Annexe III
INDEX BIOGRAPHIQUE

Andrieu Paulin-Pierre (1849-1935). C'est certainement la fameuse lettre de Pie XI au cardinal Andrieu qui a rendu ce dernier célèbre. Auparavant évêque de Marseille, le prélat est nommé cardinal par Pie X en 1907, et archevêque de Bordeaux deux ans plus tard. Alors qu'Andrieu manifeste une sympathie certaine pour l'Action française, Pie XI lui demande de mettre toute sa vigilance sur les nombreux écarts doctrinaux de Maurras dont le dossier s'épaissit au Vatican et qui, pourtant, par ses écrits, regroupe autour de lui de nombreux catholiques de tendance intransigeante, prêtres et évêques compris. Se soumettant aux ordres du pape, Andrieu commence, en 1925, une campagne contre les thèses du leader de l'Action française et publie, le 27 août 1926, dans l'Aquitaine, journal du diocèse, une mise en garde sous forme de réponses qu'il apporte à de jeunes catholiques qui l'auraient questionné : ce ne sont pas les options politiques maurrassiennes qui sont condamnables mais son enseignement qui, sous couleurs de spiritualité, est empreint d'athéisme, de paganisme, d'antichristianisme, utilisant l'Eglise sans la servir. Cet article est le prélude de la condamnation romaine qui suivra. Il permettra au pape de déclarer publiquement, le 29 décembre 1926, dans "Nous avons lu .... Lettre au Cardinal Andrieu" qu'il approuve la mise en garde et que plusieurs ouvrages de Maurras ont été mis à l'Index par Rome. En mars 1927, un rescrit énumère les sanctions qui seront prises contre les catholiques qui continueraient de propager les idées de Maurras ou de lire son journal.

Arcos Jean René (1881-1959). Poète, écrivain. Co-fondateur en 1906 (avec Georges Duhamel, Charles Vildrac, Gleizes, etc.) de l'Abbaye de Créteil, communauté de jeunes artistes et écrivains, qui se dissout l'année suivante. Réformé durant la guerre, il est engagé comme correspondant de guerre au journal américain The Chicago Daily News; c'est dans le cadre de cette activité qu'il vient en Suisse à plusieurs reprises. Il rencontre Rolland et se joint au groupe d'amis qui souscrivent à ses appels internationalistes. Accusé de pacifisme, il est congédié par son journal. Pour permettre la parution de Liluli (Romain Rolland) et de ses propres poèmes, Arcos fonde en 1918 avec Masereel les Editions du Sablier; Leyvraz cite (in Les Chemins de la Montagne, p. 68) le poème Le Mal, publié à La Chaux-de-Fonds, aux Editions d'Action sociale en 1919. Arcos confirme son idéal internationaliste en signant la Déclaration de l'indépendance de l'Esprit, proclamée par Rolland le jour du Traité de Versailles (23 juin 1919) et qui paraît dans L'Humanité le 26 juin : Nous honorons la seule vérité, libre, sans frontières, sans limites, sans préjugés de races ou de castes. C'est dans cet esprit qu'il fonde en 1923 la revue Europe dont il demeure rédacteur jusqu'en 1929. Fidèle à la gauche, il quitte néanmoins le Comité national des écrivains, suite aux événements de Hongrie en 1956.

Baille Louis (1858-1925). Né à Besançon, ses années de noviciat (1876-1895) le mènent à Leon, Paris (Sorbonne, préparation d'une licence ès sciences mathématiques), Stony-Hurst (étude de la physique sous la direction du Père Perry, célèbre astronome), Lyon (enseignement du cours de Saint-Cyr de 1884-1886), Mold (1889-1890) où il est ordonné prêtre en 1889; il effectue plusieurs séjours à l'étranger, et enseigne la théologie à Anagni (1898-1907). De 1908 à 1915, il est Supérieur de la résidence de Besançon, avant de diriger celle d'Avignon de 1916 à 1920. Après son séjour à Constantinople (1920-1923), il fonde à Namur, où il reste deux ans (1924-1925), une maison (dirigée par Mgr Sipiaguine, ancien membre de la Douma) qui poursuit l'oeuvre créée à Istanbul en faveur des orphelins russes. Le Père Baille meurt à Lyon (Fourvière) le 10 février 1925, et il est escorté au cimetière par les membres les plus notables de la colonie russe.

Baudouin Louis-Charles (1880-1970) Lorrain, né et élevé à Nancy puis à Paris, il suit les cours de Bergson au Collège de France où il passe une licence en philosophie et en lettres. Il tombe malade en 1915 et est réformé. La lecture d'Au-dessus de la mêlée lui permet de mesurer sa propre évolution; sachant que Romain Rolland se trouve en Suisse, Baudouin vient s'installer dans la campagne genevoise en septembre 1915. Grand disciple de Tolstoï, il est l'âme de la revue Le Carmel qu'il crée en 1916 avec Henri Mugnier. Pacifiste, Baudouin estime qu'il convient de lutter contre cette forme de sadisme et de débauche qu'est l'instinct de la guerre. Philosophe, maître de conférences à l'Université de Genève, psychanalyste, ses ouvrages en psychologie, traduits en plusieurs langues, assureront sa renommée.

Béguin Albert (1901-1957). Professeur de lettres modernes, Béguin habite Paris entre 1924 et 1929. Puis il devient lecteur de français à l'Université de Halle en Allemagne, d'où il est expulsé en 1934. Converti au catholicisme et baptisé en 1940, Béguin enseigne alors aux Universités de Genève et de Bâle jusqu'en 1946, il travaille ensuite comme conseiller littéraire aux éditions du Seuil puis succède, en 1950, à Emmanuel Mounier, à la tête de la revue Esprit.

Berdiaeff Nicolas (1874-1948). D'origine russe, ce philosophe est expulsé de son pays en 1922, à cause de son anticommunisme notoire. Il s'installe en France en 1924. Opposé à l'utopie, au ra-tionalisme, à l'anarchie, au matérialisme et au libéralisme qui ramènent la société à la barbarie, l'acculent à la guerre ou à la révolution, l'écrivain dénonce encore l'aristocratie et la culture. Berdiaeff critique aussi l'Etat, la démocratie (système qui ne peut que conduire au pire et non au meilleur), ainsi que tous les réductionnismes, tant politiques que sociaux. Il met le doigt sur la tragique incompréhension qui divise les hommes en deux camps : ceux qui aspirent à une liberté créatrice et ceux qui rêvent à la satisfaction mécanique de leurs besoins. Berdiaeff prône un mouvement qui ne soit ni de gauche, ni de droite, mais qui entraîne l'homme vers ce qui est élevé et profond, qui le rende conscient autant de ses droits que de ses devoirs.

Berra Henri (1894-1958). D'origine valaisanne, il se lie d'amitié avec l'abbé Savoy durant ses études de droit à Fribourg. D'un caractère combatif, il se révèle un ardent défenseur du corporatisme lorsqu'il remplit les fonctions de secrétaire du Cartel chrétien-social jusqu'en 1940, et de secrétaire général des syndicats chrétiens et corporatifs jusqu'en 1942 où il assure également la responsabilité du journal La Liberté Syndicale. La violence de certains de ses articles dans la page réservée aux chrétiens-sociaux dans le Courrier de Genève, lui vaut d'être éloigné du quotidien catholique en même temps que Leyvraz, en 1935. Très actif dans l'aile chrétienne-sociale du Parti, il quitte pourtant ce dernier ainsi que les syndicats chrétiens, suite à un différend intervenu à plusieurs niveaux, et devient alors directeur de l'Imprimerie sierroise dans le Valais.

Besant Annie (1847-1933). Anglaise, femme de pasteur, Annie Besant passe du socialisme ma-térialiste au théosophisme dont elle devient rapidement leader. Partie en Inde en 1893, elle y répand cette philosophie et tente de persuader le jeune hindou Krihsnamurti qu'il est une réincarnation de grands maîtres. Annie Besant milite également pour l'émancipation de la femme; elle est à la source de la création, en 1893, d'une franc-maçonnerie féminine d'inspiration théosophique.

Bernanos Georges (1888-1948). Né d'une famille bourgeoise, Bernanos, après une scolarité chez les Jésuites, poursuit des études de droit et de lettres jusqu'en 1913. Impressionné par les idées de Maurras, Bernanos adhère aux Camelots du Roy qui veillent à la sauvegarde de valeurs traditionnelles puisées dans le catholicisme et le monarchisme. Rédacteur en chef de l'hebdomadaire royaliste l'Avant-Garde de Normandie, le journaliste se marie en 1917 (Léon Daudet sera son témoin). Incorporé durant la guerre de 1914-1918 comme agent de liaison, Bernanos rompt avec l'Action française en 1919. Il prend parti pour les Républicains durant la guerre d'Espagne. Père d'une famille nombreuse, affronté à des problèmes financiers, l'homme quitte la France pour Majorque d'où il écrira Le Journal d'un curé de campagne. Puis il se rend au Paraguay et au Brésil où il reste jusqu'en 1945; il écrit durant ce temps de nombreux romans qui sont en liens étroits avec l'actualité. Favorable à l'action déployée par la Résistance, Bernanos rentre en France en 1945, sur sollicitation personnelle du Général de Gaulle. Comme après la guerre de 1914-1918, la période qui suit celle de 1939-1945 déçoit l'attente et l'espérance éveillées dans le cadre de ces conflits. Il dit son amertume face à l'oubli qu'ont les hommes de leur âme et de Dieu et dénonce l'idolâtrie de tous ceux qui mettent leur espoir dans une société industrielle.

Besson Marius (1876-1945). Originaire du canton de Vaud, né à Turin d'un père protestant, il est ordonné prêtre à Fribourg en 1899. Après avoir obtenu, en 1906, un doctorat en théologie et en lettres (archéologie chrétienne), il est nommé professeur au Grand Séminaire (1907), puis à l'Université de Fribourg (1908). En 1916, il fonde la paroisse du St-Rédempteur à Lausanne dont il sera curé. En 1919, Besson est nommé Supérieur du Grand-Séminaire de Fribourg. Le 15 mai 1920, il succède comme évêque du diocèse de Lausanne et Genève à Mgr Placide Colliard. Dès 1925, suite aux modifications intervenues dans le diocèse, il devient évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Ses publications historiques le font connaître dans plusieurs milieux scientifiques. Un des traits significatifs de son caractère est le besoin de pacifier les hommes, de rapprocher les catholiques et les protestants. D'où, peut-être, sa difficulté à gérer les conflits par des décisions nettes. Les affrontements entre catholiques ainsi que la guerre de 1939-1945 éveilleront une immense souffrance chez cet homme pour qui la prudence semble être un élément essentiel.

Bianchi Marius (1890-1973). Originaire de Carouge, ordonné prêtre en 1915, Bianchi déploie une intense activité sur le canton; outre son travail de vicaire à St-François de Sales puis de curé dans la campagne genevoise (1922-1956), il fonde et anime le Cartel chrétien-social et des Caisses-maladie chrétiennes-sociales et de crédit mutuel, des colonies de vacances, le Mouvement des Travailleurs de la terre et la Jeune Union des Campagnes.

Bloy Léon (1846-1917). Dessinateur, puis romancier, critique, historien, journaliste, Bloy se converti en 1869 sous l'influence de Barbey d'Aurevilly et de l'abbé Tardif de Moidrey. Polémiste redoutable, il ne craint pas de démolir par un vocabulaire très personnel ceux dont il ne partage pas les idées, les bourgeois entre autres. Outre son journal, c'est souvent sa propre vie et celle de certains personnages rencontrés que l'écrivain retrace (La Femme Pauvre, Le Désespéré) dans ses romans. Il prend le contre-pied du fort courant antisémite régnant en écrivant Le Salut par les Juifs. Sorte de catholique marginal dont la vie repose cependant sur une foi très vive qui se nourrit de la prière et des sacrements, il sera à l'origine d'un nombre impressionnant de conversions.

Bonifazi Marcel (1913-1980). Originaire des Grisons, né à Odessa, il étudie à Genève puis à Fribourg où il est ordonné en 1936. Vicaire à Fribourg, puis curé de Veyrier (1946-1951) et de Ste-Thérèse (1951-1956), il est le premier à porter le titre de vicaire épiscopal (remplaçant celui de vicaire général) de 1956 à 1975. Il termine sa vie comme prêtre auxiliaire à Meyrin-Cité.

