1.2.2. Une extension naturellement privilégiée sur le support Web, thème de ces publications et secteur dans lequel sont engagés leurs acteurs.

La similitude entre les magazines papier et leurs extensions électroniques dans la catégorie loisir de la presse multimédia n’a rien à voir avec ce qu’on observe pour la catégorie professionnelle. Cette dernière découle d’un souci de cohérence par rapport à sa fonction journalistique tandis que la première, qui nous intéresse ici, est plutôt la conséquence fatale de la confusion de ces publications et de leurs acteurs avec le domaine.

Cette interrelation si caractéristique explique en effet que le Web soit le support technologique sur lequel ont afflué massivement et quasiment exclusivement les publications de l’approche loisir de la presse multimédia (à l’exception de .net qui une fois de plus se différencie en privilégiant le CD-Rom pour les extensions de son magazine papier).

D’une part, parce que les acteurs qui sont à leur tête sont également compétents en matière de Web, et intéressés pour s’y exercer et démontrer leurs compétences techniques. D’autre part, parce que leur thème est précisément le Web, et que leur façon de le traiter sous l’angle de la sélection, de l’orientation ou de la navigation, y trouve un réceptacle naturel.

Les acteurs médiatiques de l’approche loisir de la presse multimédia dans cette phase de maturation restent encore largement impliqués dans le domaine. Ils disposent de ce fait du savoir-faire et des moyens, technologiques et pratiques, leur permettant d’offrir facilement une version électronique, en particulier sur le Web, à leurs magazines papier.

Mais au delà de cette facilité due à leur double compétence, le choix de privilégier l’extension sur le Web s’explique par la volonté d’amener sur leur propre terrain, les lecteurs qu’ils espèrent voir devenir de futurs Internautes. Ainsi les pages d’accueil des sites de Hachette.net, Internet - Le Guide du Web, et Netscope, sont toutes ornées d’un bandeau publicitaire vantant les mérites de leurs services Internet. Avec respectivement, une annonce pour Club Internet 77 francs T.T.C. par mois, connexion illimitée ”, une réclame pour ISICOM “ votre site Web clés en mains : 14 990 F. T.T.C., domaine, création, hébergement, accès Internet, trois e-mails, maintenance 1 an ”, et les deux interpellations suivantes “ Compte e-mail offert pour tout nouvel abonné ! ”, et un “ un mega octet d’hébergement gratuit ! ”. Le site Web d’Ariane fait figurer sur sa page “ Partenaires ”, les logos des entreprises oeuvrant dans le multimédia, et qui lui sont associées.

Cette auto-promotion existait déjà dans le magazine papier mais de manière moins agressive. Surtout, le caractère interactif de l’Internet fait que l’on sera beaucoup plus directement et plus rapidement mis en relation avec ces entreprises du secteur, par un simple clic sur le lien hypertexte auquel elles sont reliées. On a même parfois le sentiment que l’activité de presse est reléguée à un niveau subsidiaire, inféodée aux activités de service en rapport avec le domaine.

En tout état de cause, ces publications ont été créées avant tout pour s’exprimer sur le Web, entendons par là le double sens de “ à propos du Web ” et “ par l’intermédiaire du Web ”.

Celui-ci est le thème principal des magazines papier et il semble donc tout naturel qu’il soit transposé sur ce nouveau support. La façon même de traiter cet aspect resserré du domaine du multimédia, sous forme de guide de découverte des différents sites, laisse d’ailleurs penser que ces publications imprimées ont avant tout été conçues pour une exploitation sur le support Web lui-même.

