2. LE DERNIER RECOURS À L'ÉVÊQUE

Un an après son "reclassement", et comme il l'avait fait jadis avec Mgr Besson, Leyvraz ressent le besoin d'écrire à Mgr Charrière, avec cette même perspective d'un avenir peut-être bouché par la mort : ‘"Cher Monseigneur, On ne sait pas ce qui peut advenir de nous. Soit l'un soit l'autre, nous pouvons être rappelés de ce monde aujourd'hui ou demain. Je ne veux pas que cela arrive sans que vous ayez un message de moi - de ce fils turbulent, difficile, qui vous a donné tant de soucis. Croyez donc qu'à travers toutes nos difficultés, et si violents qu'aient pu être les remous de mes humeurs, je n'ai pas cessé de vous aimer, de prier pour vous, de demander à Dieu de vous assister dans vos soucis multiples et souvent angoissants, pas plus que je n'ai oublié dans ces traverses vos bontés, votre sollicitude, et l'affection première qui nous a liés l'un à l'autre."’ Leyvraz fait-il "un appel du pied" à son évêque, lorsqu'il déclare : ‘"Je me rappelle encore le jour où, bien avant d'être évêque, vous êtes venu me voir au Courrier pour me suggérer de publier en brochure quelques-uns de mes articles ..."’ En tout cas, cet "appel" pour une éventuelle publication ne sera pas retenu. Puis Leyvraz poursuit :

‘"La vie est ainsi faite qu'elle crée des conflits même entre les hommes de bonne volonté, et en dépit de toutes les bonnes intentions. Mais la Charité, quand on s'y donne de toute son âme, efface jusqu'aux dernières traces de ces "accidents de la route". C'est elle qui me dicte ces lignes, et je sais qu'elle trouvera dans votre coeur bien plus de générosité que je n'en puis donner moi-même. Je vous exprime donc, cher Monseigneur, ma profonde et filiale affection en Notre Seigneur et son Eglise²⁵³⁷."’

Nous pouvons penser que l'évêque ne répondra pas personnellement à cette lettre; quelques lignes griffonnées sur un papier montrant qu'il a préparé le projet d'une réponse qui sera certainement tapée par son secrétaire :

‘"Réponse du 7 octobre 1964. De passage à Fribourg a trouvé votre lettre du 30 s. Il vous en remercie et ne pouvant vous écrire plus longuement entre deux trains vous assure que lui non plus n'a jamais cessé de vous aimer en Notre Seigneur et de vous recommander à sa Bonté²⁵³⁸."’