Capy Marcelle, née Marquès (1891-1962). Marcelle Capy passe son enfance dans le Lot, chez son grand-père. Bouleversée par un discours de Jaurès ainsi que de Sangnier, elle décide de s'engager dans un combat social, de militer dans la Ligue internationale pour la paix et la liberté. Dotée d'une grande éloquence, elle parcourt l'Europe et l'Afrique, réalise des reportages sur la vie ouvrière, publiés dans la Bataille syndicaliste, et travaille en usine pour partager la condition des prolétaires. D'une grande influence sur la pensée de Séverine, elle publie des romans et des essais tout empreints de son âme militante. En 1915, elle démissionne de la Bataille syndicaliste, après s'être engagée dans la croisade démocratique. Devenue la compagne du député socialiste P. Brizon, elle se mêle au mouvement politique, tout en cultivant une certaine distance lors de la scission socialiste. Jusqu'à la Seconde guerre mondiale, elle demeure une pacifiste convaincue.

Carry Eugène (1853-1912). Carry marquera fortement l'histoire du catholicisme genevois. Né en 1853 à Croix-de-Rozon, village d'une commune réunie, ordonné prêtre par Mgr Mermillod en 1875 à Ferney, il est nommé vicaire à Carouge. De santé précaire, il doit faire un séjour dans le Midi de la France, avant de partir pour Rome où il défend un doctorat en théologie. Il en retire une sympathie particulière pour le catholicisme britannique. Revenu à Genève en 1881, il se consacre à de multiples oeuvres (directeur de l'Oeuvre des Tabernacles, du Cercle St-Germain; co-fondateur de la Fédération catholique genevoise et de l'Union des Travailleurs catholiques). Promoteur des Journées cantonales qui rassemblent tous les militants catholiques, il fait venir de l'étranger des orateurs connus (les abbés Lemire, Naudet, Desgranges, les laïques Lerolle et Sangnier). Il aime aborder les questions de morale et de sociologie (divorce, célibat des prêtres, alcoolisme, littérature) et écrit, entre autres Lettres sur les intérêts catholiques à Genève (1899) avec Théodore de la Rive. La question de Notre-Dame. Appel à la conscience publique (1906). La Séparation des Eglises et de l'Etat (1906). Nommé vicaire général en 1907, il meurt en 1912.

Carry François (1857-1928). Frère de l'abbé Carry, il part pour Rome en 1882, après avoir fait ses premières armes journalistiques au Courrier de Genève en 1877 et au Chroniqueur de Fribourg. D'abord rédacteur en chef du Moniteur (dirigé par le Cardinal Galimberti et fondé par Léon XIII pour défendre sa politique) François Carry reste à Rome après la disparition de ce journal, en qualité de correspondant du Vatican auprès de multiples quotidiens. Revenu en 1918 à Genève, il sera directeur du Courrier de Genève durant 14 mois puis collaborera étroitement avec Leyvraz.

Charrière François (1893-1976). Né à Cerniat (Gruyère), condisciple de l'abbé Journet, il est ordonné prêtre en 1917 et nommé vicaire à Lausanne. Après avoir passé un doctorat en droit canonique à l'Angelicum de Rome (1922), il devient directeur et professeur de théologie morale au Gd Séminaire de Fribourg (1924), puis de droit canon (1929). En 1926, il fonde la revue Nova et Vetera avec Journet. En 1931, il est nommé professeur extraordinaire à l'Institut de droit canon (Fribourg). Rédacteur de La Liberté entre 1941-1945, reconnu alors pour ses idées sociales avancées et qualifié par certains de prêtre "rouge", il succède comme évêque à Mgr Besson, en 1945.

Cherix Robert-Benoît (1896-1993). Professeur de littérature française à l'Université de Fribourg (Lettres), Cherix a fait partie d'un petit groupe de bellettriens lausannois qui se convertirent en 1926. Dans la lettre que Leyvraz adresse à Gonzague de Reynold le 19 juin 1961, le journaliste évoque le nom de "[son] ami Cherix". On peut se demander si Leyvraz n'aurait pas rencontré cet homme et son petit groupe d'amis lorsqu'il était à Lausanne; peut-être est-ce cette équipe qu'il désigne ainsi dans les Chemins de la Montagne (p. 91) : "Parmi les intellectuels qui fréquentaient nos séances, quelques-uns commençaient à catholiciser, tout en fleuretant avec le communisme." (p. 126) : "Les étudiants "catholicisants" que j'avais connus allaient droit au thomisme ...".

Claudel Paul (1858-1955). Traversé par une quête spirituelle qu'il ne peut étancher dans la philosophie ou la littérature, Claudel approche le surnaturel par l'oeuvre de Rimbaud et de Wagner. La nuit de Noël 1886 sera décisive puisqu'il reçoit une sorte d'illumination à Notre-Dame. Dès lors, il retrouve la foi et se soumet tout entier à l'Eglise catholique. Après des études de droit et de sciences politiques, il est envoyé comme consul suppléant aux Etats-Unis, puis en Chine et au Japon. Après s'être senti attiré par la vie monastique de Solesmes, il décide de se consacrer à Dieu par la poésie, vue comme une participation à l'acte de création. Sa vie est déchirée par l'amour qu'il ressent pour une Polonaise mariée (amour, estime cet homme devenu croyant, que Dieu ne peut encourager). La lecture de St-Augustin le mène sur le chemin du renoncement; plusieurs de ses oeuvres s'en ressentent où l'esprit triomphe sur la chair. Après un retour en France, il repart comme ministre plénipotentiaire, fonction qui l'amène à faire un véritable tour du monde. Revenu dans son pays d'origine, il se plonge dans l'étude de la Bible.

Constantin Georges (1898-1986) employé puis administrateur aux PTT à Genève, il est membre fondateur des syndicats chrétiens à Genève et du syndicat chrétien des PTT; il sera prédissent de la Fédération genevoise des syndicats chrétiens (1923) puis député indépendant chrétien-social au Grand Conseil de 1927 à 1945.

Constantin Marius (1897-1999). Disciple de l'abbé Savoy, grand ami de Leyvraz, il déploie une intense activité pour défendre la dignité des travailleurs : fondateur des Travailleurs de la terre, secrétaire des syndicats chrétiens jusqu'à ce que Berra le mette à la porte en 1940, il a lutté pour établir à Genève les Caisses d'épargne Raiffeisen, fondée par le curé Traber. Secrétaire général du Parti Indépendant et chrétien-social (PICS) (1934-1937), député au Grand Conseil, très engagé en faveur des chômeurs, directeur de l'Office cantonal du chômage, il est limogé en 1934 par le Conseiller d'Etat Ehrler, au moment où Genève est gouvernée par les Rouges. Il est secrétaire général du PICS de 1934-1937, puis prend la présidence du Parti.

Daniélou Jean (1905-1974). Fils d'un député du Finistère favorable à la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il entre (après avoir passé son agrégation en lettres à Paris) dans la Compagnie de Jésus et est ordonné prêtre en 1938. Après avoir été mobilisé, il prépare dès 1941 un doctorat en théologie à l'Institut catholique de Paris. Parallèlement, il s'occupe de l'aumônerie du Groupe catholique des Lettres ainsi que de l'Ecole normale supérieure de Sèvres. Son sujet de thèse en théologie et en lettres à la Sorbonne a pour thème La doctrine mystique de St-Grégoire de Nysse. En 1943, il est chargé de l'enseignement des origines chrétiennes à l'Institut catholique et fonde en 1944, avec le Père de Lubac, la collection Sources chrétiennes. Outre son intérêt pour les origines du christianisme, il est aussi passionné par la question de la spiritualité qu'il met en lien avec l'engagement humain. Nommé cardinal en 1969, il est élu à l'Académie française en 1972.

Davel Jean-Daniel Abram (1670-1723). Fils de pasteur, Davel embrasse la carrière militaire à la solde du Piémont, de la Hollande puis de la France, après avoir fait une formation de notaire. Puis il est nommé major, c'est-à-dire chef d'un des départements militaires du Pays de Vaud. Homme profondément pieux, il se sent appelé par Dieu à délivrer sa patrie, occupée par les Bernois depuis 1536. Durant la semaine de Pâques 1723, il profite de l'absence des baillis, convoqués à Berne, pour mobiliser les 3 Compagnies dont il a le commandement; il les dirige sur Lausanne et appelle les Autorités à opter pour la liberté. Celles-ci font mine d'accepter mais alertent Leurs Excellences; au petit matin le capitaine de ville arrête Davel qui sera torturé puis condamné à avoir le poing coupé et la tête tranchée; LL.EE adoucissent la sentence et lui font grâce de la peine du poing ... Davel est exécuté le 23 avril. Son martyre lui vaudra d'être considéré comme le héros de la liberté du peuple vaudois. René Leyvraz et Marius Besson y feront souvent référence.

Desroches Henri (1914-). Ordonné dans l'Ordre dominicain en 1936, il participe à la création de la revue Economie et Humanisme, lancée par le Père Lebret. En 1951, suite aux dissensions entre l'Eglise, les prêtres-ouvriers et les catholiques favorables à un rapprochement avec le communisme, Desroches quitte son Ordre et devient directeur à l'Ecole des Hautes études en Sciences sociales à Paris, ville dans laquelle il fonde le Collège coopératif.

Déthiollaz Adrien (1884-1959). Enfant de la campagne genevoise, Déthiollaz marque le catholicisme et le PICS de par son enracinement terrien. Après avoir suivi l'Ecole de Commerce, il devient chef du bureau d'une agence de transport à Bellegarde. Revenu à Genève, il est secrétaire de la mairie du Grand-Lancy de 1922 jusqu'à sa retraite en 1949. Dès 1916, il anime le PICS qu'il préside de 1938 à 1941. Député dans les années 30, il se révèle comme un des plus redoutables adversaires de l'extrême-gauche. En 1936, il préside le Bureau du Parti, et le Grand Conseil en 1939 où, au cours d'une séance tumultueuse, il casse la sonnette appelée à calmer les esprits ...

Donnier Charles (1898-1989). Genevois d'origine, l'abbé Donnier est nommé vicaire au Sacré-Coeur où il côtoie Journet, lorsque celui-ci vient à Genève pour prêcher ou donner des conférences. Outre sa charge de curé (à St-Georges au Petit-Lancy, puis à St-François à Genève), Donnier (nommé entre-temps archiprêtre) est appelé à jouer le rôle très délicat de délégué épiscopal de Mgr Charrière dès 1945 auprès du Courrier, à l'époque où Leyvraz - qui vient d'être renommé rédacteur en chef - reproche au Conseil d'administration son côté "affairiste".

Doret Gustave (1866-1943). Vaudois, né à Aigle, il se détourne de ses études de médecine pour se consacrer à la musique. Dès 1893, il conquiert le Paris musical et crée, à partir de 1901, des jeux scéniques sur les légendes et le folklore alpestre suisses. En Suisse romande, son nom reste surtout attaché aux grandes manifestations de la Fête des Vignerons (Vevey) de 1905 et de 1927.

Duhamel Georges (1884-1966). Médecin militaire durant la guerre de 1914-1918, Duhamel est horrifié par les souffrances physiques et morales que ce conflit engendre; l'expérience qu'il traverse alors inspire ses écrits Vie des martyrs (1917) et Civilisations (1918). Outre ses récits de voyage et divers Mémoires, il publie plusieurs romans. Dans son essai moral intitulé La Possession du Monde (1919), il entend rappeler à l'homme le sens de ses pouvoirs sur le monde et sur lui-même. Rejetant aussi bien l'idée d'une vie éternelle que celle d'un paradis sur terre à instaurer par le socialisme, Duhamel veut, par un langage lyrique, dénoncer une civilisation décadente et mettre l'homme en garde contre ces nouveautés que sont les machines, le cinéma, la radio.

Dupin Gustave (1861-1933). Peintre-verrier et militant pacifiste, il écrit à la mémoire de son fils "tué par les hommes" à 21 ans, lors de la guerre de 14-18, La Guerre infernale qu'il dédie à ses "pauvres frères d'Europe". Né de la douleur et de la méditation, ce livre (publié par Guilbeaux aux éditions Demain) est un réquisitoire implacable et persuasif contre la guerre. Dès 1919, Dupin collabore à la Vie ouvrière, à Evolution, au journal pacifiste et anarchiste Le Semeur, et publie plusieurs romans, sous son nom ou sous le pseudonyme d' "Ermenonville". Tout en se déclarant "internationaliste pacifiste", il dira son amertume face au marxisme qui a confisqué la Révolution d'Octobre que Dupin avait saluée comme "une aurore de délivrance".