Cette supposition, d’un lancement de la publication en vue d’une utilisation optimale sur le Web, est confirmée par Gilles Fouchard en ce qui concerne Internet-Le Guide du Web. ‘“ Pour moi Internet, faire un magazine Internet papier ça n’a aucun sens... c’est une volonté de ma part d’avoir un produit multi-supports. On avait systématiquement un CD-Rom développé en html, je crois que l’on était les premiers en presse à faire un CD-Rom entièrement compatible avec l’Internet. Et à partir du moment où le CD-Rom est développé en html avec les outils Internet, il est immédiatement porté sans aucun coût supplémentaire sur un site Internet, ce qui était le cas. (...) Quand le magazine sortait, d’ailleurs un des points forts du magazine ce n’était pas le magazine papier, c’était pour ceux qui avaient un PC, c’était le CD-Rom, dans lequel on retrouvait les chroniques des journalistes et avec la possibilité de découvrir pour ceux qui n’avaient pas Internet les espaces que j’avais appelé “ Internet sans modem ”. Et on pouvait, avec l’accord de certains éditeurs, télécharger des sites en partie sur le CD-Rom, et ça pouvait permettre à quelqu’un qui n’avait pas encore l’accès, de découvrir le style Internet et le type d’informations et la manière de naviguer dans cette information. Et pour ceux qui avaient l’accès, de cliquer sur tous les liens référencés donc un CD-Rom, un guide (...) Le rôle que devait jouer ce produit c’est un rôle intermédiaire entre un magazine sur Internet, un magazine numérique sur Internet qui donne des bonnes adresses et un moteur de recherches ou un annuaire thématique. ”’.

De même pour Luc Sohm, à propos d’Ariane : ‘“ de la même manière que sur le magazine papier, on essaye d’aider les gens à s’orienter dans cette masse d’informations qu’est l’Internet, et bien de la même manière sur le site Web, par notre sélection des différents sites, on va aider le lecteur en l’occurrence l’Internaute, à mieux s’orienter. (...) justement un des buts d’Ariane c’est d’aider à l’orientation à l’intérieur de cette masse d’informations, c’est servir de guide à l’Internaute, aux lecteurs qui pourraient se trouver noyés dans cet océan d’informations. ”’

Au delà de cette orientation plus directe dans le domaine que permet l’extension sur support Web, les dispositifs d’hypertextualité que ce dernier met en oeuvre contribuent également à accélérer le mode de fonctionnement typique de ces publications de l’approche loisir. Celui-ci consiste, comme nous l’avons vu, à faire de plus en plus appel aux acteurs du domaine, et conjointement à mettre de côté le travail journalistique habituellement exercé par les acteurs médiatiques.

Cette invitation grandissante, lancée aux acteurs du domaine par les acteurs médiatiques, est clairement annoncée par Luc Sohm : ‘“ Nous n’éditions pas de CD-Rom en complément du magazine, en revanche nous avons mis en place depuis... assez récemment un site Web, effectivement sur l’Internet, qui est essentiellement destiné à recevoir des informations de la part des gens qui créent des sites et qui désireraient que ces mêmes sites Web, leurs sites Web, soient référencés dans notre répertoire, dans le magazine Ariane. Puisque un des objectifs de notre société, c’est devenir à terme un moteur de recherche sur l’Internet. (...) Comme je vous le dis, c’est plutôt une interface entre notre magazine et nos lecteurs, voire avec des partenaires commerciaux, des annonceurs, qui peuvent également par ce biais nous contacter. (...) c’est essentiellement un plus pour orienter nos lecteurs et pour se mettre en relation avec eux, avec les partenaires commerciaux également. C’est essentiellement un site Web qui nous permet de recevoir des infos, d’avoir des retours de la part de nos partenaires et de nos lecteurs. ”’ Les formulaires disponibles pour annoncer le site, les possibilités de correspondance électronique, ainsi que les liens établis à partir des sites des magazines vers les acteurs du domaine, contribuent à ce mouvement. Ces acteurs du domaine sont d’ailleurs bien souvent des institutions ou des entreprises privées : par ce biais, elles s’offrent une publicité à moindre frais, dans des publications de l’approche loisir s’orientant vers une logique de marchandisation accrue.