Les craintes de Leyvraz étaient fondées. Trois mois plus tard, en mars 1959, une lettre envoyée confidentiellement par Trachsel aux membres du Conseil d'Administration, peut laisser penser qu'un accord loyal a été passé entre lui et le rédacteur en chef : ‘"Depuis notre dernière séance, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs fois M. Leyvraz dans une atmosphère d'amicale détente. Je lui ai présenté un projet de statut de la Rédaction pour lequel il m'a demandé quelques modifications. Je les ai acceptées, car j'estime que si elles adoucissent quelque peu mes intentions, elles n'en modifient pas l'esprit2450."’ Mais ces lignes montrent, d'une part, que ce projet de "statut" est le fruit des intentions de l'administrateur dont l'autorité est grande, grâce au soutien constant que lui accorde l'évêque; d'autre part, la mention "confidentiel" fait penser que Trachsel agit derrière le dos du rédacteur en chef.
Dans la "définition des pouvoirs", le projet de "Statut de la rédaction" spécifie d'abord que Leyvraz et Trachsel se rencontreront à l'avenir ‘"chaque jour pour mettre en commun leurs soucis et prendre les mesures qu'ils jugent utiles pour la prospérité du journal"’. Puis suit le contenu des prérogatives attribuées à la direction du journal : ‘"Pouvoirs doctrinaux : Le rédacteur en chef est responsable de la ligne de conduite et des options du journal. Tous les articles lui sont soumis pour approbation. En matière doctrinale, il est responsable devant l'autorité ecclésiastique, soit Mgr notre Evêque lui-même ou ses représentants. Les positions que prennent les rédacteurs doivent avoir l'agrément du Rédacteur en chef. Pouvoirs administratifs : Les rédacteurs (...) dépendent, pour toutes les questions administratives (traitement, vacances, congés, déplacements, horaire, discipline, etc. ...) du Conseil d'Administration. L'Administrateur délégué veille à l'application des décisions prises par le Conseil et prend lui-même les décisions courantes. Aucune décision importante concernant la Rédaction ne peut être arrêtée sans que le Rédacteur en chef ait été consulté."’ En outre, toutes les mesures prises par le Conseil pour l'amélioration technique et rédactionnelle du journal, ‘"sont arrêtées d'entente avec l'Administrateur-délégué (aspect financier, administratif, commercial et technique) et le Rédacteur en chef (aspect doctrinal et rédactionnel). Ces mesures sont appliquées en commun, dans leurs divers aspects, par l'Administrateur-délégué et le Rédacteur en chef. Il est désirable qu'un prêtre soit désigné pour assurer la direction spirituelle et l'aumônerie de la maison. Le Rédacteur en chef prend part aux séances du Conseil d'Administration avec voix consultative"’. Il est important de noter que dans ce document (incomplet et non daté) que nous avons trouvé au Vicariat général de Genève, il est écrit, en regard de la phrase concernant le voeu de désigner un prêtre pour la direction spirituelle : "Enlevé et porté au procès-verbal". L'allusion à l'engagement d'un prêtre pour remplir la fonction de directeur spirituel est donc supprimée des statuts. Ce papier affirmant que le rédacteur en chef sera désormais étroitement associé ou consulté pour toutes les prises de décisions, sera signé par Trachsel et Leyvraz, puis entériné par le Conseil d'Administration et l'Evêque.
Convocation d'Albert TRACHSEL aux membres du Conseil d'Administration, 26 mars 1959. Archives du Vicariat général, Genève.