Dupont Emile (1911-1991). Patron d'une petite entreprise de menuiserie, Emile Dupont s'intéresse à la politique qu'il marque particulièrement par son engagement en faveur de lois sociales sur les constructions d'immeubles, quand Genève est plongée dans une grave crise du logement. Dès 1957, il donne à l'Etat un rôle de subventionneur de logements à loyers modérés, construits par des initiatives privées. Il préside le PICS de 1950 à 1955, est Conseiller d'Etat au Département du Commerce & de l'Industrie (1954-1961), puis aux Finances & Contributions (1961- 1965).

Etter Philipp (1891-1977). Originaire de Zoug, juriste de formation, il est nommé rédacteur en chef du Zuger Nachrichten avant d'être élu député du parti catholique conservateur (1918-1923). Conseiller d'Etat de 1930 à 1934, puis Conseiller fédéral de 1934 à 1959 au Département de l'Intérieur, il est qualifié par ses admirateurs d' "homme d'Etat chrétien". Très influencé par Reynold, favorable au corporatisme et à une rénovation helvétique conservatrice basée sur un ordre social chrétien, Etter (qui est un antilibéral) plaide dans le sillage de Reynold pour une défense nationale spirituelle, thème qu'il développe dans un Message aux Chambres en 1938.

Foerster Friedrich-Wilhelm (1870-1966). Fils de Guillaume Foerster, célèbre astronome berlinois, Friedrich-Wilhelm enseigne durant six ans (1914-1920) la philosophie et la pédagogie à l'Université de Münich. Le reste de sa vie se déroule à l'étranger car, dès 1920, pressentant que la République de Weimar allait succomber, Foerster s'exile. Ses oeuvres seront interdites et brûlées durant le IIIe Reich. En 1940, il s'embarque pour les Etats-Unis où il demeure jusqu'au début des années 60, avant de venir vivre mourir en Suisse, près de Zürich.

Fontanet Guy (1927-). Né à Genève, fils du célèbre caricaturiste Noël Fontanet, il fait des études de droit et travaille durant 20 ans comme avocat indépendant à Genève. Secrétaire général du PICS de 1954 à 1957, il est également Conseiller municipal (1955-1959), puis député dès 1957, et Conseiller national (1971-1978). Il préside le Parti de 1964 à 1967, puis est nommé Conseiller d'Etat (Département de Justice et Police) de 1973 à 1985.

Forel Auguste (1848-1931). Dans l'éducation calviniste donnée à Forel par sa mère, femme dont les scrupules moraux sont développés à un degré presque maladif, la religion tient une place importante. Saturé de la Bible et des formules religieuses, il se révolte dès 10 ans. Anxieux, il se considère très tôt comme un pécheur endurci. Le conformisme de la "mômerie" qui règne dans sa ville natale (Morges), casse définitivement son respect pour les pratiques religieuses. En 1864, il refuse d'être confirmé, voyant cet acte comme mensonge et hypocrisie. En 1927, il se déclare incrédule, moniste et panthéiste, et tente de relire la Bible objectivement. Il en sort une petite publication, Jésus et la Bible où il démontre l'impossibilité d'affirmer ou de nier l'existence de Jésus, puisqu'en Orient "les mythes et les paraboles régnèrent toujours, formant une échelle insensible de l'imagination à la vérité" (Auguste FOREL, Mémoires, p. 4). Il fait une lecture chronologique et scientifique, démontrant chapitre après chapitre l'incohérence de propos tenus sur la création et sur ce Dieu unique qui, en matière de cruauté, n'a rien à envier aux multiples dieux des païens. Il établit aussi un résumé de chaque chapitre du Nouveau Testament qu'il confronte aux recherches exégétiques nouvelles et en déduit que "Jésus a emprunté l'essentiel de sa morale réformatrice du judaïsme à d'anciens hommes célèbres qui n'étaient pas hébreux" [Confucius, Térence] (ibid., p. 27). Comme panthéiste, il refuse de croire à la résurrection; la prétention de Jésus à se dire fils de Dieu témoigne de sa mégalomanie; les miracles de cet hypnotiseur de masses "sont le résultat d'anciennes superstitions alors courantes et arrangées après coup par l'exégèse" (p. 27). Il s'interroge encore sur le silence divin qui règne depuis 500 à 600 ans. Libre-penseur, il s'efforce de fixer le sens exact des mots, tels celui de "Dieu", nécessaire à désigner l'inconnaissable universel; un Dieu qu'on ne peut d'aucune façon concevoir comme personnel, sous risque de tomber dans un anthropomorphisme enfantin. Il distingue le mot "religion" qu'il conserve "pour les besoins élevés du coeur humain" (p. 30), du mot credo qu'il associe à "croyance" et clôt sa recherche par une profession d'agnosticisme sur tout ce que la science n'a pas dûment prouvé. Au terme de sa lecture fondamentaliste, l'entomologiste qu'il est s'interroge : "Comment Noé a-t-il trouvé et trié les environ 100.000 espèces de Coléoptères et les 7.500 formes de fourmis, sans parler des autres insectes aujourd'hui connus dans tous les pays du globe terrestre, ni des fossiles de l'ambre de la mer Baltique et de la Sicile, pour les mettre tous dans son arche (...) ? Comment a-t-il trouvé pour eux tous la place et la nourriture nécessaire dans son arche (...) ?" (p. 32).

Romain Rolland (Journal de Guerre, p. 1144-1145) en fait cette description : "En dehors de l'ento-mologie, l'activité de Forel est extrêmement diverse. On sait ses grands travaux sur "la question sexuelle" et le bruit qu'ils ont fait. Il a dirigé longtemps un établissement d'aliénés, du côté de Zürich; et l'étude de ces malheureux l'orienta vers les questions sociales. Il s'y est jeté avec passion, comme il fait pour toutes choses; et ce qui est beau, c'est qu'il n'est pas soutenu par une foi optimiste dans l'homme ou l'au-delà. Sa vie passée dans l'observation de l'implacable nature ou des déchets de l'humanité l'incline à avoir de celle-ci une assez triste opinion. Cela n'atteint pourtant point son optimisme d'instinct, de tempérament, de sang méridional français : il dit des choses terribles sur un ton d'humour, et avec une figure joyeuse. La méchanceté, la sottise, la médiocrité de l'espèce humaine ne lui sont qu'un stimulant de plus pour lui chercher une organisation et des cadres sociaux, où elle soit mise dans l'impossibilité de se nuire à elle-même. Il est un fanatique de l'organisation; et par là s'explique son animosité contre l'individualisme anarchique. Il est entré dans le parti socialiste, bien qu'au fond il juge la médiocrité de ses membres. Il me dit même : "Individuellement, ils ne valent pas mieux que ceux des autres partis. Mais c'est l'idée qui vaut". Et une autre fois, avec une robuste mélancolie, qui vite reprend le ton gaillard : "On doit livrer la bataille, avec une armée de mauvais soldats. Si l'on devait attendre que l'on rencontrât des héros, des grands esprits ou de grands caractères, il faudrait se croiser les bras." Il ne se les croise pas. Ce grand intellectuel ne craint pas de s'associer à des paysans, à de petits bourgeois, en des ligues; et il se met au ton de leur vulgarité, que je ne pourrais supporter, un seul jour. C'est ainsi qu'il fait partie de la Libre Pensée, dont j'ai reçu, il y a deux ans, et retourné, avec dégoût, quelques exemplaires de journal, bassement anticlérical. Il a fondé à Yvorne, ce pays du vin, du meilleur vin blanc de Suisse, une ligue des Bons Templiers, contre l'alcoolisme. Il a fondé, avec 4 ou 5 autres Suisses, une "Organisation internationale pour la paix durable". Il caresse l'idée d'Etats-Unis de la Terre, et en a méthodiquement dressé le plan dans ses brochures. Il écrit des articles pour les journaux de la social-démocratie suisse. Il déplore la vieillesse et les infirmités qui viennent mettre un frein à son activité. Naguère, dit-il, il allait faire des conférences, pour répandre ses idées, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Roumanie. (A noter qu'en politique, bien qu'il soit un pacifiste fougueux, - et presque belliqueux, - il semble craindre le développement de la Révolution russe. Son peu de confiance, sans doute, en la raison humaine abandonnée à elle-même, et sa docilité volontaire au parti socialiste suisse, où il a accepté d'entrer, lui fait considérer Milioukov et ses collègues comme les plus capables de diriger la nouvelle Russie)". Tel est le portrait de cet homme qui aura une forte influence Leyvraz enfant et adolescent.

Gabel Emile (1908-1968). Suite à ses études à Louvain et Strasbourg, Gabel est ordonné dans l'Ordre des Assomptionnistes en 1934. Après avoir enseigné la théologie, il est nommé directeur des éditions de la Bonne Presse en 1943. En 1949, il devient rédacteur en chef de La Croix, puis est appelé en 1960 à Genève comme directeur de la rédaction du Courrier, tâche qu'il cesse d'assumer en 1961. Il meurt dans un accident d'avion, en 1968.

Ganter Edmond (1910-1989). Originaire de la Forêt-Noire mais né à Genève, il fait ses études secondaires en Suisse et en Angleterre. A son retour, il s'engage au sein de la J.O.C. et est sensibilisé aux problèmes sociaux par les écrits et les conférences de Leyvraz qui, à son tour, est amené à considérer la J.O.C. d'un regard bienveillant, grâce aux relations qu'il a avec Ganter. Rédacteur, mais surtout homme féru d'histoire locale, Ganter se penche avec passion sur la Genève catholique du Moyen Age jusqu'à la Réforme, et aussi sur l'histoire du catholicisme genevois, particulièment l'époque tournant autour du curé Vuarin et du Kulturkampf. Dès 1937, par son activité de secrétaire permanent des syndicats chrétiens (section employés de bureau) à la rue de la Pélisserie, il a de fréquents contacts avec Leyvraz, lorsque celui-ci est rédacteur de la Liberté syndicale. Les choses s'enveniment pour Ganter lorsque Berra le chasse en 1939. En 1940, lors du divorce entre les Syndicats chrétiens et le Cartel chrétien-social, Ganter succède à Berra au poste de secrétaire du Cartel. Il contribue en outre, avec Leyvraz et Marius Constantin, à la création du Cercle catholique social et se trouve donc plongé dans les luttes qui opposent les partisans de Berra à ses adversaires. Nommé rédacteur du Courrier conjointement au retour de Leyvraz en 1945, il assure divers mandats politiques au PICS (député, président du Grand Conseil en 1954, conseiller administratif (1963-1967) et Maire de la Ville de Genève). Il sera très imbriqué dans les tensions qui secoueront l'équipe rédactionnelle du Courrier dans l'affaire Gabel.

Gency François (1899-1974). Né à Genève, Gency adhère dès 1921 aux Syndicats chrétiens dont il préside la section des employés d'administration. Il fait également partie du Cartel chrétien-social et milite au sein du PICS. De 1922 à 1967 il s'engage dans la gestion de la Commune de Chêne-Bourg, comme conseiller municipal puis Maire. Après des études de droit, il sera substitut du Procureur général, puis conservateur du Registre foncier jusqu'en 1962; il se tourne alors vers le notariat. En 1936, puis entre 1945 et 1950, il a présidé le Parti, d'où ses échanges épistolaires avec les évêques du diocèse, au sujet des relations entre le Parti et Le Courrier.

Ghéon Henri-Léon Vangeon, dit Henri (1875-1944). Poète et auteur dramatique, converti au ca-tholicisme, proche du groupe rassemblé autour de Maritain et de Cocteau, Ghéon participe à la fondation de la Nouvelle Revue française et anime, avec Jacques Copeau, le théâtre du Vieux-Colombier. Cette activité le pousse à recréer un théâtre populaire chrétien qui, grâce à la Troupe des Compagnons de Notre-Dame, interprète plusieurs de ses oeuvres à caractère religieux, telles Le Pauvre sous l'escalier, Le Noël sur la place, le Comédien et la Grâce, Marie, Mère de Dieu); on peut citer encore le St-François d'Assise, spectacle auquel Leyvraz assistera à Genève.

