1.2.1. Le magazine papier comme programme pour la navigation, ou le recul permis par l’imprimé.

L’accès aux sites des acteurs du domaine est rendu direct, grâce à l’ajout d’un lien hypertextuel à chacune des adresses électroniques mentionnées dans la sélection du magazine, sur son CD-Rom. Il constitue assurément un plus par rapport à la version imprimée, mais ne saurait pour autant l’éclipser totalement.

Les deux types de supports sont tout à fait complémentaires, puisque l’intermédiation de l’extension électronique ne fait que prolonger la médiation journalistique du magazine papier, en demeurant une sélection de l’information.

Ainsi la lecture du répertoire s’impose au lecteur-Internaute comme un préalable utile ou tout au moins un accompagnement judicieux de la navigation sur le Web. Elle offre une perception plus globale, un point de vue général qui lui permet de prendre du recul par rapport à la multitude d’informations délivrées sur le Net.

Au final, ces rubriques jouant un rôle de guide pour le Web dans les magazines de la presse multimédia s’apparentent aux hebdomadaires de la presse télévisée. Dans ces dernières, la description des programmes vise simplement à les commenter et à les localiser, et donne ainsi au spectateur le choix de les regarder ou non. De la même manière, les sites listés pourront être ou non visités.

L’extension électronique présente l’avantage par rapport au magazine papier de disposer d’un procédé technologique, l’hypertextualité, permettant d’atteindre plus directement les sites Web répertoriés. Elle a pour corollaire l’inconvénient de transiter par l’écran informatique dont l’ergonomie n’est pas véritablement adaptée à une consultation souple et rapide de l’ensemble des adresses électroniques sélectionnées. Son appareillage technique trop lourd (lenteur du défilement du texte ou des liaisons vers les autres pages en raison des difficultés de connexion) constitue un défaut majeur que le support imprimé transforme précisément en atout.

Tout d’abord, sa structure matérielle elle-même est beaucoup plus malléable. Le feuilletage des pages permet aux lecteurs d’avoir rapidement une vue d’ensemble et d’effectuer à une égale vitesse des allers et retours d’une partie à l’autre du magazine. Sa lecture peut d’ailleurs se faire en simultané avec la navigation sur le Web, les “ temps morts ” dus au téléchargement pouvant en effet être utilisés pour la consultation du répertoire sur l’imprimé. Une complémentarité aussi poussée entre les supports a en tout cas été imaginée par Netsurf dans ses premiers numéros puisque cette publication proposait alors sa sélection de sites Web sous la forme d’un supplément détachable.

Mais le support imprimé se distingue aussi et surtout par son aptitude à la classification qui, dès le sommaire, permet d’effectuer un tour d’horizon des différentes parties et sous-parties selon la catégorie des sites Web répertoriés. Il offre la possibilité, par l’indication des pages où elles se trouvent, d’aller en fonction de ses besoins chercher l’information désirée. Cette capacité du support papier à faire le tri entre la multitude d’informations disponibles en constitue un des principaux intérêts par rapport à l’Internet et en assurera la pérennité à ses côtés, selon Olivier Magnan, rédacteur en chef de .net : ‘“ ce qui est très clair, c’est qu’aujourd’hui le magazine papier consacré à Internet a toute sa place, toute sa raison d’être et va se développer encore quelques années. Pourquoi ? Tout simplement parce que les Internautes qui surfent sur le réseau n’ont pas tous les moyens pour trouver toute l’information qu’ils cherchent sur le réseau directement. C’est de plus en plus le cas puisqu’ils peuvent trouver la plupart des journaux en ligne, mais ils ont absolument besoin d’une sorte de mode d’emploi, d’une forme de mode d’emploi, notamment du côté des néophytes et des débutants, qui leur offre la possibilité d’enrichir, d’optimiser leur voyage à travers Internet. Mais cette opportunité qui est offerte à la presse papier ne sera pas éternelle. Il est clair que, un jour proche ou lointain, mais plutôt lointain dans mon esprit parce que le papier a encore de beaux jours devant lui, l’Internaute se passera de plus en plus de cette forme de presse complémentaire. Mais on n’est pas là, on n’en est pas là parce que pendant des années encore, quiconque surfe sur le réseau a besoin, à tête reposée, dans son lit, dans le métro, d’une information complémentaire technique et pratique, et réflexive d’ailleurs qui lui permettra d’améliorer, d’optimiser son surf et ça n’est pas à travers son surf lui-même qu’il pourra trouver facilement les moyens de l’optimiser. ”’.

Davantage encore que les éléments soulignés précédemment, c’est sans doute le rédactionnel , caractérisant la dimension informative spécifique du support imprimé, qui fait de ce dernier un complément indispensable à la navigation sur les extensions électroniques.

Les jugements et commentaires à propos des différents sites Web figurant dans les “ répertoires ” des magazines papier, permettent au lecteur d’opérer une sélection. Ceci avant que ses choix ne se concrétisent par un “ clic ” sur telle ou telle adresse électronique reproduite sur le CD-Rom, pour accéder directement au site en question. C’est donc à l’issue de la comparaison rendue possible grâce au support imprimé, dont la temporalité plus étalée permet de mûrir la réflexion, que l’Internaute peut naviguer avec plus de pertinence sur le Web par l’intermédiation du CD-Rom.

L’analogie avec la presse audiovisuelle est évidente. Les pages présentant les grilles de programmes de chaque chaîne de télévision, sont remplies d’indications pour le lecteur, de façon à l’aider pour son action en tant que téléspectateur. De la même manière, les cahiers spéciaux et autres rubriques des revues consacrées au multimédia contenant les répertoires de sites, font figures de véritables guides dans lesquels les lecteurs viennent puiser les ressources cognitives à propos du Web qu’ils vont mettre à profit en tant qu’Internautes pour leur navigation.

En ce sens, l’intermédiation du CD-Rom sert simplement à conduire vers le site recherché. Ce dernier constitue alors le contenu en lui-même et non un complément d’informations par rapport au magazine papier. Il s’agit là d’une évolution notable dans le mode de diversification de la presse multimédia. Dans l’approche loisir, le lien hypertextuel avait été déjà conçu comme une passerelle vers des sites Web, considérés comme constituant le sujet en eux-mêmes. Dans l’approche professionnelle en revanche, ainsi que l’avait expérimenté Netsurf pour son extension Web abandonnée depuis, il était vu comme un prolongement de l’article ou du dossier présent sur le support imprimé, cette fois de nature informative : les adresses référencées et accessibles d’un simple clic de souris étaient celles de sources se rapportant aux thèmes.

Il ne faut cependant pas voir ici un signe d’un basculement de la presse multimédia lors de sa phase de stabilisation du côté de l’approche loisir, puisque l’intermédiation ne consiste pas seulement à associer une sorte de menu électronique à l’écran d’ordinateur. Elle sert également à fournir de manière directe et concrète, les logiciels et autres instruments informatiques permettant une meilleure navigation, selon une perspective plutôt héritée de l’approche professionnelle. La jonction entre les deux sur le CD-Rom était particulièrement manifeste en ce qui concerne l’activité de création de sites. Elle l’est autant, et de manière complémentaire, sur le magazine papier où vont être développées, de façon plus large et didactique, les explications pour une utilisation à bon escient de ces outils.