1.1.3. Le caractère utile de la connaissance du domaine.

L'histoire de la diversification électronique de la presse, met en relief que sa dimension de délimitation du secteur, est presque toujours restée uniquement réservée aux supports imprimés. Une constante qui s'est confirmée pour la période initiale “ cyber ” de la presse multimédia. La migration conséquente de cette dimension de l’activité médiatique vers les supports électroniques, constitue à cet égard une grande nouveauté dans cette phase de maturation. Elle est due à son inscription dans une tendance générale de prédilection pour une information-connaissance à visée pratique.

En effet, la connaissance du secteur, ressource essentielle pour l’action en son sein, peut être accrue, grâce aux nouveaux supports électroniques et au Web en particulier. Celui-ci permet la représentation presque parfaite du domaine, dans son apparence comme dans sa temporalité. Rendant possible une actualisation permanente de l’information, il se révèle extrêmement utile aux acteurs, tant pour leur orientation que pour leur prise de décision.

De même que le rubriquage et la maquette correspondent à un découpage de la réalité sociale par les revues imprimées, donnant des points de repère aux lecteurs, les nouvelles catégories journalistiques employées dans la presse multimédia constituent une véritable grille de lecture de l’Internet, permettant de s’orienter à l’intérieur du secteur. Apposée au domaine en lui-même comme c’est le cas sur les extensions des magazines sur le Web, sujet désormais resserré de la presse multimédia, elle va directement aider et influencer la navigation : les différentes parties et sous-parties distinguées seront autant de portes d’entrée dans le domaine, facilitées en plus par les liens hypertextuels. Ainsi sur le site de Hachette.net, le Web paraît découpé en différentes catégories : “ culture ”, “ voyages ”, “ économie ”, “ divertissements ”, “ sport ”, “ science ”, “ société ”, “ Internet ”, “ musique ”, “ vie quotidienne ”, “ presse, médias ” et “ informatique ”. De façon similaire, Internet - Le Guide du Web partage le domaine en différents thèmes : “ services ”, “ loisirs ”, “ médias ”, “ francophonie ”, eux-mêmes divisés en plusieurs sous-catégories, comme pour le dernier cas en “ art et culture ”, “ B.D. ”, “ charme ”, “ cinéma ”,...“ voyages ”.

Il s’agit ici d’une nouvelle avancée dans la représentation du domaine mais qui tient essentiellement à ce que celui-ci soit le Web dans la presse multimédia, et donc se confonde avec les nouveaux supports de la presse écrite. S’il faut tenir compte de cet artefact pour expliquer une telle proximité dans la délimitation du secteur, on peut tout de même imaginer que cet aspect de “ fenêtre du Web sur le Web ” va se développer, et servir d’instance de médiation et de publicité pour les acteurs dans l’ensemble des secteurs de la réalité sociale.

Cette tendance à utiliser la nouvelle extension Web pour éclairer le lecteur sur le domaine et lui donner des renseignements utiles pour y évoluer aisément, s’explique aussi par son aptitude à augmenter l’activité de veille. Cette surveillance de l’état du secteur, habituellement logée dans les magazines papier, se retrouve de plus en plus sur les extensions Web, et ce de deux manières.

D’une part, et de manière anecdotique, elle consiste comme lors de la période cyber en une simple reproduction sur le nouveau support des schémas statistiques et autres graphiques existant déjà sur le support imprimé. Ainsi de la rubrique “ Observatoire du Web - Pour mieux quantifier les enjeux mondiaux autour des technologies Internet et Intranet ”, sur le site d’Internet Professionnel.

D’autre part, cette fonction de veille du secteur est accélérée sur l’extension Web grâce à sa faculté d’actualisation de l’information, largement exploitée par les magazines lors de cette période de maturation. C’est en tout cas l’objectif que s’était fixé CD-Rama dans sa rubrique “ Les news quotidiennes - de l’industrie multimédia, des télécommunications et de l’informatique ”. Celle-ci n’a en fait jamais complètement abouti : elle a trouvé un palliatif avec l’orientation à partir de liens hypertextuels vers des sites Web qui eux dispensaient une information régulièrement actualisée sur l’Internet. Il s’agissait d’un étrange fourre-tout, puisque l’on était renvoyé tour à tour à des acteurs médiatiques comme Le Journal d’Internet ou Digiweb, des acteurs du domaine comme ROL News, Dataquest et ses communiqués de presse, ou encore aux “ Dépêches on-line ” de l’agence de presse Reuters. Internet Professionnel a une fois encore fait appel aux autres membres du groupe de presse auquel il appartient, et en particulier à la newsletter d’informations quotidiennes A Jour dont proviennent les informations figurant dans sa rubrique “ Actualités ”. C’est sans doute Webmaster qui est allé le plus loin dans cette actualisation de l’information, en distinguant au sein de celle-ci, deux rubriques, plutôt tournées vers les technologies en elles-mêmes : “ Les infos en direct ”, des informations générales sur le secteur, et “ Les nouveaux produits ”. Malgré ces exemples, on se gardera encore une fois de généraliser cette utilisation de l’actualisation de l’information à d’autres secteurs de la presse spécialisée, et ce pour deux raisons. La première tient, comme on l’a déjà vu, à la spécificité du domaine du multimédia, particulièrement mouvant. Ses frontières sont remises en cause chaque jour, ce qui entraîne un immense besoin d’informations quotidiennes sur ce secteur. Deuxièmement, on remarque que les magazines ayant recours à ce procédé d’actualisation de l’information sont le plus souvent issus de l’approche “ professionnelle ”. Leurs lecteurs sont des “ décideurs ”, pour qui des renseignements continuellement mis à jour, sont indispensables.

Ce constat d’une différence dans l’exploitation des potentialités des nouveaux supports électroniques, entre les publications de l’approche “ professionnelle ” et celles de la catégorie “ loisir ”, sera d’ailleurs approfondi dans la partie suivante. Il relève toutefois d’une même configuration pour l’ensemble de la presse multimédia à cette époque, celle d’une complémentarité entre les magazines papier et leurs extensions CD-Rom et Internet. Celles-ci sont clairement dévolues à l’information-connaissance à visée pratique, mais au sein d’une coordination entre les supports se traduisant par une certaine unification.