Giovanna Maria (1868-1935). Fidèle disciple de l'abbé Carry, elle se lance dès le début du chris-tianisme social genevois dans cette action en faveur des travailleuses. Grande organisatrice, elle développe de multiples activités en faveur des femmes et reçoit, en 1927, la médaille Pro Ecclesia et Pontifice en remerciement des services rendus.

Gloor Ernest (1893-1964). Né à Lausanne, fils d'un cheminot, il fait des études de médecine et adhère au socialisme-chrétien; il édite L'Aube avec Hélène Monastier et Paul Golay. Ami d'Humbert-Droz, il s'affilie au parti socialiste vaudois dès 1915, préside la Jeunesse socialiste et collabore avec Leyvraz. Lors de la grève générale, il est condamné à 3 mois de prison. Conseiller national de 1931 à 1941, il passe au communisme en 1939, puis revient au socialisme en 1944. Il sera le premier socialiste à être membre du Comité international de la Croix-Rouge, en 1946.

Golay Paul (1877-1951). Vaudois, né dans la Vallée de Joux, cadet d'une famille nombreuse issue du protestantisme libéral, il est assoiffé de justice et de liberté; il quitte son métier d'instituteur pour se tourner vers le socialisme par amour des pauvres qu'il défendra avec ardeur durant toute sa vie. Rédacteur du Grutléen dès 1910, puis collègue de Leyvraz au Droit du Peuple, de tendance extrême-gauche et remarqué par Lénine, il s'affronte à Naine lors des tensions dressant celui-ci contre Jeanneret-Minkine. Pétri d'individualisme, Golay prend souvent au sein même de son parti des positions de "franc-tireur", particulièrement dans sa volonté de séparer le socialisme de l'étatisme. Après avoir constaté que la tyrannie soviétique est à l'opposé de ses aspirations, il rallie le socialisme démocratique et devient un farouche adversaire du léninisme-stalinisme.

Gottret Jules-Edouard (1865-1955). Né à Genève, pharmacien de métier, il se lance avec beaucoup de succès dans la politique, grâce à une plume trempée dans l'encre catholique conservatrice. Maire de Veyrier de 1892 à 1910, puis député au Grand Conseil dès 1910, il est le rédacteur principal du petit journal du Parti Indépendant, de 1910 à 1914. Conseiller national (1920-1947), président du Parti Indépendant de 1906 à 1932 [?], il reste longtemps sur le devant de la scène du parti, avant que la tendance "syndicaliste" ne lui porte ombrage. Nommé directeur du Courrier de Genève à la fin de la 1ère guerre mondiale, il continue de lui apporter une contribution journalistique pendant plusieurs années, par des articles de politique locale et fédérale.

Guilbeaux Henri (1884-1938). Français né en Belgique, Guilbeaux est écrivain, journaliste, bon connaisseur de la littérature, de la philosophie et de la poésie contemporaines allemandes. D'abord membre du Parti socialiste, il le quitte pour se tourner vers les milieux anarchistes et est co-fondateur du Groupe de rapprochement franco-allemand. Dès le début de la guerre, par des articles dans la presse syndicaliste et par des conférences, il prend la défense d'un Romain Rolland dont les prises de position pacifistes font l'objet de critiques virulentes. Après quelques mois de mobilisation, il est réformé et part pour Genève en juin 1915. En 1916, il fonde la revue Demain. La même année, lors de la 2e Conférence de Zimmerwald, il rencontre Lénine avec lequel il restera en contact. En mai, il demande son affiliation aux socialistes genevois et est délégué, en novembre, au Congrès annuel du Parti socialiste suisse. Dès mai 1917, il collabore activement à La Nouvelle Internationale fondée, avec l'aide des bolcheviks, par un groupe de socialistes révolutionnaires étrangers résidant en Suisse. En été, il est nommé correspondant officiel de La Pravda. Accusé de progermanisme et de défaitisme, il est fortement attaqué dans la presse française; en février 1918, une instruction "pour intelligence avec l'ennemi" est ouverte contre lui en France. Le Conseil fédéral suisse décide son arrestation en juillet; après 5 semaines de détention à Genève, il est assigné à résidence dans des cantons éloignés des frontières; à nouveau arrêté en novembre 1918, il est expulsé de Suisse pour la Russie en février 1919 et cela, malgré les démarches de Romain Rolland tendant à prouver que Guilbeaux n'est pas un traître, mais un révolutionnaire internationaliste. Dans le même temps, à Paris, le 3e Conseil de guerre le condamne à mort. Après son arrivée à Moscou, il continue d'écrire et est chargé de rétablir à Berlin les rapports culturels entre la Russie soviétique et l'Occident. De 1924 à 1929, il est correspondant de L'Humanité. Dès 1926, un Comité pour le retour de Guilbeaux en France se constitue sous l'impulsion, entre autres, de R. Rolland, Duhamel, J.-R. Bloch, Vildrac. Revenu à Paris en août 1932, il se constitue prisonnier et est acquitté à l'unanimité en janvier 1933. Il milite ensuite pour un pacifisme concret. Dès 1935, sans que s'estompe son admiration pour Lénine, il dénonce les similitudes entre l'idéologie impérialiste et militariste de la Russie soviétique, de l'Allemagne national-socialiste et de l'Italie de Mussolini. Puis il critique le Front populaire créé grâce à l'alliance électorale des partis socialiste et communiste, et dénonce l'antifascisme comme une idéologie entraînant à la guerre. Il meurt dans la misère, des suites d'une hémorragie cérébrale. Henri Mugnier (Notre jeunesse, évocations genevoises, 1910-1920, p. 208) écrit : "(....) je n'ai jamais aimé ce faux mousquetaire à la barbiche et la canne en avant."

Guisan Henri (1874-1960). Vaudois, fils d'un médecin de campagne, il fait des études de médecine et d'agronomie en Suisse et à l'étranger, puis s'installe sur les bords du Léman. Gradé dans l'armée dès 1894 (passant du titre de lieutenant à celui de commandant de corps), il est nommé Général au moment de la mobilisation suisse, en 1939. Très respecté et admiré pendant et après la guerre, il fait l'objet aujourd'hui de critiques, à cause de son attitude conciliatrice avec l'Allemagne durant la guerre de 1939-1945.

Haab Auguste (1911-1970). Né à Genève, il fait un apprentissage de constructeur et monteur étalagiste et adhère au syndicat chrétien (section mécaniciens). Membre fondateur et président de l'AJC puis président de la JOC suisse entre 1934 et 1940, il est engagé comme rédacteur au Courrier en 1949. Rallié à l'équipe autour de Leyvraz, Haab (suite aux démêlés qui opposent les rédacteurs au Parti et à l'administration du journal) est plus ou moins contraint de quitter ce quotidien pour entrer à La Suisse en 1962, journal auquel il insufflera une âme.

Hello Ernest (1828-1885). Journaliste et essayiste, Hello est un ardent défenseur du catholicisme contre les thèses de Renan. Catholique radical, cet homme a une vie qui ne correspond en rien à ses attentes : il rêve de gloire et est superbement ignoré. Bloy le qualifie de malheureux, "si posthume avant d'être mort". (Cité par Patrick KECHICHIAN, Les usages de l'éternité, p. 35). Derrière ses écrits se lit cette quête impossible de la gloire qui suscite en lui plaintes et humiliations. Après avoir fait la connaissance de Bloy en 1875, une relation triangulaire (où la folie frôle le surnaturel) s'instaure entre eux et Anne-Marie Roulé (la Véronique du Désespéré), ancienne prostituée qui s'est convertie et se fait l'annonciatrice d'événements extraordinaires imminents : le règne de l'Esprit est proche, il adviendra après un cataclysme qui a déjà commencé; Bloy et Hello (qu'elle dit être appelés à jouer un rôle important dans cette venue d'un Règne nouveau) y voient un lien direct avec le secret confié en 1846 par la Vierge aux enfants de la Salette. L'espérance de Bloy et d'Hello est indicible, leur déception indescriptible lorsqu'ils se rendent compte que rien de ce qu'Anne-Marie (qui sera internée à l'asile de Ste-Anne en 1882) leur a annoncé n'arrive.

Humbert-Droz Jules (1891-1971). En 1910, il rencontre Jenny Perret qu'il épousera. Il crée avec elle une association de jeunes normaliens où il donne des exposés sur un thème social ou biblique. Puis il assure un ministère pastoral à Lyon, Tourcoing, Fives-Lille (centre minier), travaille comme infirmier à Bielefeld (Westphalie) pour y soigner des épileptiques. Il se rend aussi à Paris puis à Berlin où il termine sa licence en théologie. L'attitude de l'Eglise officielle réformée berlinoise, qu'il considère comme témoin de l'échec du protestantisme dans la vie morale, le préoccupe. Il dénonce le fait, qu'à Berlin, la science passe après la religion, l'Université après l'Eglise et que toutes deux soient assujetties à la puissance militaire impériale. En juillet 1914, il présente son Mémoire de licence Le Christianisme et le socialisme : leurs oppositions et leurs rapports et démontre que, loin de s'opposer, ces deux mouvements se complètent, l'un par une action intérieure, l'autre par une action extérieure qui se conjuguent, agissent et réagissent l'une sur l'autre, en vue de la construction d'un monde meilleur bannissant la propriété, l'alcoolisme, la prostitution et le militarisme. Ainsi, christianisme et socialisme ne doivent ni se combattre ni s'ignorer; bien au contraire, l'Eglise et le socialisme devraient fusionner à partir d'un principe qui leur est commun : le christianisme intégral. Il conclut par cette profession de foi : "Peut-être le Christ est-il encore dans les Eglises, je le crois, bien que je l'aie perdu de vue, mais je sais qu'il est dans le socialisme". Cette franchise lui ferme les portes des paroisses neuchâteloises. L'acceptation, en août 1914, de crédits de guerre au Reichstag par la majorité des sociaux-démocrates le trouble profondément. Il projette de s'engager comme infirmier volontaire dans l'une ou l'autre armée en conflit, mais est appelé à Londres comme pasteur suffragant de l'Eglise réformée évangélique française; il découvre alors qu'il est plus tenté par l'action que par la prédication paroissiale. Il entre en contact avec des anarchistes français, belges et allemands et inaugure des conférences profanes qui le font vite considérer comme agent à la solde de l'Allemagne. Parallèlement, il envoie des articles à La Sentinelle qui lui valent l'ouverture d'une instruction militaire en Suisse. Ses prises de position l'opposent au pasteur titulaire de la paroisse de Bayswater qui l'accuse de ne pas être chrétien. Ulcéré, il donne sa démission, entreprend des études d'économie politique au British Museum puis retourne en Suisse.

Suite à une conférence d'Humbert-Droz, Naine le pousse à se mobiliser pour les élections communales. Humbert-Droz prend la parole dans des meetings; ses relations avec l'Eglise officielle n'en sont que plus tendues. Après un nouveau séjour à Londres, il est rappelé à La Chaux-de-Fonds pour devenir second rédacteur en chef de La Sentinelle et, en même temps, travailler avec les jeunes dans le parti socialiste. Il rêve de créer, hors de tout dogme, une Eglise du peuple dans laquelle le ministère serait gratuit. Une carrière politique ne le tente pas; il lui préfère un travail d'éducation des travailleurs, plus idéaliste et donc plus révolutionnaire; toutefois il se rend compte que ses études de théologie l'ont éloigné du peuple; il doit s'adapter à un langage simple pour être compris. En juillet 1916, il est condamné à 6 mois de prison pour refus de servir. Si ses convictions contre l'armée et son pacifisme le rapprochent des admirateurs de Tolstoï, elles l'éloignent en revanche des Jeunesses socialistes suisses qui, influencées par Lénine, préconisent que les jeunes fassent leur service militaire pour y apprendre le maniement des armes, en prévision de la révolution. A sa sortie de prison, il trouve son poste à La Sentinelle occupé par Paul Graber qui lui fait comprendre qu'il ne lui laissera plus d'espace pour la rédaction d'articles importants; il décide donc de se consacrer à la propagande et à l'organisation du parti et réalise à La Chaux-de-Fonds un vieux rêve, créer l'Eglise du Peuple. Face à la Révolution russe de février 1917, il reste plutôt dans l'expectative, estimant que cet événement n'est encore nullement synonyme de paix ou d'avènement du socialisme. En avril 1917, la police zürichoise réprime durement une manifestation de travailleurs protestant contre la vie chère et les privations. Humbert-Droz se trouve devant un dilemme : faut-il répondre à la force en utilisant la violence ? Il plaide pour que la guerre aille jusqu'à son terme afin que soit vaincu le militarisme. Alors que Graber prend la défense des maximalistes, des bolcheviks et justifie le droit à l'insurrection, Naine, tout en saluant les efforts de paix développés par les Soviets, plaide en faveur des institutions démocratiques. Humbert-Droz voit la démocratie comme une dictature, celle de la majorité. Il passe du tolstoïsme au communisme, persuadé que la révolution russe peut engendrer un monde libre, pacifique, juste et fraternel, tout en reconnaissant qu'elle met à l'épreuve sa foi dans le socialisme chrétien pacifiste.

