2. LES DESTINÉES DU "COURRIER"

Malgré les plans échafaudés et après que le rédacteur en chef eut quitté le journal, le Courrier ne se redressera guère : ses successeurs se suivront à un rythme démontrant que le quotidien catholique est en train de plonger. Financièrement, les plans tirés par Trachsel et le Conseil d'administration se révéleront utopiques. Le 26 septembre 1966, le Courrier sera contraint, pour raisons économiques, d'instaurer une collaboration rédactionnelle avec La Liberté de Fribourg; toutefois, ce mariage de raison sera assorti de clauses qui assureront à chaque partenaire une autonomie juridique, rédactionnelle, administrative et publicitaire. En février 1976, sur décision de la Société du Courrier, le journal fermera son imprimerie; il sera alors tiré à Fribourg, sur les rotatives de l'Imprimerie St-Paul à laquelle il cédera ses droits d'éditeur. Ces changements ne le sortiront pas de ses difficultés; il perdra mille deux cents abonnés en 1979.

Le 1er janvier 1980, Pierre Dufresne, nommé rédacteur en chef, sera placé, pendant treize ans, devant un défi redoutable : assurer la survie d'un journal qui, aujourd'hui encore, met toutes ses énergies à garder la tête hors de l'eau; ce qu'il parvient à faire, contrairement aux deux grands quotidiens genevois qu'étaient La Suisse et le Journal de Genève contraints de stopper dernièrement leurs parutions. Oui, le Courrier se maintient, en dépit de la décision prise en 1994 par l'Eglise catholique de Genève, de supprimer la subvention qu'elle lui octroyait jusque-là annuellement, les autorités ecclésiales ayant décrété que la ligne insufflée par Patrice Mugny, nouveau rédacteur en chef depuis 1992, était trop à gauche, trop politique, trop syndicaliste, et que la voix de l'Eglise y était transmise de manière trop critique. En coupant les liens financiers, on mettait un terme à la dépendance du journal face au catholicisme. Et c'est ainsi que le Courrier a cessé d'être "le journal de l'évêque" .... Malgré, tout, parce qu'elle était engagée, l'oeuvre de Leyvraz enfermée dans de vieux Courrier jaunis n'est pas momifiée. A sa suite, se réclamant de lui, des hommes et des femmes se sont engagés à leur tour au nom d'une conviction profonde : celle que tout chrétien est appelé, au nom de sa foi, à prendre la parole et à lutter dans ce monde pour y instaurer la Justice, la Vérité et la Solidarité.