2.1.1. Le guide de l’Internet, comme mode d’entrée facilité dans la presse multimédia pour les nouveaux acteurs.

Dans leur grande majorité, les magazines adoptant l’angle des loisirs ressemblent à des guides de l’Internet. Leur but est de faire découvrir le Web, sur un mode rappelant celui de la préparation d’une visite touristique.

Internet-Le Guide du Web a cette vocation, comme l’affirme son rédacteur en chef Gilles Fouchard : ‘“ Donc moi, plutôt que de relancer un magazine d’actualité classique chez SEPCOM, j’ai voulu faire un guide d’Internet, un produit thématique. Donc on a fait six numéros avec mon équipe qui étaient des compilations et des chroniques de sites faites par des journalistes. Donc un premier numéro sur les meilleurs sites francophones avec une compilation assez importante : on avait référencé deux mille sites. On a fait un numéro spécial qu’on avait appelé l’Atlas mondial des sites Internet et où on avait référencé cent cinquante pays avec tous leurs sites etc ... bon des produits très thématiques paraissant tous les deux mois et qui n’étaient pas du tout en concurrence avec les autres titres Internet.”’ Netscope s’applique à répertorier deux cents sites Web dans chacun de ses numéros. Les premières éditions d’Ariane se présentent comme de véritables annuaires.

La fonction essentielle de ces publications est donc de rassembler le maximum d’informations potentiellement utiles aux lecteurs et futurs Internautes. Il s’agit de renseignements pratiques mais surtout d’une sélection des adresses Internet des sites Web, accompagnées ou non de commentaires de rédacteurs, pour la plupart des surfeurs embauchés pour l’occasion.

Ces magazines se caractérisent également par l’absence ou la relative rareté de parties rédactionnelles au sens classique du terme. Ceci peut s’expliquer en partie par le manque de compétences et de connaissances du domaine de ces nouveaux acteurs. Cette carence est comblée par une activité intensive de visite de l’Internet, qui elle ne demande pas de qualification particulière ou de spécialisation journalistique précise.

Répertorier les sites Web intéressants pour les activités de loisirs, les pratiques sociales et professionnelles des lecteurs, constitue une des portes d’entrée les plus commodes dans le secteur de la presse multimédia. C’est par ce biais que des acteurs jusque là étrangers à ce nouveau secteur médiatique s’y sont engouffrés.

Cette voie connaît cependant des limites : on a souvent reproché à ces acteurs médiatiques de justement se limiter à la réalisation de simples guides touristiques, finalement assez éloignés de la presse magazine traditionnelle. Ils ont ainsi rencontré des obstacles réglementaires, internes à la profession journalistique, qui les ont obligés à étoffer leurs contenus pour ne pas se limiter à une liste, certes exhaustive mais plutôt rébarbative, d’adresses Internet.

Ce que Gilles Fouchard regrette : ‘“ Il se trouve que un magazine, un guide n’est pas considéré comme un vrai magazine en ce sens qu’il ne peut pas obtenir la commission paritaire et bénéficier de frais de routage réduit, d’un taux de TVA presse. Donc l’éditeur qui était pourtant d’accord avec le concept de guide a un petit peu fait marche arrière et a demandé à l’équipe d’adapter le produit, pas tellement pour les lecteurs, mais pour des raisons économiques, pour rentrer dans la législation presse et obtenir la commission paritaire. (...) Pour obtenir la Commission Paritaire en magazine, il faut justifier d’un certain nombre de pages rédactionnelles, des pages vraiment rédactionnelles. Il nous est interdit par exemple de mettre une adresse, un numéro de téléphone dans un article. Cet article à ce moment là est considéré comme publicitaire et c’est pour ça que l’on retrouve, dans les magazines, les contacts utiles en fin de magazine regroupés dans une page, ce que fait la presse féminine par exemple. ”’

Cette situation a débouché sur une sorte de camouflage artificiel de la part de chacune de ces publications. Les répertoires-annuaires et autres carnets d’adresses, qui en constituent l’essentiel, ont été dissimulés sous de pseudo articles et dossiers. La proportion de ces derniers à l’intérieur de la revue est inversement proportionnelle à celle annoncée en couverture : le véritable contenu de Ariane et de Netscope n’est ainsi annoncé, souvent sous l’appellation de “ Supplément ”, que dans un encart placé en bas à droite de leur première page. Internet-Le Guide du Web utilise un procédé similaire, cette fois pour vanter les mérites de l’annuaire électronique contenu sur le CD-Rom qui l’accompagne : seule sa reproduction photographique figure en première page.

Hachette.net constitue un cas particulier dans l’ensemble de ces magazines conçus comme de véritables guides de l’Internet.

Comme eux, cette publication propose un tour d’horizon des différents sites présents sur le réseau informatique mondial, mais avec une activité rédactionnelle plus intense : chacune des adresses répertoriées est accompagnée d’une notice très complète.

Les thématiques qu’elle développe dans chacun de ses numéros ont en outre une visée moins utilitariste que dans les autres magazines. Elles font notamment davantage appel à des notions de plaisir et de divertissement : par exemple le n°2 est consacré à la littérature, le n°4 au cinéma, le n°8 aux musées, le n°9 aux jeux, le n°10 au football, ou encore le n°11 à la musique.

Ajoutons que ce magazine appartient au groupe de communication Matra-Hachette, également propriétaire du magazine Planète Internet apparu pendant la période cyber, pour souligner à nouveau que Hachette.net occupe une position intermédiaire par rapport à l’autre voie de la catégorie loisir de la presse multimédia.