Se distançant du Comité d'Olten (formé de l'Union syndicale suisse, du Parti socialiste suisse, du groupe socialiste aux Chambres fédérales et du personnel fédéral) qu'il accuse de tenir un discours endormant, néfaste à l'action, il consacre ses forces à encourager les socialistes occidentaux à soutenir la Révolution bolchevique. Après une nouvelle incarcération de 3 mois pour délit de presse et injure à l'armée, sa sortie de prison en novembre 1917 est fêtée avec enthousiasme par les Jeunes socialistes; le reste du parti, en revanche, est absent. En novembre 1918, les luttes sociales prennent en Suisse une tournure dramatique. Luttant contre ceux qui demandent que cesse la grève générale enclenchée depuis 3 jours et suivie par 300.000 personnes, Humbert-Droz appelle les ouvriers à ne pas capituler. Apprenant alors que la grippe espagnole fait des ravages dans la troupe chargée de mater les grévistes, son édito du 18 novembre est intitulé "La grippe venge les travailleurs". L'ensemble de la presse bourgeoise s'empare de ce titre malheureux. Il est recondamné à 3 mois de prison et à 2 ans de privation des droits civiques pour participation active à la grève. Son soutien à la tendance de Zimmerwald-Kienthal opposée à la guerre le met en contact avec Zinoviev, Lounatcharsky et Sokolnikov. Ayant salué avec sympathie la Révolution d'octobre 1917, il plaide en faveur de l'adhésion du PS suisse à la IIIe Internationale communiste. Dès 1920, il est délégué de la gauche du PS au IIe Congrès de l'Internationale à Moscou; il travaille à la création d'un PC en Suisse et se lance dans la publication de la revue Le Phare. En 1921, sur une proposition de Lénine, il est élu, au cours du IIIe Congrès, secrétaire de l'Internationale communiste et chargé de l'organisation des pays de langue latine. De 1922 à 1928, il vit à Moscou avec son épouse et ses enfants. Il se rend plusieurs fois illégalement dans des pays latins, est arrêté à Paris et incarcéré à La Santé. A Moscou, il s'oppose à la fraction Trostsky-Zinoviev et se rallie à Boukharine. Dès 1928, il critique fortement la politique internationale de Staline avec lequel il entre violemment en conflit. Il est alors envoyé en Amérique latine puis en Espagne. En 1931, il quitte le secrétariat de l'Internationale communiste tout en restant membre de l'exécutif et revient en Suisse. Jusqu'au VIIe Congrès de 1935, il s'oppose plusieurs fois à une politique qu'il qualifie de sectaire. Le tournant politique qui s'opère à ce moment en faveur du front unique permet la réhabilitation d'Humbert-Droz qui se voit nommé chef du PC suisse, poste qu'il occupe à Zürich jusqu'en 1942, avec un parcours jalonné d'arrestations et de condamnations. En 1942, sur ordre de Staline, il est destitué de ses fonctions et exclu du PC en 1943. La direction du PS suisse insiste pour qu'Humbert-Droz rejoigne ses rangs, ce qu'il accepte. De 1946 à 1959, il assure le secrétariat central de ce parti. Dès 1953, il préside le Conseil suisse des Associations pour la Paix. En 1960, il prend sa retraite et retourne vivre à La Chaux-de-Fonds tout en continuant ses activités pacifistes à la tête du mouvement opposé à l'armement atomique de la Suisse et écrit des articles de politique étrangère dans La Sentinelle.

Jambé Rodolphe (1901-1957). D'origine fribougeoise, ordonné prêtre en 1925, il obtient un doctorat en philosophie à l'Institut catholique de Paris, en 1936. Nommé, en 1939, professeur au Collège Saint-Michel, à Fribourg, il assure aussi la rédaction du journal L'Action sociale, organe des travailleurs catholiques, et est assistant ecclésiastique (1937-1943) des corporations de Fribourg. Suite à certaines dissensions, il est démis de ses responsabilités corporatistes, pour être nommé directeur du Centre doctrinal d'études et de recherches des Oeuvres chrétiennes-sociales.

Jammes Francis (1868-1938). Ecrivain français, il publie en 1898 sa première oeuvre importante, De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir ainsi que des romans à couleurs romantiques. Son retour au catholicisme en 1905 plonge ses écrits dans une atmosphère religieuse.

Jaques-Dalcroze Emile (1865-1950). Vaudois, né à Vienne. Compositeur, pédagogue, créateur de la rythmique. Nombre de ses chansons populaires célèbrent la Romandie et constituent une part importante du néo-folklore de cette région.

Joergensen Johannès (1866-1956). Danois né dans l'île de Fionie, il se convertit au catholicisme. Bloy le rencontre en 1899, lors d'un séjour au Danemark, et lui consacre, dans Mon Journal, des lignes enthousiastes qui le feront connaître au public français.

Journet Charles (1891-1975). Né à Meyrin dans une famille de petits commerçants il entre après un stage dans une banque et des études aux Collèges de Schwyz puis de Fribourg, au Grand Séminaire et est ordonné prêtre en 1917. D'abord vicaire à Fribourg (1917-1924) puis à Genève (à Sainte-Croix et au Sacré-Coeur), il rencontre pour la première fois, en 1922, Jacques Maritain; une profonde amitié soulignée par une abondante correspondance naît, basée sur des centres d'intérêts réciproques, tels le thomisme et l'art. En 1924, il est nommé professeur de théologie dogmatique au Gd Séminaire, tâche qu'il exerce jusqu'en 1970. Parallèlement, il mène un ministère pastoral et spirituel très important. Il vient à Genève chaque fin de semaine pour assurer la prédication au Sacré-Coeur et donner des cours de théologie. Il prêche de nombreuses retraites, reçoit beaucoup de monde, échange une quantité de lettres, donne (en 1937 et 1957) des retraites et des conférences en Pologne, pays qu'il aime particulièrement. Il dirige la revue Nova et Vetera qui, durant la montée du fascisme et pendant la 2e guerre mondiale, reflète ses prises de position courageuses pour les droits de l'homme. Ses études sur l'Eglise fourniront matière à son principal ouvrage, L'Eglise du Verbe incarné. Pie XII le nomme prélat de la Maison pontificale en 1947. En 1957, Mgr Montini (futur Paul VI), l'invite à prendre part à la grande "Mission" du diocèse de Milan. En 1960, Jean XXIII le nomme membre de la Commission théologique préparatoire du Concile Vatican II. En février 1965, nommé Cardinal par Paul VI; il siège à la 4e session du Concile, intervient plusieurs fois sur la question de la liberté religieuse. Il reçoit le titre de Docteur honoris causa en 1961 à Fribourg, puis en 1965 à l'Université de Saint-Thomas de Rome.

Jouve Pierre dit Pierre-Jean Jouve (1887-1976). Médecin, poète et écrivain, engagé comme infirmier civil volontaire à l'hôpital militaire de Poitiers, il est témoin des blessures causées par la guerre; l'ampleur du conflit le déroute; il délaisse le socialisme pour un tolstoïsme libertaire; ce choix l'amène à Romain Rolland qui, en 1911, avait sorti une Vie de Tolstoï; il lui écrit pour trouver auprès de lui conseils et réconfort. A Poitiers, il contracte une maladie infectieuse qu'il vient soigner en Suisse, en 1915. A Vevey, Rolland rejoint cet homme dont il relève l' "aspect maladif, maigre, déplumé; mais (...) jeune et vif de façons et de caractère gai au fond, malgré lui". Rolland apprécie "son naturel, l'élan de ses sentiments et son humanité" (Romain ROLLAND, Journal des années de guerre 1914-1919, t. II, p. 570). Une forte amitié unit les deux hommes. Sa passion du pacifisme et sa vénération pour Rolland poussent Jouve à s'engager, à devenir combattant : il délaisse la poésie pour se vouer à la prose pamphlétaire et au journalisme engagé.

Kistler Emile (1893-[?]. Zürichois, diplômé de l'Ecole de commerce de Lucerne, il exerce divers emplois au Locle puis à La Chaux-de-Fonds. En 1922, il crée la Corporation horlogère des Franches-Montagnes. De 1924 à 1926, il est secrétaire des organisations chrétiennes-sociales du canton de Neuchâtel et du Jura puis, jusqu'en 1946, de la Fédération des corporations de Fribourg où il exerce. durant 10 ans, un mandat de député au Grand Conseil. De 1944 à 1951, il est directeur du secrétariat des corporations de Berne.

La Rive Théodore de (1855-1931). D'origine piémontaise, homme de lettres protestant habitant Genève, il se convertit au catholicisme en 1880. Outre un livre intitulé De Genève à Rome (1895), La Rive publie avec Eugène Carry les Lettres de deux catholiques genevois critiquant le conservatisme du Courrier de Genève. Il passe ensuite une partie de sa vie à Rome. Dans Vingt-cinq ans de vie catholique, il dit la sérénité que lui a procuré la pensée de l'Eglise catholique, dépositaire de la doctrine du Christ et porteuse de sa Parole.

La Tour du Pin Chambly de la Charce René de (1834-1924). Officier, il fonde avec le comte Albert de Mun les cercles catholiques ouvriers. Puis il devient l'animateur d'un Conseil des études qui vise à élaborer une doctrine sociale. Penseur de la sociologie catholique prônant l'édification de la société sur des bases représentatives, il participe avec Mgr Mermillod à la fondation de l'Union de Fribourg, qui permettra d'étoffer une réflexion qui alimentera le contenu de l'encyclique Rerum Novarum. Le titre du principal ouvrage de La Tour du Pin Vers un ordre social chrétien, et le contenu de ce livre doivent convenir à Leyvraz qui en reprend fréquemment les termes.

Laurencet Francis (1896-1967). Né à Genève dans une famille d'ouvriers, il travaille aux PTT après sa scolarité. Il fait partie des jeunes regroupés autour de l'abbé Savoy et se rattache à l'aile chrétienne-sociale du PICS. Co-fondateur des syndicats chrétiens de Genève, il milite dans l'équipe des chrétiens-sociaux proches de Berra, éloignés du Courrier de Genève en 1935. Député au Grand Conseil dès les années 20, donnant au Parti une ligne syndicaliste, il en assure la présidence en 1942. Lors du divorce Leyvraz-Ganter/Berra, Laurencet (alors président de la Fédération genevoise des syndicats chrétiens) semble prendre parti pour Berra. Mais il garde toute son amitié envers Leyvraz, comme en témoigne sa lettre du 3 avril 1961 à Mgr Charrière.

Lebret Louis (1897-1966). Dominicain ordonné en 1928, passionné par les questions économiques puis de développement, il crée, en 1941, l'Association Economie et Humanisme et publie, dès 1942, une revue du même nom. Il fondera aussi la revue Développement et civilisation et l'Institut international de recherche et de formation en vue du développement. L'encyclique Populorum progressio, à l'élaboration de laquelle il a beaucoup contribué, est le reflet de sa pensée.

Lescaze Julien (1898-1961). Après des études en économie politique et en sociologie, Lescaze devient professeur et s'engage dans l'action sociale. Bien que protestant, il est conquis par l'encyclique Rerum Novarum. Devenu ami de l'abbé Savoy, il adhère aux thèses corporatives en faveur desquelles il s'engage fortement, entre autres comme conseiller juridique des syndicats chrétiens de Genève. Dès 1940, Lescaze fait partie de la "délégation genevoise" de la Ligue du Gothard et entretient donc beaucoup de liens avec Leyvraz.

