2.2.2. Le recours aux acteurs économiques du domaine pour assurer l’information-connaissance à visée pratique sur les extensions électroniques.

Les acteurs marchands du domaine s’immiscent également sur les extensions électroniques des publications de la presse multimédia lors de cette phase de maturation. Mais cette fois-ci à la demande des acteurs médiatiques, alors que le lancement des magazines papier qui leur était entièrement dédiés relevait lui d’une démarche indépendante et autonome.

Cette forme participation va au delà de la simple influence sur le processus de médiatisation, devenue relativement traditionnelle dans la presse spécialisée par le biais des communiqués de presse et autres plaquettes promotionnelles, ou encore de l’organisation de conférences, de tout ce qui a trait à l’événementiel, et encore plus directement l’achat d’espaces publicitaires. Les acteurs marchands du domaine sont cette fois directement invités à participer à la fourniture du contenu de la presse multimédia.

Et dans ce cadre, ses extensions électroniques, grâce à leur dimension d’information-connaissance à visée pratique, se révèlent les plus adaptées. Les prescriptions pratiques, figurant sur les extensions Web, pour les nouveaux services et produits sont assurées par les acteurs marchands eux-mêmes, censés les connaître le mieux. Ils se chargent également de la livraison concrète de leurs logiciels, prêts à être utilisés, ou en tout cas destinés à appâter les lecteurs consommateurs.

Les acteurs marchands du domaine sont associés aux acteurs médiatiques sur les extensions Internet de leurs publications.

La dimension qui est privilégiée sur les supports Web et qui consiste notamment à effectuer un passage en revue des différents matériels disponibles, est particulièrement intéressante pour les entreprises qui les ont conçus. Ce sont en effet elles qui détiennent l’information brute, et elles vont être sollicitées en ce sens par les publications pour participer au développement de cette information-connaissance à visée pratique, si appréciable sur ce nouveau support électronique.

Ainsi la rubrique “ Produits et services ” du site Web de Internet Professionnel est essentiellement composée d’annonces de nouveaux produits. Les notices explicatives qui les accompagnent sont co-réalisées, par les journalistes d’Internet Professionnel et les services de communication des différentes sociétés présentant leur gamme. Les simples titres des articles archivés sont en ce sens tout à fait évocateurs : “ Développement : KL Group lance J Probe Profiler ”, “ Reporting : Oracle annonce Oracle Reports 3.0 ”, “ Développement : Ippolis sort Netis ”, “ Plate-forme : Silicon Graphics empile 02 ”, etc.

Dans cette information de type pratique et technologique, il semble que la légitimité journalistique ne soit pas suffisante. Elle a besoin de s’adosser à une légitimité de marque que seule l’intervention des acteurs du secteur eux-mêmes peuvent conférer au site Web de la publication en question. Il s’agit là d’un nouvel atout pour attirer le lecteur-Internaute, qui est à coup sûr bénéfique en termes économiques pour les acteurs médiatiques.

Mais certains parmi eux ne se sont pas contentés de cette plus-value apportée par la collaboration avec les acteurs du secteur, gage certain de reconnaissance auprès du grand public. Ils ont également mis en place un système de droit d’entrée, incitant les acteurs à devenir les sponsors des publications. Ce partenariat, qui va au delà de la publicité classique, et dans lequel les acteurs du secteur comme les acteurs médiatiques trouvent leur intérêt, est proposé par Technosphère. Dans sa page html “ Annoncer sur ce site ”, elle propose de manière explicite un partenariat avec une société extérieure au magazine, susceptible de mettre particulièrement en valeur ses produits et ses services, selon une formule à trois niveaux :

‘“ Vous pouvez bénéficier du trafic généré par Technosphère de trois manières, correspondant à des visibilités différentes :’

Les extensions électroniques des publications de la presse multimédia lors de cette phase de maturation ne se contentent pas seulement d’insérer les messages mi-explicatifs, mi- promotionnels des acteurs marchands du domaine dans la partie rédactionnelle de leur site Web. Elles servent également, grâce au support CD-Rom, à amener directement auprès des lecteurs, considérés par les entreprises du secteur comme de potentiels consommateurs, les produits eux-mêmes. Notamment sous la forme qui s’y prête le mieux : celle des logiciels. Sous couvert d’une expérimentation directe, et ainsi d’une évaluation des produits et matériels disponibles sur le marché, ces magazines prennent aussi à bien des égards le visage de véritables V.R.P. Ils semblent démarcher de nouveaux clients pour le compte des entreprises du domaine du multimédia qu’ils décrivent, et ceci avec une préoccupation marchande beaucoup plus développée que lors de la période cyber. Les “ freewares ” ou les “ sharewares ”, logiciels en version gratuite ou coopérativiste, sont peu à peu abandonnés, au profit de la pratique du “ bundle ” ayant cours dans la presse informatique.

La nouveauté par rapport à celle-ci réside dans l’ajout d’une sélection hypertextuelle de sites Web. Ils ne sont pas “ pointés ” à partir de critères commerciaux, mais une telle opportunité est déjà évoquée, notamment par Luc Saint-Elie : ‘“ mais là ça va se faire, ça va se faire. Pour me faire l’avocat du diable, je te dirais, tu dois pouvoir trouver de temps en temps, un canard, un canard dans le domaine technique quel qu’il soit, informatique ou pas, avec un banc d’essai d’un truc et une publicité du fabricant trois pages plus loin tu vois. On est dans le même ordre de rapport, alors on peut trouver ça critiquable mais on ne pourra pas l’empêcher... ”’.

Il s’agit là d’une modalité caractéristique de la presse multimédia, visible naturellement chez .net et Netsurf, véritables représentants d’un modèle journalistique abouti comme nous allons le voir maintenant dans la dernière partie justement consacrée à la stabilisation de la presse multimédia.