1.1.1. Les revues du courant “ multimédia et société ” marquées par des transformations déjà entrevues lors de la diversification télématique.

Les dimensions de l’activité médiatique sur support papier qui avaient déjà connu une forte extension sur le support télématique sont à nouveau privilégiées lors de la diversification sur CD-Rom et Internet. Des différences dues aux spécificités de ces nouveaux supports sont toutefois notables.

Ainsi la dimension de documentation déjà fortement présente sur Minitel est elle aussi très répandue dans les versions électroniques de ces magazines. Deux raisons principales expliquent cette exploitation maximale de la masse documentaire constituée par l’ensemble des numéros des magazines : les capacités de stockage de la technologie numérique et les nouveaux procédés informatiques d’indexation et de recherche.

Le magazine Planète Internet met ainsi à disposition sur son site Web l’ensemble des anciens exemplaires de sa collection. Ils peuvent être consultés en intégralité et cela numéro par numéro, dossier par dossier, article par article. Leur sédimentation sur ce support numérique, constitue progressivement une véritable mémoire du magazine.

Cette logique relevant de la base de données est poussée à son terme par la mise en place d’une fonction de recherche. Elle est matérialisée sur le site Web de Planète Internet sous la forme d’une fenêtre informatique, un cadre dans lequel on peut taper le sujet de la requête et ainsi être mis en relation avec l’ensemble des parties de ce même magazine traitant de cette question. De manière plus formelle, un dispositif de recherche existe également sur le site Web d’Internet Reporter : les différents sujets abordés dans la revue sont classés selon une procédure thématique, par rubriques, ou selon l’ordre chronologique de leur parution. Ainsi, mois par mois, et sujet par sujet, une recherche peut être faite dans le fonds archivé d’Internet Reporter.

Cette activité est également liée à la dimension de transaction, apparue dès les premiers temps de la télématique, par le biais de procédures électroniques d’abonnement ou de paiement d’un article.

Sur le site Web de Planète Internet par exemple, l’accès à un ancien numéro, apparaissant sous la forme de sa couverture papier, offre la possibilité de choisir un article parmi ceux traités à l’intérieur du magazine et de le recevoir. Un bandeau hypertextuel indique en effet très clairement “ Commandez cet article ” : il mène vers la page Web consacrée aux formules d’abonnements pouvant être validées, moyennant finances, d’un simple clic.

Le dispositif est quasiment identique dans le site Web d’Internet Reporter : une rubrique à part entière, Abonnements, décline les différentes tarifications ainsi que les offres promotionnelles les accompagnant. Il suffit ensuite de remplir un formulaire où sont demandés nom, prénom, adresse, profession et âge, afin de réaliser la transaction visée.

De ce point de vue, le site Web de Planète Internet se distingue cependant puisque peuvent être achetés non seulement des magazines, c’est à dire le produit même de l’activité médiatique, mais également d’autres objets. Des tee-shirts sont vendus dans la rubrique Boutique, ce qui correspond à une diversification de ces fonctions vers le merchandising, c’est à dire la vente de produits dérivés.

Troisième dimension, qui avait vu son importance accrue avec les extensions sur supports télématiques et qui à nouveau avec les sites Web et les éditions CD-Rom devient un élément déterminant : la communication.

Cet aspect est essentiel dans la diversification de la presse sur des supports électroniques. Ainsi dans son ouvrage consacré aux “ communautés virtuelles ”, examinant l’histoire de ces technologies, du Minitel en passant par les B.B.S. et jusqu’à l’Internet, Howard Rheingold souligne ‘“ que le public n’est que modérément intéressé par la mise à disposition d’informations sur un écran, à moins qu’on lui propose également par ce biais un moyen de communication ”’ 163 .

Cette conception a visiblement été adoptée par les magazines du courant “ multimédia et société ”. D’une part, ils encouragent les tentatives de forums, c’est à dire d’échanges entre les lecteurs d’une même publication, formant ainsi une sorte de communauté virtuelle dans le droit fil de ce qui existe sur l’Internet. D’autre part, ils favorisent les échanges entre les lecteurs et les rédacteurs de ces mêmes revues, notamment via le courrier électronique.

