Conclusion troisième section

La presse multimédia recouvre, au cours de cette phase de maturation, un mode de fonctionnement médiatique plus habituel que lors de la période précédente.

D’une part, les relations d’interdépendance entre les acteurs de la médiatisation sont globalement moins confuses qu’auparavant. Elles expliquent, selon leur niveau d'imbrication, à la fois la répartition des publications en deux catégories journalistiques distinctes, professionnelle et loisir, et l’insistance sur le Web au sein de cette dernière.

Elles reposent d’autre part sur une logique économique redevenue dominante. Celle-ci est à relier, en grande partie, au développement d'une information-connaissance à visée pratique sur les extensions électroniques.

Le tableau 14 rend compte de la première modification, et plus précisément des différences de degrés d’interdépendance entre les publications de l'approche loisirs et celles de l'approche professionnelle. Ces dernières se démarquent des premières, essentiellement parce qu'elles ont réussi à se délester du poids de leurs intérêts dans le domaine du multimédia, très lourd dans la période précédente.

Ce qui permet aux revues professionnelles du multimédia de fonctionner selon un mode journalistique tout à fait classique, en passe d'être réaménagé pour convenir aux spécificités de la diversification sur les nouveaux supports.

L'implication des acteurs de la presse loisirs dans le domaine demeure en revanche très forte. Elle les conduit à choisir un traitement du Web sous l'angle du guide d'orientation, leur permettant de prospérer dans les deux registres : le secteur du multimédia (resserré au Web) et sa couverture médiatique.

Tableau 14 :
Interdépendance inégalement maîtrisée entre les acteurs de la médiatisation. Rapport d'interdépendance rééquilibré dans la presse professionnelle. Choix éditoriaux des acteurs de la presse loisirs encore dépendants de leurs activités dans le domaine
Modalités habituelles dans la presse spécialisée. Interdépendance maîtrisée par les acteurs médiatiques :
- publications appartenant à des acteurs médiatiques très expérimentés : grands groupes de presse informatique professionnelle (IDG, Groupe Tests).
- habitude des relations étroites avec les acteurs du domaine : équilibre subtil, entre autonomie et dépendance, par rapport aux sources.
Choix du Web comme stratégie courante d’investissement d’un créneau journalistique émergent :
- lancement de magazines consacrés à l’Internet, thème du multimédia estimé détenir le potentiel de lecteurs le plus important, et du Web pressenti comme sa fonctionnalité la plus attirante et la plus consensuelle pour les néophytes.
- forme de guide touristique avec sélection de sites Web, la plus commode et la plus accessible pour des acteurs nouveaux venus dans cette spécialité médiatique.
- extension sur le Web naturelle pour ces publications dont c’est également le thème (certaines ont d’ailleurs été conçues pour ce support).
Modalités spécifiques à la presse multimédia. Adaptation des extensions électroniques à ce mode de fonctionnement médiatique conventionnel :
- attitude réflexive concernant les changements apportés par la nouvelle diversification : questionnement sur la territorialité de la publication face aux prolongements hypertextuels; recherche d'une forme de presse adéquate pour l'édition électronique.
- configuration multi-supports fondée sur un principe de complémentarité plutôt que de concurrence : notamment, développement de services annexes de conseil ou de formation sur les extensions électroniques.
Choix du Web renforcé par la confusion entre activité médiatique et dans le domaine :
- acteurs intéressés par la médiatisation du Web à la fois comme thème journalistique porteur et comme vecteur promotionnel de leurs activités dans le domaine.
- choix de la médiatisation sous la forme de répertoire de sites Web car la plus facilement abordable pour des acteurs manquant de compétences journalistiques.
- l'extension sur le Web comme moyen de montrer leur savoir-faire technique pour des acteurs médiatiques également prestataires de services dans le domaine de l’Internet.

Le second changement touche lui l'ensemble des revues : elles se sont unilatéralement inscrites dans un mode de fonctionnement médiatique à finalité lucrative, qui tranche radicalement par rapport au précédent. Ce rétablissement de la logique économique est notamment dû à la nouvelle configuration multi-supports, axée autour du développement d’une information-connaissance à visée pratique sur les extensions électroniques.