Le Maguet Claude , Jean Salives dit (1887-1979). Né en France, élevé dans un orphelinat, il fait un apprentissage de typographe qui l'inscrit dans un courant libertaire. Il s'intègre dans la communauté anarchiste d'Aiglemont, déserte l'armée et est contraint de mener une vie de vagabond sous divers pseudonymes. Vers 1912, il gagne la Suisse et se joint au milieu pacifiste de Genève. Il fonde, en 1916, les Tablettes avec Masereel et Ledrappier. Malgré son côté anarchiste, il est marqué par la non-violence prônée par Tolstoï et refuse d'adhérer aux idées zimmerwaldiennes et au bolchevisme. Outre son activité aux Tablettes dont la parution cesse en 1919, il collabore, entre autres, à la Voix du Peuple. En 1920, il devient correcteur à la SdN, est mis à la retraite en 1939 pour maladie, et gagne la France lors de la déclaration de la 2e guerre mondiale, afin de ne pas passer pour réfractaire dans la lutte contre le fascisme. Après un séjour de prison à Lyon et à Quimper, il regagne Genève où il se voue à la poésie.

Maître Yves (1917-1966). Né dans le Jura, il étudie le droit à l'Université de Berne et s'inscrit en 1944 au Barreau de Genève où il révèle de grandes qualités de juriste. Suppléant à la Cour de Justice, député au Grand Conseil dès 1951, président de cette instance en 1964, il préside le PICS de 1955 à 1958. Dès 1963 et jusqu'à sa mort, il siège comme Conseiller national à Berne.

Maritain Jacques (1882-1973). Petit-fils de Jules Favre (grand avocat et militant républicain), il est élevé dans le protestantisme libéral. Il rencontre sur les bancs de la Sorbonne (sciences naturelles), Raïssa Oumançoff (1883-1960), de famille israélite russe exilée en France, qu'il épouse en 1904. Amenés par Péguy à suivre les cours d'Henri Bergson au Collège de France, le jeune couple, à la recherche de la vérité, entre alors en contact avec Bloy après avoir lu La Femme pauvre. Baptisés en 1906, ils abordent l'étude de Thomas d'Aquin par l'intermédiaire du Père Clérissac, dominicain, grand admirateur de Maurras. Leur maison de Meudon devient un lieu où se nouent d'innombrables contacts et conversions. Devenu philosophe, il enseignera à l'Institut catholique de Paris, à l'Institut pontifical d'études médiévales de Toronto, à l'Université de Princeton. Il est nommé ambassadeur de France auprès du Saint-Siège de 1945 à 1948. Pour permettre une réconciliation entre le monde et la vérité (il s'agit d'ordonner l'intelligence à l'être, de "distinguer pour unir"), Maritain veut redonner au thomisme dans lequel il a trouvé la vérité une forme propre et un développement autonome qui débouchent sur la recherche d'un humanisme intégral. Après la mort de Raïssa, il finit sa vie à Toulouse chez les Petits Frères de Charles de Foucauld.

Martinet Marcel (1887-1944). Adolescent amoureux de la nature, Martinet est reçu, en 1907, au concours de l'Ecole normale supérieure. Fréquentant un cercle de jeunes poètes, il collabore à la création de la revue Les Proses, en 1910. Intéressé tant par l'art que par les problèmes sociaux, il est convaincu que la rénovation des lettres et des arts est liée à celle de la société. Attiré par le syndicalisme, déçu de la politique en place incapable de résoudre les problèmes sociaux, dégoûté des scandales financiers, Martinet se tourne vers les intellectuels révolutionnaires. Renonçant à passer l'agrégation, il devient journaliste et collabore à l'Effort libre de Bloch, grâce auquel il rencontre Vildrac et Jouve. Il s'intègre à l'équipe de la Vie ouvrière en 1913 et est atterré par l'assassinat de Jaurès en 1914. Devenu le poète de ces Temps maudits traversés par la guerre, il entre en contact avec Romain Rolland. Accusé de pacifisme, bien décidé à ne pas se laisser mobiliser par l'armée, il collabore aux activités du Comité pour l'adhésion à la IIIe Internationale et dirige l'Humanité entre 1921 et 1923. Outre la France qu'il sillonne, il gagne parfois la Suisse pour se rendre chez Romain Rolland. A Paris, il poursuit son activité de poète et reçoit de nombreux écrivains et artistes. Fréquemment obligé de se soigner pour cause de tuberculose, il doit restreindre ses activités militantes. Luttant contre le fascisme et le colonialisme, il refuse aussi de se taire devant les menées de Staline. La guerre qui éclate en 1939 le touche profondément; il meurt d'une congestion pulmonaire en 1944.

Masereel Frans (1889-1972). Artiste-peintre et graveur belge, il se lie d'amitié avec Guilbeaux qu'il rejoint à Genève en 1915. Dès octobre 1916 et jusqu'à la mort de la revue, il collabore aux Tablettes (48 superbes bois gravés qui dénoncent les horreurs de la guerre). Présenté à Rolland par Jouve en octobre 1917, il illustre l'appel Aux peuples assassinés de même que le Salut à la Révolution russe édité par Guilbeaux en mai 1917. En 1918, il fonde avec Arcos les Editions du Sablier. Compagnon de route du PC dans les années 30, il admire l'URSS, pays dans lequel il se rend à plusieurs reprises. Toutefois la répression régnante puis la signature du Pacte germano-soviétique en 1939 ébranlent sa confiance. S'il se déclare pacifiste entre 1914-1918, il se prononce en revanche pour une défense antifasciste dès 1939. Surnommé par Jouve "le Van Gogh du blanc et du noir" (L'Aube, 1er octobre 1918, p. 439), Masereel, grand graveur sur bois de l'époque, est apprécié par ses camarades pour son grand coeur, son caractère agréable, son ardeur au travail, son esprit libre et ouvert.

Mermillod Gaspard (1824-1892). Aîné de 6 enfants, né à Carouge, ancien chef-lieu d'une province sarde rattachée à Genève en 1815, dans une famille de commerçants savoyards, il est ordonné prêtre en 1847 et nommé vicaire à St-Germain. A l'église Ste-Clotilde à Paris, ses sermons le font fait taxer de "socialiste" par les bourgeois conservateurs. Cochin, le comte de Mun, Louis Veuillot et Guillaume Verspeyen soutiennent toutefois celui qui a osé s'écrier : "Vous, privilégiés de la fortune, vous n'êtes pas dispensés de la loi du travail; si vous ne vous livrez pas au travail des mains, vous devez à vos frères le travail de votre intelligence. Il n'y a pas deux Evangiles, l'un pour bénir votre oisiveté, l'autre pour bénir la chaîne du pauvre." (Cité dans Le Cardinal Mermillod, 1824-1892, Vie publiée par Mgr JEANTET, prélat de la Maison de Sa Sainteté, p. 296). Son rêve d'ériger Genève en évêché séparé, et sa nomination de vicaire apostolique de Genève par Pie IX lui valent d'être banni du canton en 1873. Orateur remarqué, il exprime à plusieurs reprises ses idées sur la question sociale, durant son exil en France. Comme Père du Concile Vatican I, il collabore, en 1869, à l'élaboration du schéma préparatoire Postulatum de socialismo qui souligne combien la question du capital et du travail est un problème grave qui mérite attention. Dès la fin de son exil en 1883 et son retour en Suisse comme évêque de Lausanne et Genève résidant à Fribourg, il y fonde le Centre international catholique d'études sociales (appelé ensuite l'Union de Fribourg) réunissant des chrétiens sociaux de différents pays (La Tour du Pin, L. Milcent, le prince de Loewenstein, le comte Kuefstein) afin de coordonner leurs réflexions. Puis le groupe s'étoffe avec le comte de Blome, le P. Lehmkuhl, A. de Mun, le P. Pascal, H. Lorin, le comte Medolago, le prof. Toniolo, le duc d'Ursel, M. Helleputte et, pour la Suisse, G. Python, G. Decurtins, le P. Jacquet, Th. de la Rive, G. de Montenach. Rerum novarum, promulguée en mai 1891, s'inspire largement du rapport final de ce groupe. Mermillod est nommé cardinal en 1890.

Miazza Joseph (1903-1982). D'origine piémontaise, né à Genève, il suit l'école des arts et métiers et obtient le diplôme fédéral d'ébéniste. En 1925, il est membre fondateur du syndicat du bois et travaille de 1929 à 1963 comme secrétaire syndical de la Fédération chrétienne du bois et du bâtiment; il siège comme député au Grand Conseil de 1939 à 1945, date à laquelle il est contraint de démissionner, le syndicat refusant que les engagements syndicaux et politiques soient amalgamés. Très engagé en faveur des contrats collectifs, des institutions de sécurité sociale et de l'assurance-maladie, il est co-auteur de la loi sur la fermeture des magasins le samedi après-midi à 17h., ainsi que sur la loi impliquant une gestion paritaire des caisses d'allocations familiales. Dès 1963, il est juge assesseur au Tribunal de police.

Millioud Alfred (1864-1929). Fils de pasteur, de souche vaudoise, ses rares écrits (sorte de fiction poétique assez étrange) plongent les lecteurs dans une nature dont il faut déchiffrer le langage pour lui redonner sa vraie valeur; la création tout entière renvoie l'homme à l'origine, à l'éternité et à Dieu; elle appelle la contemplation, l'émerveillement. Ses récits s'inscrivent dans une ligne théosophiste et sont commentés diversement par la critique romande. Gaspard Vallette le compare à Toepffer et le considère comme le produit poétique le plus exquis, le plus authentique de l'âme vaudoise. Edmond Gilliard salue Le Meige d'Anzeindaz comme un nouvel art poétique.

Mounier Emmanuel (1905-1950). Grenoblois, né dans une famille très chrétienne, Mounier entreprend une formation de philosophie à l'école de Jacques Chevalier qui exerce une profonde influence sur les jeunes. Agrégé en 1928, il se lance dans l'enseignement avant de fonder, en 1932, la revue Esprit, publiée au Seuil, et qui regroupe des intellectuels fort connus (Rougemont, Marrou, Domenach). Le siège de la rue Jacob devient bien vite un lieu de rassemblement où s'échangent les idées. Mounier estime qu'on ne peut être chrétien sans s'engager dans les combats d'idées. Proche de Gabriel Marcel, il ébauche toute une philosophe basée sur le respect et l'importance de la personne humaine. Luttant contre le désordre social, économique et politique qu'engendre le capitalisme, il prône un personnalisme ancré dans les valeurs chrétiennes et ouvert aux perspectives socialistes. En 1941, le gouvernement de Vichy interdit la parution d'Esprit et Mounier est mis en prison. Après la guerre, il relance sa revue qui remporte un vif succès et alimente une large réflexion intellectuelle.

Naine Charles (1874-1926). Neuchâtelois, Naine fréquente durant ses études à La Chaux-de-Fonds, le groupe pacifiste des Unions chrétiennes de jeunes gens, animé par le pasteur Pettavel, et qui a pour base un christianisme social. Incroyant, il reste pourtant attaché à l'éthique chrétienne dont il tente de faire une synthèse avec le marxisme, comme le démontre sa phrase dans Surproduction et chômage (La Chaux-de-Fonds, 1930, p. 30) : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous et aimez-vous !" Il part pour Paris où il suit les cours de l'économiste Charles Gide prônant la disparition de la lutte des classes par l'établissement de coopératives, idée adoptée par Naine. En 1903, il est condamné pour refus de servir et devient dès lors antimilitariste, même si sa ligne politique penche pour un socialisme modéré. Dès 1905, il écrit dans La Sentinelle. En 1911, il devient le premier Conseiller national socialiste et jouit d'un très grand prestige. En 1907, suite à des conflits autour du problème de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il est contraint de quitter La Chaux-de-Fonds. A Lausanne, il veut réorganiser le socialisme vaudois alors en pleine crise, au travers du Droit du Peuple. D'abord enthousiasmé par la révolution russe de Février, il prend rapidement distance d'avec le bolchevisme auquel il reproche son autoritarisme et son jacobinisme sanglant. Nettement opposé à l'entrée du PS suisse dans la IIIe Internationale, il se met à dos une partie de ses camarades, en plaidant pour une éthique socialiste et un enseignement dispensé non par la contrainte ou les armes, mais par la persuasion. Contre la dictature du prolétariat, cet homme non violent oppose aussi la solidarité du peuple à celle de la classe. Ses prises de position écartent de lui la nouvelle génération des socialistes qui se regroupent à Lausanne dans les années 20. Son refus d'accepter certains articles de Paul Golay et son opposition à Jeanneret-Minkine, nouveau leader du parti, provoquent une grave cassure et le font qualifier d'autocrate et de dictateur. Il restera toujours dans le souvenir et le coeur de Leyvraz qui dédie, à sa mémoire, Les Chemins de la Montagne (p. 218).