C’est ainsi que, dès son ouverture, le site Web d’Internet Reporter a compté une pancarte Forum parmi les multiples entrées de sa ville imaginaire censée représenter le magazine. Notons que ce forum n’a jamais fonctionné sur le site d’Internet Reporter : il en est simplement resté au stade de la volonté puisque lorsque l’on clique sur ce panneau Forum, on atterrit sur une page presque vierge où est simplement indiqué que cette partie du magazine est “ en cours de construction ”. Une situation qui a duré jusqu’à la disparition entière du site, manifestant ainsi l’effacement des dimensions originales de la presse sur support électronique, un phénomène sur lequel nous revenons dans la deuxième partie.

Le forum du site Web de Planète Internet n’en est pas resté au stade des intentions mais a bel et bien existé. Il a connu cependant une évolution qui montre, là encore, les difficultés rencontrées par la dimension de communication dans sa mise en pratique sur les nouveaux supports multimédias.

Dans sa première version, le site Web de Planète Internet a dédié un espace aux messages des différents lecteurs de ce magazine. Une rubrique intitulée justement Le forum était consacrée à des annonces personnelles lancées par des lecteurs qui, via le courrier électronique, pouvaient ainsi faire part de leurs diverses opinions.

Lors de la deuxième version du site Web de Planète Internet, mise en place à partir de l’année 1997, l’échange n’était plus cette fois entre les différents lecteurs via le magazine, mais plutôt entre le lecteur et le rédacteur, sous la forme de ce qui était appelé alors un “ courrier des lecteurs interactif ”. Celui-ci se distingue du modèle du magazine papier par le fait qu’une réelle discussion entre les deux interlocuteurs peut se poursuivre sur le site Web de la publication. Un exemple de ce débat ou de cette conversation par courrier électronique interposé peut être retrouvé dans la lettre envoyée par Pierre Col, responsable de la société Jet Multimédia au magazine Planète Internet et aux interminables suites de questions-réponses qu’elle a engendrées avec Jérôme Thorel et Emmanuel Parody, respectivement le rédacteur en chef et son adjoint.

D’une façon plus générale, le courrier électronique est vu comme un outil facilitant cette relation entre le rédacteur et le lecteur. Mais elle s’effectue cette fois ci sur un mode privé tandis que le précédent courrier des lecteurs impliquait la mise sur la place publique, à la vue de tous les autres lecteurs, des différents échanges épistolaires.

C’est ainsi que sur le site Web de Planète Internet, une rubrique entière, appelée Contact, répertorie les coordonnées des différents membres du magazine et en particulier des rédacteurs : elle permet, par un simple clic sur le nom de ces derniers, de leur adresser un courrier électronique.

L’accélération de cette mise en relation par le courrier est également présente sur le site Web d’Internet Reporter : la rubrique présentant les différents éditoriaux publiés dans le magazine est également accompagnée de la possibilité, en cliquant sur la photo du chroniqueur, d’entrer en contact avec lui.

Retenons enfin, dans ce paragraphe consacré aux dimensions existantes sur le support papier et qui avaient déjà connu une extension sur le support télématique, l’actualisation de l’information. Celle-ci est toutefois assez souvent esquivée dans les différentes diversifications sur les supports multimédias et en particulier l’Internet.

Les intitulés des rubriques consacrées à cette dimension, tels que Dossiers chauds dans le site Web de Planète Internet ou Actualités dans celui d’Internet Reporter, ne sont là, en fait, que pour donner l’impression d’une instantanéité de l’information. Il se révèle à la lecture de ces différentes brèves qu’elles constituent en effet l’exacte reproduction de leurs homologues du magazine papier, et donc, avec un même rythme mensuel de parution.

Les modifications qui viennent d’être évoquées se produisent donc à la marge de dimensions d’ailleurs déjà transformées lors de la diversification sur Minitel. L’activité médiatique franchit en revanche un nouveau palier grâce aux spécificités des nouveaux supports multimédias que sont le CD-Rom et l’Internet, exploitées au maximum de leurs possibilités par les magazines du courant avant-gardiste.

Notes
163.

RHEINGOLD Howard, 1995, Les communautés virtuelles - Autoroutes de l'information : pour le meilleur ou pour le pire ?, Paris : Addison-Wesley, coll. Mutations technologiques, p. 275.