c) Les sources d'étonnements

L'attachement viscéral à une terre, à un pays, à une patrie peut paraître étonnant aujourd'hui où, par la mondialisation et la constitution de l'Europe, on rêve d'effacer des frontières qui, trop souvent et malheureusement, ont été à l'origine d'atroces conflits. Mais il faut se rappeler que l'époque vécue par Leyvraz est traversée du souvenir et de la réalité de ces hommes contraints de donner leur vie pour défendre leur sol, et du développement d'une culture patriotique dans laquelle Leyvraz a baigné.

Autre étonnement que nous avons relevé à plusieurs reprises dans la thèse et que nous avons voulu marquer en citant des propos de forte polémique, c'est celui d'un langage totalement différent du nôtre. Contrairement à aujourd'hui, la "langue de bois" n'est pas utilisée : les choses se disent alors comme on les pense, on se bat par journaux interposés. L'homme lui-même est différent : il pleure et ose le dire, l'écrire; ses sentiments ne sont pas aseptisés comme ceux de maintenant qu'on maintient à distance, des sentiments "vidés de leur substance", dirait peut-être Leyvraz ... A cette époque, on crie son amour, son amitié, sa sympathie, on crie aussi sa "rogne", sa haine. Aujourd'hui, un tel langage donnerait lieu immédiatement à des interprétations basées sur le "sensationnel" ou à des procès pour injures ... Et c'est pour cela qu'on a "nettoyé" les mots.