Naville Ernest (1816-1909). D'une famille bourgeoise protestante de Genève, il enseigne l'histoire de la philosophie puis la théologie. Ernest Naville est aussi un apologiste du christianisme et un ardent défenseur du principe de la représentation proportionnelle.

Nicole Léon (1887-1965). Vaudois né à Montcherand dans une modeste famille d'agriculteurs, il entre en 1905, après des études à St-Gall, à l'administration des Postes. Membre passif du PS dès 1909, il est nommé en 1911 postier à Genève, où il vivra toute sa carrière politique. La grève générale de 1918 le conduit à une active militance qui le fait connaître et à cause de laquelle il est incarcéré. Elu au Conseil national en 1919, il y restera jusqu'en 1940; il quitte son emploi de postier et dirige dès 1921 le PS genevois. Pour empêcher une scission au sein du mouvement syndical et permettre le maintien de la gauche dans le PS genevois, il se prononce contre l'adhésion du Parti à la IIIe Internationale. Fondateur en 1919 de l'hebdomadaire La Voix du Travail, il dirige dès 1922 cet organe qui devient alors quotidien sous le titre Le Travail. Mais ses violents discours révolutionnaires le coupent de l'aile réformiste du PS. Atteint par une tuberculose osseuse, il passe 15 mois en clinique à Leysin d'où il écrit ses articles, couché sur le dos, et où il approfondit son rapprochement avec la gauche du PS suisse. Autocrate, dictateur de tempérament, tribun qui soulève l'enthousiasme des foules, il réussit à faire du fiasco de la Banque de Genève, en 1931, un scandale politique. Impliqué dans les événements du 9 novembre 1932 qui causeront la mort de 13 personnes à Genève, il est emprisonné puis est élu Conseiller d'Etat de 1933 à 1936. Son approbation du pacte Ribbentrop-Molotov en 1939 lui vaut d'être exclu du PS, car il refuse d'admettre que l'Union soviétique - en laquelle il met toute sa foi et qu'il considère comme le camp de la paix - puisse se tromper. Exclu du Conseil national en 1941, il est parmi les fondateurs, en 1944, du parti du travail. En 1952, refusant de se plier aux mots d'ordre du parti relatifs à la neutralité helvétique, il rompt avec celui-ci. Une très modeste pension versée par l'Etat de Genève lui évite toute juste de mourir dans une totale indigence.

Nicole Pierre (1909-1987). Fils de Léon, ayant fait des études de droit, il suit la ligne de son père en écrivant dans le Droit du Peuple, le Travail et la Voix Ouvrière. En 1951, il doit comparaître devant les Assises fédérales. Il quitte le parti du travail en 1952, lorsque son père en est exclu.

Oltramare Georges (1896-1960). Petit-fils d'Antoine Carteret, il abandonne ses études de droit pour se lancer dans le théâtre et le journalisme, après avoir travaillé comme précepteur en Roumanie. Revenu à Genève, il écrit dans La Suisse un billet quotidien qu'il signe G.O, d'où son surnom de "Géo". Ses attaques contre les Juifs provoquent son renvoi de La Suisse. En 1923, il fonde Le Pilori, feuille qui veut lutter contre les Juifs, les francs-maçons, le marxisme et le capitalisme, et qui remporte un énorme succès. En 1927-1928, sous le nom d'André Soral, il tourne dans 2 films ("Le baiser qui tue" et "Chacun porte sa croix") de Jean Choux. Après avoir tenté sa chance en se présentant aux élections de 1930, il crée l'Ordre politique national qui, en 1932, fusionne avec l'Union de défense économique et donne naissance à l'Union nationale qu'Oltramare dirige avec autorité. En 1937, il noue à Rome des liens avec Mussolini. Au début de la guerre, il quitte l'Union nationale, part pour Paris, devient collaborationniste durant l'Occupation et fait des émissions à Radio-Paris. Il écrit dans le journal La France au travail. Revenu en Suisse après la guerre, il est mis en prison, jugé et condamné à 3 ans de réclusion en 1947, et à la mort en 1950 par la Cour de Justice de la Seine. En 1952, il s'établit en Espagne puis au Caire, en 1957.

Petit Henri (1888-1962). Né aux Eaux-Vives (Ville de Genève) où il fait ses études, il poursuit sa formation au Collège d'Evian puis au Gd Séminaire de Fribourg. Ordonné en 1911, vicaire au Sacré-Coeur (1911-1922), curé de Veyrier (1922-1932), il est nommé vicaire général (1932-1952) puis vicaire général honoraire. Durant plusieurs années, il assure la prédication de la messe radiodiffusée jusqu'à sa démission, provoquée par un accident de santé.

Petite Eugène (1866-1944). Né à Lancy (Genève), il est ordonné en 1900, est nommé curé d'un village fribourgeois, puis revient en 1906 pour diriger la paroisse de Collonge-Bellerive. Il assume la tâche de vicaire général de 1918 à 1928, année de sa démission due au problème politique de la restitution des biens incamérés. Il se retire à Versoix et meurt le 9 novembre 1944.

Piachaud René-Louis (1896-1941). Citoyen de Genève, originaire de Vaud, écrivain qui fréquente les cercles de poètes et d'artistes, Piachaud est également critique dramatique au Journal de Genève. D'une certaine nonchalance, admirateur de Shakespeare, il entend d'abord traverser la vie sous le thème du plaisir. Puis il découvre l'engagement politique qu'il inscrit dans la mouvance de Maurras et de l'Union nationale. En 1934, son adaptation de Coriolan donnée à la Comédie française provoque un affrontement entre la droite et la gauche. Il aime décrire la Provence antique et classique que traverse le Rhône. Il considère que la mort est un accouchement à l'immortalité. Lui-même mourra de manière violente, à 45 ans, d'un coup de feu, paraît-il accidentel. Pour respecter son désir, ses cendres sont jetées dans l'Arve.

Pilloud Auguste 1883-1956). Fribourgeois, ordonné prêtre en 1910, vicaire à La Chaux-de-Fonds (1910-1912), il fait des études de sociologie à l'Université de Fribourg (1912-1913); il est nommé secrétaire romand de l'Union romande des travailleurs catholiques et rédacteur de L'Action sociale (1913-1922). En compagnie d'André Savoy, il fonde plusieurs Unions de travailleurs et syndicats chrétiens-sociaux en Romandie; en 1929, il entre dans l'Ordre des dominicains; dès 1932, il est aumônier des étudiants de l'Université de Fribourg.

Péguy Charles (1873-1914). Né à Orléans, élevé par sa mère, il est admis en hypokhâgne au lycée Louis le Grand où il noue des amitiés avec Joseph Lotte, les frères Tharaud et Marcel Baudouin. Attiré par Proudhon, il entre à l'Ecole normale supérieure et se déclare socialiste. Il prend avec fougue la défense de Dreyfus. Après avoir écrit sa 1ère pièce Jeanne d'Arc, il ouvre une librairie socialiste, grâce à une collecte de fonds, qui sera gérée avec Jaurès, Lucien Herr et Blum. Irrité toutefois par leur dogmatisme marxiste et leur intolérance face à l'Eglise, il est écarté. En 1900, il fonde les Cahiers de la Quinzaine qui publient des oeuvres importantes (Péguy, Romain Rolland, Bergson, etc.) et traitent des problèmes sociaux et politiques avec une teinte de spiritualité. Outre un amour toujours plus grand pour sa patrie, Péguy se sent attiré par Dieu, la prière, l'instauration du Royaume de Dieu, tout en refusant de se convertir, malgré les manigances de Maritain. Ses écrits - dont les mots se répètent et reviennent comme des vagues - s'en ressentent et sont empreints d'une forte mystique. Le lieutenant Péguy meurt pour sa patrie sur le champ de bataille, au lendemain la mobilisation.

Primborgne Charles. (1913-). De l'école de l'abbé Savoy, Primborgne est nommé par Berra ad-ministrateur de la Caisse-maladie chrétienne-sociale en 1932 et donne beaucoup de son temps pour les syndicats chrétiens féminins. Homme plein de gentillesse et de simplicité, proche ami de Leyvraz, il succède à Gottret pour tenir la rubrique de politique fédérale dans Le Courrier. Membre du PICS, très attaché à la doctrine sociale de l'Eglise et aux thèses défendues par l'abbé Savoy, il assure la fonction de Conseiller national de 1955 à 1975.

Pugin Antoine (1898-1978), né à Genève, Pugin travaille d'abord dans l'administration cantonale; membre fondateur des syndicats chrétiens de Genève, il préside la Fédération genevoise de 1923 à 1936, est nommé directeur du Service des apprentissages (1933-1936) et président du Cartel genevois en 1940. Il est élu Conseiller d'Etat (département du Travail, de l'Hygiène et de l'Assistance publique) de 1936 à 1954 et Conseiller national de 1943 à 1947.

Ramuz Charles Ferdinand (1878-1947). Né à Lausanne, ce citadin apprend à connaître et à aimer la vie paysanne à 15 ans, lorsque son père décide de s'installer dans une ferme; ce déménagement a une influence décisive sur l'adolescent : sa participation aux travaux des champs concilie intérieurement l'écolier et le rêveur; il s'enracine dans ce microcosme qu'est la topographie de son pays; la géographie le réconcilie avec l'histoire : se sentant relié à tous ceux qui, depuis des siècles, ont effectué les mêmes gestes que lui et les ont décrits, il découvre alors la permanence des choses et, par conséquent, le lien au passé. Apaisé, il décide de devenir écrivain; la majorité de ses romans sont bâtis sur l'observation des paysans qui l'entourent et qui, soumis aux grandes forces naturelles, en tirent leurs moyens d'existence.

Reynold Gonzague de (1880-1970). Aristocrate fribourgeois, ami d'Henri Massis, écrivain, historien et professeur, il collabore, en 1904, à la création de la revue La Voile latine (avec Ramuz, les frères Cingria, Bovy, Spiess) qui veut renouveler la littérature suisse tout en revenant aux traditions. En 1910, il fonde avec Robert de Traz une revue à tendance maurrassienne, Les Feuillets. En 1914, il crée la Nouvelle société helvétique. Pendant ce temps, il enseigne à Genève puis, de 1915 à 1931 à Berne, et à Fribourg (1931-1950). Il siège de 1922 à 1945 dans la Commission des questions intellectuelles internationales de la SdN. Auteur de plusieurs ouvrages patriotiques qui exerceront une grande fascination sur Leyvraz, il joue un rôle actif au plan diplomatique, est suivi avec admiration par un nombre important de personnalités pour lesquelles l'Ordre et la tradition sont importantes. A la base de la Ligue du Gothard, il pense pouvoir jouer, durant la 2e guerre mondiale, un rôle important mais il est contraint d'y renoncer avec l'avancée des événements qui ne le placent plus sur le devant de la scène. Sa vie durant, il garde des contacts plus ou moins épisodiques avec Leyvraz qu'il soutient dans plusieurs de ses luttes dans le cadre du Courrier.

Robert René (1885-1955). Né dans le Jura, il est d'abord boulanger avant de se tourner vers l'horlogerie. Secrétaire central de la Fédération des ouvriers de la métallurgie et de l'horlogerie, son socialisme modéré le met souvent en conflit avec les partis socialistes neuchâtelois et suisse. Conseiller national de 1935 à 1951, Robert qui déposera un postulat pour instaurer la Communauté professionnelle sera vivement soutenu par René Leyvraz et la Ligue du Gothard.

Rolland Romain (1866-1944). Romain Rolland choisit, en 1914, de se fixer dans la Suisse qu'il considère comme le seul pays à partir duquel il puisse rester en relations avec des intellectuels de toutes les nations; en outre l'Helvétie, par l'union de ses trois grandes races, constitue pour lui une sorte d'anticipation de l'esprit européen dont il est un ardent défenseur.

Rosselet Charles (1893-1946). Employé de bureau, né dans le canton de Neuchâtel, Rosselet est comptable à Lausanne (1916-1921) où il a l'occasion de rencontrer Leyvraz avec lequel il a déjà collaboré à la Voix des Jeunes. Fondateur des Imprimeries Populaires à Genève, il en devient directeur. Dès 1922, il est Conseiller national. Son rôle de président de l'Union des syndicats du canton de Genève l'amène à contrer Berra. A la pointe de la tendance modérée du socialisme genevois, cet homme très populaire qui s'affronte fréquemment avec Léon Nicole, est très aimé de Leyvraz. En 1945, il est élu Conseiller d'Etat.

