2.2.2. La création de sites Web, où quand le hobby devient un métier.

A partir de la maquette du n°13, .net va développer un intérêt certain pour la création de sites Web, et les deux approches principales de la phase de maturation de la presse multimédia vont alors pouvoir se rejoindre encore plus parfaitement. A la connaissance technique approfondie qu’ont pu emmagasiner les amateurs grâce au surf, va s’ajouter un autre savoir-faire : l’édition de contenus électroniques en ligne, métier de l’Internet pour certains, pratique de temps libre pour d’autres.

On assiste ainsi dans cette consolidation de la vision généraliste à un glissement sémantique de la notion d’amateur. Ce dernier va quitter le statut de passionné de technologie multimédia, par nécessité pour le plaisir de son surf. Il va désormais désigner le pratiquant d’une activité présentant la particularité d’avoir une existence propre dans le monde du travail et de pouvoir en même temps consister en une occupation divertissante.

Cette évolution passe tout d’abord par la juxtaposition de la pratique de Webmaster à celle de surfeur comme catégorie légitime de l’amateur dans .net, et en conséquence à une ouverture affirmée à des visées professionnelles. Par l’intermédiaire de la conception de sites, c’est en effet de manière plus générale l’ensemble de la ligne éditoriale du magazine qui est affecté, dans le sens d’un plus grand intérêt pour les aspects du multimédia relevant de la sphère économique.

La superposition de la pratique de création de sites à celle de surf sur le Web est manifeste dans la nouvelle version de .net. Elle va contribuer à rendre encore un peu plus floue la délimitation entre amateurs et professionnels.

A partir de son n°13, le magazine ne s’adresse plus uniquement au lecteur avide de conseils techniques pour optimiser sa promenade sur le Web, mais aussi à celui qui justement participe directement à la vie de la Toile en édifiant des pages html. Ce sont à la fois le surfeur et le Webmaster qui sont visés dans les rubriques pratiques et techniques de .net nouvelle version. Au delà de la multiplication des dossiers ponctuels ou récurrents consacrés à la création de sites Web, il convient de signaler la permanence de cette double identité du lecteur dans la nouvelle formule de .net. Notamment dans la rubrique “ Pratique ” qui s’assigne un double objectif : “ Surfer intelligent, bâtir efficace ”. De manière plus élaborée encore dans les “ Technofiches ” : ces rubriques consistant en une présentation très méthodique des nouveaux outils et logiciels, dont la signalétique avertit non seulement du “ degré de connaissances ” techniques nécessaire (illustration d’un individu allongé dans un hamac pour signifier “ Pour tous ” et d’un individu body-buildé pour “ Expert ”), ou de “ l’environnement ” informatique compatible (avec les logos respectifs de Windows et de Mac OS), distinguent également deux catégories de “ Public concerné ”. Le “ Surfeur ” y est représenté par un micro-ordinateur juché sur une planche de surf roulant sur une vague, tandis que le “ Webmestre ” est identifié par un homme en costume-cravate et lunettes, en train de pianoter sur le clavier de son micro-ordinateur.

Ces éléments sont autant de signes indiquant que l’amateur de .net est désormais passé de l’autre côté de la barrière, ne se contentant plus de naviguer au sein de l’information puisqu’il en assure maintenant aussi la production. Il s’inscrit là dans une activité de type professionnel, puisque l’édition de contenus sur le Web est l’une des principales fonctions apparues avec l’Internet. Le magazine n’élude pas du tout ce point puisque, s’il continue à considérer la création de sites Web le plus souvent comme une pratique d’amateur, il n’hésite pas non plus à s’interroger sur son utilité dans le monde du travail de façon assez régulière. Il y consacre ainsi des dossiers de grande envergure tels que dans son n°13 ou son n°18, alors qu’il abandonne totalement le métier de provider ou fournisseur d’accès privilégiés précédemment, du temps où la pratique du surf était dominante (un dossier sous le titre “ Et si vous deveniez provider ... ? ” figure par exemple dans son numéro 8, autrement dit lors de la période précédente).

Par ce biais, .net cherche à élargir son lectorat aux Webmasters professionnels, mais aussi à répondre aux interrogations peut-être inavouées de ses lecteurs, à propos de l’exploitation marchande qu’ils pourraient faire à la fois de leurs réalisations amateurs, et des compétences et du savoir-faire qu’ils ont acquis à cette occasion.

Ce flou entre pratique amateur et pratique professionnelle, entretenu par .net pour s’adresser à un lectorat hétéroclite et donc élargi, va même déborder le cadre de la création de sites Web et toucher l’ensemble des sujets du magazine. Ce sont en effet de plus en plus des préoccupations d’ordre professionnel ou en tout cas relevant de la sphère marchande qui sont au centre de la publication lors de cette période.

Le choix des unes en témoigne de manière tout à fait manifeste : celle du n°20 représente un agenda de type professionnel, pour illustrer une couverture consacrée à l’organisation du temps de manière rationnelle et efficace comme dans le monde du travail; celle du n°13 est consacrée au commerce électronique.

Cette “ première de couverture ” est d’ailleurs révélatrice de la façon dont .net rejoint l’approche semi-professionnelle de Netsurf. D’abord parce qu’il titre sur une thématique commerciale commune par rapport à l’Internet. Surtout parce qu’il se place du côté non seulement de l’acheteur mais aussi du vendeur. Le titre de ce dossier central, “ Le supermarché mondial vous ouvre ses portes ! ”, est en effet suivi de “ Acheter [en gros caractères] et vendre [en plus petits caractères] sur Internet [dans une taille typographique intermédiaire ]”. Ce sous-titre est ensuite décliné en quatre points, dont les trois premiers sont consacrés aux actes d’achats - “ Découvrez les secrets du commerce électronique ”, “ Les sites où réaliser les meilleures affaires ”, “ Pouvez-vous utiliser votre carte bancaire sans crainte ? ” -, tandis que le quatrième invite les utilisateurs de l’Internet à franchir le pas pour devenir eux-mêmes vendeurs, avec cette question soulignée d’un trait noir : “ Et si vous-même vous vendiez ? Notre guide pour monter un site efficace ”.

Les différences entre .net et Netsurf s’estompent ainsi peu à peu, pour se muer en une visée généraliste commune où cependant certains traits d’origine restent présents. Le penchant de .net pour une position de client plutôt que de commerçant, héritée de son approche de consommateurs de loisirs, s’oppose ainsi à Netsurf, quiconserve une approche de producteur professionnel. Le même type de rapport entre les deux magazines est observable dans la présentation de leurs sélections de sites Web. Si .net en use comme modèles à la création de sites, il privilégie néanmoins l’approche esthétique, alors que Netsurf va privilégier plus radicalement la première option.