvraz.

2412.

Lettre de Pierre DUFRESNE à René Leyvraz, 15 novembre 1958. Cette lettre nous a été remise par son auteur.