Rougemont Denis de (1906-1985). Neuchâtelois, fils de pasteur, il est longtemps vénéré comme le "Grand Européen" qui a séduit beaucoup de monde par son côté provocateur et non conformiste; penseur, philosophe, adversaire du capitalisme et du libéralisme qui dénonce les tares de la société, cet homme public dirige la rubrique économique du Journal de Genève. Auteur d'une vingtaine de livres dont sa célèbre étude L'amour et l'Occident, il est, en Suisse, un des leaders du personnalisme. Obnubilé par le problème de l'Europe, cette grande idée contribue à sa célébrité marquée par un grand nombre de conférences et la création du mouvement européen.

Ruche Etienne (1856-1945). Originaire de Genève, ordonné prêtre en 1879, il est nommé vicaire au Sacré-Coeur, puis curé de Compesières (1889) et de Carouge (1901). Après avoir été Vicaire général de 1912 à 1917, il est nommé chanoine honoraire.

Ruffieux André (1912-). Né en Gruyère, il s'établit à Genève en 1927, d'abord comme employé de commerce (1928-1930), puis aux PTT. Co-fondateur et président des Jeunes Travailleurs en 1932, dirigeant du Syndicat chrétien des PTT de 1931 à 1961, président des Jeunesses indépendantes chrétiennes-sociales, fondateur et président de l'Association chrétienne-sociale St-Jean-Charmilles de 1949 à 1958. Conseiller municipal en Ville de Genève en 1951, puis député (1951-1961) et président du PICS (1958-1961), engagements qui lui donnent maintes occasions de rencontrer et travailler avec Leyvraz. En 1961, il est nommé Conseiller d'Etat (Département du Commerce, de l'Industrie et du Travail), puis en 1965 du Département militaire, jusqu'en 1973.

Savoy André (1885-1940). Né dans la Veveyse fribourgeoise, d'une famille paysanne de 12 enfants. La proximité de son village avec le canton de Vaud protestant lui donne une grande ouverture d'esprit. La lecture de Rerum Novarum durant son séminaire à Fribourg provoque un choc décisif. Ordonné en 1910, il part pour Rome où il obtient un doctorat en théologie à la Grégorienne, ainsi qu'une licence en Ecriture Sainte à l'Institut biblique. De retour en Suisse, il s'engage dans une importante activité sociale en prônant la création de coopératives de consommation. En 1917, il publie une brochure sur les relations du capital et du travail qui soulève l'ire des milieux libéraux. La même année, il inaugure le mouvement corporatif chrétien en Suisse romande. En 1922, il est nommé directeur de l'Union romande des travailleurs catholiques. Il entame alors de multiples déplacements dans les cantons pour soutenir ce principe et animer congrès, cours sociaux, Semaines sociales et journées paysannes. Rédacteur de l'Action sociale, fondée par son condisciple l'abbé Pilloud, il écrit dans plusieurs journaux, fonde des secrétariats sociaux en Romandie, publie de nombreuses brochures (L'avenir social corporatif, La sociologie catholique et le problème des assurances sociales, Les tâches actuelles de la démocratie en Suisse, Retraite sociale, Les assurances sociales). Endetté, ayant rencontré des difficultés dans la gestion financière de ses projets, il est envoyé par l'autorité ecclésiastique en 1937 à l'Hospice du Simplon où il finit misérablement sa vie, laissant orphelins une multitude de militants qui l'avaient suivi avec enthousiasme. En 1954 paraît un ouvrage posthume d'un manuscrit que l'abbé avait titré L'Economie et la Sociologie de l'Ordre terrestre d'après Saint Paul mais qui sera intitulé Le plan de Dieu dans la Création et la Rédemption de l'Humanité.

Scherrer Edouard (1890-1972). Postier à Leysin, camarade de Leyvraz dans la petite section socialiste, Scherrer participe en 1920, comme délégué vaudois, au congrès de la gauche, à Olten. En 1923, il est licencié par les PTT, du fait de son appartenance au Parti communiste. Il se rend alors à Genève pour y trouver un emploi. Après la guerre, il s'inscrit au Parti du travail.

Spiess Henri (1876-1940). Descendant de par son grand-père paternel, d'une famille allemande, et petit-fils (du côté maternel) d'un pasteur de l'Eglise libre, Henri Spiess se voue à la poésie qu'il consacre souvent aux jeux d'eau et qui revêt une forme rythmée et musicale. Puis il évolue vers une certaine mystique se vouant à Jésus-Christ crucifié, thème que l'on retrouve dans le poème qu'il dédie à Leyvraz et qui marque sa marche vers l'Eglise catholique.

Thibon Gustave (1903-). Né en Ardèches, fils de paysan, Thibon est un vigneron philosophe autodidacte. Considéré comme un homme de droite parce qu'il a rencontré Pétain durant la guerre, Thibon est un personnage d'une discrétion et d'une simplicité touchantes; très enraciné dans sa terre, dans les valeurs humaines traditionnelles. Il refuse de solliciter la francisque ainsi que d'accepter les hautes fonctions qui lui sont proposées. Pendant la guerre, il accueille la philosophe juive Simone Weil qui souhaite travailler la terre. Cette rencontre le marque profondément. Venu à plusieurs reprises à Genève pendant et après la guerre pour y donner des conférences sur l'invitation de Ganter et de Leyvraz dont il est un ami fidèle et un des Maîtres à penser, son dernier livre paru (Au soir de ma vie) révèle le visage de ce vieux philosophe qui ne prétend nullement détenir les réponses aux questions existentielles touchant Dieu, la vie, la mort.

Tolstoï Léon (1828-1910). Fils d'une famille russe aisée, qui possède un immense domaine (Iasnaïa Poliana) sur lequel travaillent 800 serfs, Tolstoï devient orphelin à 9 ans et est recueilli par divers membres de sa famille. Après avoir été éduqué par des précepteurs allemands et français, il entre à l'université de Kazan, étudie les langues orientales puis le droit et arrête ses études qui ne le passionnent pas. Il passe alors quelques années à Iasnaïa Poliana avec un grand projet : être un bon fermier et un maître plein de justice pour ses serfs. Pourtant, il peine à appliquer toutes ses idées philanthropiques, se sent à l'étroit et s'engage 5 ans comme volontaire dans l'armée du Caucase où certains moments d'inaction lui offrent la possibilité d'écrire ses souvenirs et son expérience militaire. Ses livres remportent immédiatement un immense succès; l'intelligentsia et certains artistes se plaisent à l'accueillir. Tolstoï tient toutefois à conserver ses distances pour ne pas se laisser détourner d'un nouveau projet, celui de créer une école pour les enfants des moujiks, en leur transmettant ses propres théories pédagogiques. En 1861, le servage est aboli et Tolstoï est nommé juge de paix, poste dans lequel il prend fréquemment la défense de serfs mal affranchis. Marié, père de 13 enfants, l'écrivain traverse une crise spirituelle alors qu'il écrit Anna Karénine. Obsédé par l'idée de Dieu, hanté par le sens de la vie, pris d'une soif mystique et philosophique, il voit sa vie comme inutile et absurde. Quittant l'athéisme pour la foi chrétienne, il ancre ses convictions religieuses sur l'amour, condamne la propriété, l'argent, l'art, la morale bourgeoise, la guerre. La découverte du prolétariat et de sa misère l'amène à condamner tant l'Eglise que l'Etat, le progrès et la science. Fortement opposé à la violence révolutionnaire, il adopte une vie de non-violence, d'ascétisme et de philanthropie. Il est pour beaucoup un véritable Maître spirituel qui touche autant les jeunes intellectuels que les paysans.

Trachsel Albert (1915-1986). Protestant né à Genève, il travaille d'abord aux PTT. Il se convertit au catholicisme après avoir milité dans les rangs des Jeunes Travailleurs puis avoir été secrétaire fédératif à Genève de 1935 à 1939, avant d'être renvoyé par Berra. Il devient alors secrétaire vaudois de la Fédération des corporations, jusqu'en 1945, date à laquelle il arrive au Courrier en compagnie de Leyvraz et de Ganter, pour tenir le rôle d'administrateur du journal jusqu'en 1965.

Tronchet Lucien (1902-1982). Né à Genève dans une famille d'ouvriers, Tronchet, influencé par l'anarcho-syndicaliste Bertoni, se fait remarquer par sa tendance anarchiste qu'il déploie dans son activité de leader syndicaliste de la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment. Homme violent ne craignant pas l'illégalité, toujours sur le devant de la scène lors de manifestations, de grèves et autres luttes syndicales et ouvrières, favorable à l'action directe, Tronchet s'affronte aux chrétiens-sociaux et critique vertement les tendances fascistes genevoises. Après la guerre, il s'inscrit au PS du canton, mais se désolidarise de la Russie durant la Guerre froide.

Valois Georges (1878-1945), de son vrai nom Alfred Georges Gressent. Enfant sans ressources, il est recueilli par son aïeul à la mort de son père. Après avoir fréquenté l'école Boulle, exercé plusieurs professions, voyagé à Singapour, il fait du secrétariat pour l'économiste Georges Blondel, fréquente des cercles anarchistes, travaille à L'Humanité nouvelle. Autodidacte qui se forme à l'école de Proudhon, Nietzsche et Sorel (avec lequel il se lie d'amitié), il se détourne de la politique, part en Russie comme précepteur et en revient en 1903 après s'y être marié. Lénine voit en lui son plus redoutable adversaire. Entré chez l'éditeur Armand Colin, il adhère à l'Action française. En 1906, il rencontre Maurras qui, appréciant sa philosophie de l'autorité (basée sur une doctrine totalitaire et sur un syndicalisme révolutionnaire) exposée dans son livre L'homme qui vient (1907), le fait engager à la Nouvelle Librairie Nationale. En 1911, Valois fonde avec d'autres le Cercle Proudhon et collabore à la revue éditée par ce groupe. Après sa participation à la guerre de 1914-1918, il se passionne pour les questions économiques et sociales qu'il expose dans l'Action française, avec un sens très développé des réalités ouvrières et professionnelles, et un souci de répondre aux problèmes du temps. Mais sa proposition de créer une "Conférence nationale de la production française" ne rencontre qu'un faible écho, particulièrement de la part de Maurras qui n'est pas intéressé par l'économie politique et qui lance contre Valois une féroce campagne. Valois rompt alors avec l'Action française, crée Le Faisceau, organisation calquée sur le fascisme italien, et le journal Le Nouveau Siècle. Déçu du fascisme dès 1935, il est arrêté comme résistant en 1941 et meurt au camp de Bergen-Belsen en 1945.

Vincent Jean (1906-1989). Originaire des Cévennes, fils de pasteur, il s'affilie aux Jeunesses communistes en 1924 et fait des études de droit. Leader du PC entre 1924 et 1930, il est arrêté en 1927, lors d'une manifestation en faveur de Sacco et Vanzetti. Brillant orateur, il est l'avocat de multiples causes : en 1932, il défend des communistes en Chine où il a été mandaté par le Secours rouge, et plaide ensuite en faveur des socialistes arrêtés à Genève, suite aux événements du 9 novembre 1932; il défend encore les combattants engagés dans la Guerre d'Espagne. Suite à l'interdiction du PC à Genève, il adhère au PS et est élu député au Grand Conseil de 1936 à 1940. En 1944, il participe à la fondation du parti suisse du travail, puis est élu Conseiller national de 1947 à 1980. Sa tâche de rédacteur à la Voix ouvrière l'amène à croiser le fer avec Leyvraz.

Vuarin Jean-François (1769-1843). Fils d'agriculteurs de Collonge-sous-Salève, après avoir reçu le diaconat à Annecy, il accepte, durant la Révolution française, de servir d'agent de liaison entre les vicaires généraux et les prêtres restés ou revenus en Savoie, tâche qu'il accomplit en se déguisant en voyageur, marchand forain ou soldat ! Après son ordination à Fribourg en 1797, il est nommé par Mgr de Mérinville secrétaire de l'évêché de Chambéry et Genève, avant de postuler la charge de curé de St-Germain, en ville de Genève. Pour faire connaissance de ses paroissiens et en évaluer le nombre, il visite chaque maison et établit des registres comportant diverses informations utiles, se désolant par exemple du nombre important (359) de mariages mixtes, et de leurs conséquences sur l'éducation catholique des enfants.