Troisième partie :
Emergence d’un modèle généraliste spéifique. La stabilisation de la presse multimédia

Introduction troisième partie

Le modèle de la presse multimédia qui s’affirme lors de cette ultime phase de sa constitution, se nourrit d’éléments expérimentés dans les deux périodes précédentes. Il ajoute à cette synthèse des aspects nouveaux, nous renseignant sur le mode de stabilisation de cette spécialité médiatique naissante et pionnière par son extension sur les nouveaux supports électroniques.

Durant la période observée, seules quelques publications consacrées au multimédia auront finalement su perdurer, laissant les nombreux autres titres péricliter, après une effervescence éphémère. Les trois revues qui subsistent ont en commun, outre une présence régulière en kiosques, d’être parvenues à adapter les caractéristiques originales nées de la période cyber aux exigences journalistiques habituelles. Ainsi Hachette.net a pris la suite de Planète Internet, apparu lors de la période initiale au sein du groupe Matra-Hachette; Netsurf n’était au départ qu’un numéro hors série de Univers Interactif, lancé très tôt par Pressimage, et .net a longtemps consisté en la traduction en langue française de son homonyme du groupe Pearson, magazine leader de la cyberculture en Grande-Bretagne. Ces trois publications se sont peu à peu imposées comme les représentants dominants de la presse multimédia, mais dans des registres différents. Hachette.net s’est cantonnée dans la configuration classique d’un guide de l’Internet, selon une approche journalistique divertissante exposée précédemment.

Netsurf et .net ont en revanche véritablement innové d’un point de vue médiatique. Ils ont érigé, au fil de leurs agencements successifs, un modèle généraliste spécifique qui mêle aspirations professionnelles et activités de loisirs, dans un même souci de créativité technologique. Ils profitent de leurs extensions électroniques et en particulier de l’hypertextualité pour l’exprimer, multipliant ainsi les liens avec tous types d’acteurs du domaine. De ce fait, ils n’affectent finalement qu’à la marge le rapport d’interdépendance de type économique sur lequel reposent assez classiquement les éditions papier.

La représentation du domaine du multimédia s’est finalement stabilisée dans ces publications, autour d’une approche de type généraliste.

Les aspects professionnels et ceux touchant à la sphère des loisirs ne sont plus traités séparément comme c’était le cas dans la phase de maturation. Ils figurent de concert dans les revues et raniment, comme aux plus beaux jours de la période cyber, l’intérêt pour les potentialités technologiques de l’Internet. Parmi ces dernières sont plus particulièrement visées celles liées à la création, mais cette fois-ci sous l’angle de sa mise en pratique.

Netsurf et .net sont les véritables fers de lance de cette évolution. Ils s’orientent, au fur et à mesure de leurs numéros, vers une ligne éditoriale techno-pratique s’efforçant de joindre l’utile à l’agréable. Au sein de cette tendance commune, se fonde une prédilection originale pour les applications de l’Internet qui concernent à la fois le travail et le temps libre.

Le mode de diversification, fondé sur une limitation des extensions électroniques à une fonction d’intermédiation plus directe avec le domaine, est complémentaire des éditions imprimées.

Il traduit lui aussi une certaine maturité, puisqu’il résulte d’un assemblage entre les dimensions qui ont connu le développement le plus viable précédemment. Ont ainsi été mises à l’écart les tentatives d’inspiration cybernétique trop originales, pour n’en conserver que le dispositif fédérateur sur lequel nombre d’entre elles s’appuyaient, à savoir l’hypertextualité.

Celle-ci a été logiquement couplée à la visée pratique et technique développée sur les CD-Roms et l’Internet pendant la phase de maturation, et a banni la partie rédactionnelle classique qui semble désormais définitivement être réservée au papier.

Cette mise en relation avec les acteurs du domaine, favorisée par les nouveaux supports électroniques, pèse assez mollement sur le rapport d’interdépendance de type économique de la presse multimédia. Cette dernière semble, hormis quelques aménagements inédits, finalement rentrer dans le rang des autres secteurs de l’information spécialisée.

D’une part, les rapports entre les acteurs sont devenus moins compliqués. Le retour progressif à un travail journalistique traditionnel, malgré quelques modifications dans les pratiques relationnelles engendrées par le courrier électronique, s’est en effet généralisé au sein de magazines dont les groupes de communication se sont d’ailleurs recentrés sur leur activité médiatique d’origine.

D’autre part, le passage brutal à la marchandisation excessive qui avait suivi la gratuité de la période cyber, est freiné. Le retour à un point d’équilibre s’illustre à travers la coexistence entre intuitions et marketing dans les choix éditoriaux du modèle généraliste, ou dans l’architecture économique classique d’une rétribution de la valeur ajoutée informationnelle dans la presse papier.