1.1.3. L’utilisation commune de l’hypertextualité comme accélérateur des dimensions déjà existantes sur le support papier.

L’observation de la presse multimédia lors de cette période montre qu’une seule spécificité des nouveaux supports, à savoir l’hypertextualité, se retrouve dans la totalité des extensions des magazines concernés, que ceux-ci appartiennent au courant avant-gardiste ou au courant multimédia et société.

Ces deux courants se distinguent tout de même par le fait de privilégier pour le premier l’extension sur CD-Rom et pour le deuxième la mise en place d’un site Web. A chacun de ces deux types de supports multimédias, vont correspondre des utilisations particulières de l’hypertextualité, mais toujours dans le sens d’une accélération des dimensions déjà présentes sur le support papier.

Dans le cas des extensions sur CD-Rom des magazines du courant avant-gardiste, il s’agit d’une facilitation de la navigation, en la rendant plus fluide à l’intérieur de l’ensemble des informations présentées.

Dans le cas des sites Web appartenant aux magazines du courant multimédia et société, il s’agit de donner un nouveau coup d’accélérateur aux dimensions déjà privilégiées sur les nouveaux supports techniques, en leur ajoutant des possibilités d’ouverture directe vers l’extérieur.

En premier lieu, l’hypertextualité permet d’augmenter la vitesse de lecture des magazines du courant avant-gardiste en facilitant la consultation de leurs extensions CD-Rom par une plus grande aisance dans la navigation.

Celle-ci est double sur les nouveaux supports multimédias, comme l’explique Olivier Koechlin, car elle permet non seulement de se diriger et s’orienter entre les différents compartiments du document, mais aussi de relier à un thème donné toutes les informations annexes afférentes 164 . Ces deux faces de la navigation hypertextuelle sont couplées sur les CD-Roms du courant avant-gardiste aux deux autres spécificités très utilisées sur ces nouveaux supports multimédias, à savoir l’interactivité et la multimodalité. Elles renforcent encore un peu plus la différence entre l’édition papier et l’édition électronique.

L’interactivité consiste en une personnalisation du choix entre les différents parcours de lecture du magazine, c’est à dire en un itinéraire individualisé à l’intérieur de la structure du CD-Rom. Celle-ci résulte d’une organisation en liens hypertextuels qui rend plus rapide le passage d’une information à une autre et donc concourt à une accélération de la consultation du magazine sur son extension CD-Rom. Celles de CD Média ou d’Univers Interactif en apportent la preuve puisque c’est par un simple clic de souris que l’on va passer directement d’une information à une autre ou d’un bloc de textes , c’est à dire une rubrique, à un autre. L’orientation à l’intérieur de cette architecture hypertextuelle est, en outre, facilitée par la multimodalité qui, en substituant des images, des sons comme métaphores à la place des textes, permet de “ visualiser ” et d’“ entendre ” plus rapidement la manière dont est conçu le document. Cette sémantisation des icônes constitue d’ailleurs une dimension fortement présente sur les CD-Rom de CD Média et d’Univers Interactif comme nous l’avons vu dans un paragraphe précédent.

Mais surtout, la multimodalité renforce le pouvoir d’accélération de l’hypertexte au sein même d’une information dans le sens où, à la différence du support imprimé sur lequel commentaires textuels et illustrations graphiques sont simplement côte à côte, les différents aspects, sous forme vidéo, texte, son, ou graphique, d’une information peuvent immédiatement être reliés par un simple clic de souris. Ainsi sur le CD-Rom d’Univers Interactif par exemple, à une information sur un sujet donné vont s’adjoindre une vidéo ou un élément sonore qui rajoutent une précision annexe, ou encore un complément infographique.

Les extensions multimédias des magazines du courant “ multimédia et société ” utilisent l’hypertexte pour relier le support électronique de la revue plus directement à des éléments extérieurs, le plus souvent aux acteurs décrits dans les pages de la version papier. Pour effectuer cette transition hypertextuelle, le support Web se révèle particulièrement adapté. Les différentes dimensions présentes sur les supports électroniques des magazines “ multimédia et société ” connaissent ainsi une accélération commune mais que l’on peut regrouper en deux catégories selon le sens de la relation entre le site Web et l’extérieur.

