L’inscription massive sur support multimédia, des publications précisément consacrées au thème du multimédia, est due à la familiarité de leurs organes de presse et surtout de leurs rédacteurs avec la technologie dont ils sont les spécialistes, et au grand taux d’équipement en matériel de leurs lecteurs. Elle risque de resserrer davantage les liens unissant déjà fortement la presse multimédia et le domaine auquel elle est consacrée. Ceci même si le support imprimé est susceptible de compenser cette évolution en s’orientant au contraire vers une plus grande largeur de vue. Rappelons que de telles caractéristiques placent la presse multimédia aux avant-postes de la diversification électronique de la presse spécialisée 123 .
La presse spécialisée dans le multimédia a ceci de spécifique qu’elle existe de manière significative sous une forme multimédia, alors que les autres types de presse connaissent un développement beaucoup moins répandu sur le support CD-Rom ou Internet 124 .
Une revue de détail de la presse sur support multimédia montre la forte présence de l’information dédiée au multimédia en son sein, témoignant ainsi de son rapport intime voire de sa confusion avec le domaine 125 . Ce panorama de la “ cyberpresse ” montre à quel point les producteurs d’information spécialisée sur le multimédia participent très concrètement à la constitution du domaine puisqu’ils sont parmi les principaux éditeurs de presse sur support multimédia.
En ce qui concerne le “ off-line ”, les magazines consacrés au multimédia sont souvent vendus avec une édition sur disquette ou CD-Rom. Cette pratique du “ bundle ”, très répandue - l’existence d’une publication uniquement sur support électronique comme La Vague Interactive reste une exception -, représente 30% des ventes mondiales de CD-Roms et constitue véritablement ‘“ une forme de dumping sur les prix, une politique de l’offre pour développer le marché par un enrichissement et un accroissement du nombre de titres disponibles. ”’ 126
Le même phénomène se répète pour le “ on-line ” où une grande partie de l’information disponible sur les réseaux informatiques est constituée par les magazines traitant du multimédia ou les rubriques qui lui sont consacrées dans les publications généralistes.
Cette surreprésentation dans le domaine même du multimédia de l’information qui lui est consacrée s’explique par un facteur qui révèle combien les deux faces de la médiation sont entremêlées. Elle est en effet due à la présence d’acteurs à la fois dans le domaine du multimédia et dans celui de l’information spécialisée : les journalistes responsables des contenus éditoriaux sur les nouvelles technologies disposent également la plupart du temps de compétences dans le domaine facilitant leur présentation sur support multimédia; les lecteurs de ces informations spécialisées se caractérisent le plus souvent par un équipement multimédia leur permettant de les consulter sous cette forme 127 .
Cette situation peut avoir plusieurs conséquences au niveau de la presse spécialisée dans le multimédia sur le support Internet. Tout d’abord, les firmes de ce domaine disposant des compétences techniques et humaines leur permettant de présenter leurs activités sur le Web, ces activités de relations publiques prennent parfois la forme non seulement de sites vitrines mais également de véritables publication. Cette nouvelle configuration ajoute à la confusion déjà très présente sur le support imprimé avec les acteurs médiatiques. Sans aller jusqu’à ce stade, l’interrelation entre la presse consacrée au multimédia et les acteurs du domaine est amplifiée par le simple fait de pouvoir établir des liens hypertextes directs entre les éditions électroniques des magazines et les adresses Internet du domaine qui sont référencées dans ces mêmes pages. Le suréquipement des producteurs comme des récepteurs d’information peut en outre faciliter la généralisation de dispositifs de personnalisation de l’information.
Cette forte présence de la presse multimédia sur le support Internet, si elle laisse entrevoir un rapprochement accru avec les acteurs du domaine et en conséquence une hausse du niveau de spécialisation voire une personnalisation de l’information, ne doit pas être évaluée seule. De la même manière que l’étude des changements techniques dans la presse spécialisée nous a appris à garder à l’esprit que la migration vers un nouveau support n’était souvent que partielle et ne pouvait se concevoir indépendamment de l’ancienne configuration, l’extension Internet de la presse multimédia aussi potentiellement massive soit elle doit être envisagée en termes de complémentarité avec l’édition imprimée. Si ainsi l’édition multimédia semble se diriger vers une surspécialisation, il faut peut-être s’attendre à ce que le support papier soit davantage consacré sur sa dimension de référent commun avec une visée généraliste.
surtout que ce type d’information est appelé à se développer massivement sur l’Internet car ce réseau “ réduit de manière sensible les coûts d’impression et de distribution tout en multipliant le nombre de lecteurs ”, AGOSTINI Angelo, 1997, Le journalisme au défi d’Internet, in Le Monde Diplomatique, numéro d’octobre, pp. 26-27.
MARINO Cristina, 1996, De la presse écrite à la presse électronique - Vers un nouveau média ?, Paris : A.D.B.S. Editions.
GUERIN Serge, 1996b, op. cit.
Ibid., p.72.
Ibid., p.79.