1.1. Le développement sur le support électronique d’une information-connaissance à visée pratique, affectant trois dimensions de la presse multimédia.

Les dimensions de l’activité médiatique, privilégiées sur les extensions électroniques de la presse multimédia pendant cette phase de maturation, se présentent dans une configuration assez différente de celle expérimentée lors de la période “ cyber ”.

Tout d’abord, les dimensions les plus originales ont disparu. Les métamorphoses des sites Web et CD-Roms en espaces d’expression artistique ou en univers virtuels, aperçues avec les publications des courants “ underground ” et “ branché ”, ne se rencontrent par exemple plus du tout.

Surtout, les nombreuses dimensions accélérées sur les supports électroniques lors de la phase précédente, ont été l’objet d’une recomposition qui leur a fait connaître des sorts fort inégaux. Certaines subsistent de manière éparse - la communication plus directe, et dans une moindre mesure, la transaction plus rapide -, tandis que les autres - l’information élargie hypertextuellement, la sophistication documentaire, l’actualisation permanente, au service dans ce cas précis de la dimension de délimitation du secteur - sont regroupées dans un vaste ensemble touchant l’information-connaissance à visée pratique.

Celui-ci constituant la véritable fondation du mode de diversification de la presse multimédia lors de cette phase, nous lui accorderons évidemment la plus grande part du développement de ce paragraphe. Mais avant cela, il nous paraît légitime d’indiquer le devenir, même s’il est plus anarchique, des dimensions de communication et de transaction dans cette période.

La dimension de transaction est restée cantonnée au rôle, plutôt annexe, qui était déjà le sien dans la phase précédente. Son registre s’est même réduit puisque les ventes sont limitées aux seules éditions médiatiques, et non plus élargies aux produits dérivés : des pages réservées à la prise d’abonnements, pour certaines nécessitant d’ailleurs l’envoi d’un courrier postal papier, figurent dans la grande majorité des sites Web pendant cette phase transitoire.

La dimension de communication, particulièrement recherchée par les magazines du courant “ multimédia et société ” dans leurs extensions Internet, a en revanche connu une évolution plus innovante. Toutefois, son niveau de développement est inégal selon les magazines, et ne constitue pas à ce titre une ligne directrice de la diversification de la presse multimédia lors de cette période.

La composante traditionnelle d’échange entre les rédacteurs et les lecteurs existe toujours dans la plupart des magazines observés dans la période de maturation. Elle est le plus souvent mentionnée de manière discrète, en fin de liste des options proposées sur la page d’accueil des sites Web. C’est-à-dire à la même place, restreinte et isolée, que sur les supports imprimés.

Cependant, on doit noter une évolution : l’intervention du lecteur n’est pas sollicitée uniquement pour réagir aux propos tenus dans la publication, mais également pour l’alimenter au niveau de son contenu. C’est le cas en particulier des publications de loisirs consistant en des répertoires de sites Web. Elles incitent leurs lecteurs à signaler les adresses qu’ils trouvent particulièrement intéressantes. Ainsi de cette interpellation sur la page “ Contact ” de Hachette.net : ‘“ Vous souhaitez proposer un site ? Vous voulez nous signaler une inexactitude, un bug..., écrivez-nous. Si votre site est sélectionné par la rédaction d’Hachette.net comme faisant partie des meilleurs sites de l’Internet, il rejoindra notre guide. Vous en serez averti par e-mail le jour de cette intégration. Merci d’avance ”’. A la fin de la sélection des sites “ les plus sympas et originaux ” de Netscape, figure de façon analogue le message suivant : ‘“ Vous connaissez des sites insolites, déroutants, ou tout simplement amusants ? Prévenez-nous.”’.

La contribution des lecteurs au contenu des magazines est même facilitée par les dispositifs électroniques : ils permettent de remplir, directement au clavier, des formulaires qui sont autant de courriers électroniques en instance d’envoi. Il en va ainsi de la rubrique “ Annonces ” de Netscope où, sous le titre “ Annoncez votre site à nos lecteurs ”, figure un tableau à compléter : “ Titre de votre site Internet ”, “ Adresse exacte du site ”. On demande également de cliquer pour choisir entre les différentes catégories de sites, “ Personnel ”, “ Entreprises ”, “ Loisirs ”, “ Commerce électroniques”, etc., et un encart laisse encore la place pour une “ brève description de votre site (entre cent cinquante et deux cents caractères) ”. Un formulaire du même type est disponible sur le site d’Ariane : il est à compléter si on “ souhaite figurer dans la prochaine édition de l’annuaire ”.

Mais en réalité, un seul magazine va se relancer dans le projet d’une transformation de son extension électronique en véritable espace de communication. Webmaster reprend l’idée d’un dialogue direct entre les lecteurs, apparue lors de la période cyber. La rubrique “ Dialoguer ” de son site Web affiche une gamme complète de procédés de communication facilités par l’Internet, sous la forme de quatre entrées différentes. Aux côtés des traditionnels “ Vos commentaires ”, équivalent du “ courrier des lecteurs ”, et “ L’équipe de Webmaster ”, liste des e-mails des rédacteurs, figurent deux options plus originales : “ Débattre en ligne ”, véritable “ Chat ” (IRC) qui permet un échange simultané entre les lecteurs, et “ Les forums ”, lieu d’échanges cette fois sur un mode asynchrone. Les thèmes des débats, dont l’initiative demeure soumise aux choix de la rédaction, rappellent l’inspiration cybernétique de ces acteurs médiatiques. Les questionnements sur les transformations de la société par les technologies de la communication sont en effet tout simplement appliqués au domaine de l’économie : “ Porte-monnaie virtuel, carte bancaire, transactions financières : le Net va-t-il relancer l’économie mondiale ? ”, “ Encoder ses données est toujours sous la loi du secret Défense, faut-il ou non libérer la cryptographie ? ”.

Ainsi, les dimensions originales apparues lors de la période “ cyber ” s’évanouissent au fur et à mesure que la presse multimédia arrive à maturité, de même que s’essouffle l’idée d’une communication facilitée par les supports électroniques.

Les trois autres dimensions traditionnelles de l’activité médiatique, à savoir la fourniture d’informations, l’archivage documentaire, et la délimitation du secteur, se révèlent en revanche d’une importance majeure pour les extensions multimédias de la presse à cette époque. Elles contribuent en effet, chacune à leur façon, à faire émerger une dimension plus globale d’information-connaissance à visée pratique.

Cette notion désigne l’écart séparant la version imprimée de ses extensions électroniques qui respectivement :

  • offrent une information plus adaptée aux attentes pratiques de ses lecteurs,
  • les assistent pour leurs activités dans le domaine,
  • dressent un état des lieux plus instantané du secteur.