Le tableau 15 met en relief le rôle joué par cette dimension dans l’exploitation commerciale de l’information consacrée au multimédia. Elle ouvre en effet de nouvelles possibilités, tant au niveau de la multiplication des moyens de financer la publication, que des nouvelles offres de participation à l'élaboration de son contenu, lancées en direction des acteurs économiques du domaine.

Tableau 15 :
Retour en force de la logique économique dans le processus de médiatisation. Objectifs de rentabilité redevenus prioritaires. Participation grandissante des acteurs économiques du domaine.
Modalités habituelles dans la presse spécialisée. Positionnements éditoriaux influencés par des critères économiques :
- recherche des segments les plus rentables de la nouvelle spécialité médiatique : ce phénomène classique dans la presse spécialisée explique le resserrement de toutes les publications autour de l’Internet et du Web, censés accueillir le plus grand nombre de lecteurs intéressés par le multimédia.
- volonté de procéder à des études marketing du lectorat et des annonceurs, mais encore prématurée en raison de la faiblesse de leur nombre : report par défaut sur les “ vieilles recettes ” de la viabilité de la presse magazine et notamment les optiques exclusives professionnelles ou loisirs.
Acteurs économiques du domaine se lançant dans l’édition occasionnelle de revues imprimées, avec diffusion grand public allant au-delà des publications internes ou réservées à leurs abonnées :
- revues essentiellement consacrées à l’initiation à l’Internet, assortie de la promotion des produits et services “ maison ”, dans l’espoir de recruter de nouveaux clients.
- séparation très nette entre applications professionnelles et loisirs de l’Internet, correspondant aux coeurs de métier rigides des acteurs du domaine concernés et renvoyant à leurs schèmes cognitifs.
  Intérêts commerciaux croisés des acteurs médiatiques dans le domaine pesant sur le choix du thème de l’Internet et du Web : segment le plus rentable en termes de lectorat, et donc le plus important vivier d’Internautes clients de leurs produits et services. Acteurs économiques du domaine disposant de compétences éditoriales suffisantes au sein de leurs activités “ convergentes ”, pour publier eux-mêmes leurs revues imprimées, et de manière régulière (exemple : les 30 numéros de Internet Accessible, par Havas On Line).
Modalités spécifiques à la presse multimédia. Dimension d’information-connaissance à visée pratique, développée sur les extensions électroniques, économiquement exploitable:
- dimension la plus facilement monnayable grâce à des procédés techniques de rétribution : pour des services utiles et présentant une réelle valeur ajoutée par rapport à l’édition imprimée (exemple : formation pointue).
-Mise en place de passerelles hypertextuelles vers les activités dans le domaine des acteurs responsables de ces sites Web d’information : services de veille et prestations techniques.
Acteurs économiques du domaine sollicités par les acteurs médiatiques pour participer au développement d’une information-connaissance à visée pratique sur les extensions électroniques :
- acteurs économiques associés aux acteurs médiatiques sur les sites Web d’information : assistance, éléments pratiques pour l’emploi de leurs produits, informations brutes procédant d’une “ légitimité  de marque ”.
- acteurs économiques fournissant l’essentiel des contenus des CD-Roms accompagnant les magazines par la distribution de leurs logiciels.

Le mode de fonctionnement médiatique de la presse multimédia se réinscrit donc lui aussi dans une normalité, presque sans surprise, lors de cette période de maturation.

A une description journalistique classique et à un mode de diversification logique, correspond ainsi un retour à l'équilibre du rapport d'interdépendance de type économique entre la presse spécialisée et le domaine du multimédia auquel elle est consacrée.

Il s'agit maintenant de prendre du recul pour voir comment cette phase assure le lien entre les deux autres. Ceci en observant notamment comment elle a conservé puis transformé certains éléments originaux de la période “ cyber ” qui se retrouveront finalement à la base du modèle généraliste final.