2.1.2. Des contenants traduisant au maximum de leur possibilité cette idéologie d’inspiration cybernètique.

L’idéologie de la communication particulièrement appuyée qui caractérise ce courant avant-gardiste de la représentation du multimédia, se matérialise également pleinement dans les différents supports techniques de ces publications. Ceci tant sur l’imprimé que sur l’Internet ou le CD-Rom, et à la fois pour la tendance underground et pour la tendance branchée.

Le magazine Clone se caractérise par une illustration abondante et en particulier une large utilisation des images de synthèse. Ceci était nettement prévisible, vue la description qui a été faite auparavant, mais ce magazine présente également une spécificité assez rare et qui traduit très concrètement le caractère “ underground ” de cette revue : son édition papier peut en effet être lue à l’endroit comme à l’envers. En retournant le magazine, une deuxième couverture apparaît où l’image est en négatif et correspond aux aspects les plus tendancieux de la revue, c’est à dire ceux qui concernent la liberté sexuelle ou encore les scénarios du chaos qui menace l’humanité. Pour renforcer cette impression de dissimulation dans les souterrains du document, la couleur est modifiée : c’est uniquement en noir et blanc que l’envers du magazine est présenté.

Les supports imprimés des revues de la tendance branchée, comme Univers Interactif ou l’oeil.du.web, se caractérisent par une forte utilisation des graphismes et par une structuration très originale pour un magazine papier. Nous noterons à cet égard que l’appel à des infographistes a sans doute joué le rôle de relais entre ces journalistes rédacteurs, plutôt issus du monde littéraire, et le domaine technique de l’informatique qu’ils devaient décrire. C’est en tout cas ce que semblent indiquer les précisions de Stéphane Viossat, rédacteur en chef adjoint de Univers Interactif : ‘“ on parlait du cyber, on parlait de l’informatique de façon culturelle et mode parce que le public était vachement jeune, assez poussé vers les cultures. On n’était pas du tout technicien, les gens qui ont écrit dans Interactif étaient plus des gens qui venaient de Nova, d’Actuel, c’était lié aussi à la personnalité du rédacteur en chef, Ariel Wizman, qui lui venait de Nova et d’Actuel, forcément la mouvance, la mouvance graphique était celle du moment, on était aussi intéressés par ce genre. (...) [ à propos de l’équipe rédactionnelle : ] Ce sont des gens qui ont une histoire personnelle avec l’informatique et touchés plus ou moins par le sujet. Encore que nous avons eu aussi des candides absolus ce qui est assez amusant, des gens qui n’étaient absolument pas techniciens donc le regard était complètement ... le regard était juste un regard de société, un regard critique sans avoir aucune notion technique. ”’

Les différents supports électroniques de ces magazines du courant avant-gardiste montrent eux aussi cette idéologie “ cyber ” à travers la multitude des expérimentations technologiques qu’ils ont menées.

Ainsi le site Web de Clone se veut une expérience de monde virtuel. La revue ne se contente plus, sur son extension Internet, de délivrer des informations traditionnelles mais se transforme en un espace imaginaire , en l’occurrence une “ république bananière virtuelle ” nommée Bananet, dans laquelle il est proposé aux lecteurs-Internautes de venir déambuler. De manière similaire, les CD-Rom des revues La Vague Interactive et Univers Interactif serviront de supports culturels pour des expériences d’art techno ou interactif. Les interfaces de ces supports électroniques sont en effet particulièrement soignées. Elles emploient non seulement les techniques multimodales les plus diverses, telles le son ou la vidéo en plus de l’image et du texte, mais surtout s’attachent à exprimer de manière concrète ce qu’est la cyberculture.

Sa médiatisation est donc assurée par ces magazines. D’une manière plus générale, l’utopie-idéologie de la communication a été propagée par les revues du courant avant-gardiste de la presse, alors qu’elle s’essouffle quelque peu ou plutôt tend à être reformulée dans l’approche “ multimédia et société ” suivante, plus resserrée autour du thème de l’Internet et du multimédia.