La première regroupe les dimensions centrées autour de l’information et qui vont connaître une accélération grâce à l’hypertexte en tant que passerelle vers d’autres sources ou d’autres acteurs.

Les différents dossiers ou articles du magazine papier vont être reproduits quasiment à l’identique sur le support Web, à la différence près que seront logés sur celui-ci des liens hypertextuels pouvant mener sur le site Web des acteurs concernés par l’article ou le dossier en question. C’est le cas dans l’extension Web de Planète Internet où les différents modules informatifs sont suivis d’un encart récapitulatif dans lequel sont répertoriés les adresses et les sites des différentes sources et acteurs cités dans le sujet qui vient d’être traité.

Plus spécifiquement, c’est l’aspect d’actualité de l’information qui semble trouver un développement privilégié grâce au lien hypertextuel, en déléguant de manière indirecte au site Web référencé la responsabilité de mise à jour de l’information parue dans le magazine papier. Dans ces conditions, le rythme d’entretien de leur site Web par les acteurs du domaine semble constituer un palliatif à la périodicité mensuelle de parution des magazines papier. Les choix des magazines Planète Internet et Internet Reporter sont très révélateurs à cet égard puisque c’est effectivement la rubrique Actualités ou News, regroupant les brèves, qui bénéficie sur le support Web de liens hypertextuels généralisés.

Notons au delà de cette dimension purement informative que les passerelles hypertextuelles vers les acteurs du domaine sont également utilisées sur les extensions Web de ces magazines pour la publicité. Le site de Internet Reporter dispose, dès sa page d’ouverture représentant une ville futuriste, d’une pancarte “ Publicité ” qui constitue, en fait, une réelle rubrique de cette extension Web. Elle regroupe l’ensemble des annonceurs du numéro en cours : leurs logos respectifs constituent en fait de véritables portes d’entrée vers leurs sites Internet qui peuvent ainsi être atteints d’un simple clic.

C’est dans le sens inverse d’un accueil d’autres sources ou d’autres acteurs, que les dimensions de communication constituent la seconde catégorie de celles accélérées par la technologie hypertextuelle.

L’extension électronique de la revue peut ainsi se transformer en réceptacle des opinions des acteurs du domaine et en particulier des lecteurs. C’est le cas sur le site Web de Planète Internet : le “ Forum ”ou le “ courrier des lecteurs interactif ” permet de recueillir les messages envoyés par e-mail en ayant simplement eu à cliquer sur l’adresse électronique du magazine. Le même dispositif hypertextuel permet également de faciliter la réception de commandes, soit d’articles issus du merchandising comme dans la boutique de Planète Internet ou, plus généralement des demandes d’abonnements ou des achats de magazines anciens comme sur le site d’Internet Reporter. Il contribue en ce sens à accélérer la dimension de transaction entre le site médiatique et les acteurs du domaine.

Nous terminerons enfin cette partie sur la technologie hypertextuelle par deux remarques sur les deux autres types principaux de dimensions médiatiques, à savoir l’activité de documentation et celle de représentation.

L’activité de documentation est également facilitée par la nouvelle technologie. Elle permet par exemple de mettre en relation plus directement des numéros anciens, lors de recherches à l’intérieur du fond éditorial existant. Elle constitue donc, là aussi, une accélération des dimensions existantes sur le support électronique par rapport au support papier sauf que, contrairement aux précédentes, elle ne sert pas à relier les acteurs médiatiques et les acteurs du domaine mais reste confinée au site de l’acteur médiatique. Quant à la dimension de représentation, elle est ici remarquable par le simple fait qu’elle n’est en aucun cas affectée par la technologie hypertextuelle puisqu’elle demeure majoritaire sur l’édition imprimée et n’est que peu présente, voire totalement absente, sur le support électronique.

A côté de ces dimensions traditionnelles de l’activité médiatique, d’autres sont apparues lors de cette période. Inconnues jusqu’ici, elles se sont développées essentiellement sur les supports électroniques.

Notes
164.

KOECHLIN Olivier, 1995, op. cit.