Le CD-Rom de .net n’a pas été instantanément une interface de navigation sur le Web. Bien au contraire, il a d’abord épousé la volonté des éditeurs de la publication française de corriger le tir par rapport à l’allure d’inspiration cybernétique de la version anglaise d’origine. La décision a été alors prise de s’intéresser de manière plus prosaïque à l’utilisation technique de l’Internet, plutôt que de stagner dans de vagues considérations philosophiques sur le devenir de la société avec les nouvelles technologies de communication. Elle a abouti à différentes formules plus ou moins improvisées pour le CD-Rom.
Toutes, jusqu’au n°7, avaient néanmoins pour point commun de l’envisager comme un vaste dépôt de logiciels, sans autre finalité que d’être en rapport avec les sujets traités dans le magazine. Ces outils techniques étaient mis à disposition par le biais d’une classification rigide en deux catégories, off-line et on-line.
Cette dernière devient prépondérante sur le CD-Rom à partir du n°8. Elle accueille deux nouvelles rubriques, consacrées à la pratique de la navigation : “ le bookmark ” et “ Mygale ”. Celles-ci consistent respectivement en une sélection d’adresses électroniques immédiatement accessibles, et une présentation de pages personnelles choisies au sein du serveur Mygale, le plus populaire en la matière en France. Elles concrétisent le penchant de .net pour l’activité de loisir typique de l’Internet qu’est le surf et parallèlement la mise en service de son extension électronique pour ce type d’intermédiation.
En hébergeant une multitude de logiciels “ utilitaires ”, les premiers CD-Roms accompagnant .net marquent la fixation de la publication sur la technique, en réaction à son père spirituel britannique. Ce changement répond toutefois à une stratégie de diversification pour le moins sommaire.
L’extension électronique ressemble en effet à un joyeux fourre-tout où sont entreposés plusieurs outils informatiques de manière anarchique. L’inspiration cybernétique ne semble pas pour autant être complètement digérée, comme l’indique la représentation de liens apparents de couleur verte imitant la structuration hypertextuelle sur l’interface du CD-Rom. Ces liens, placés entre les fenêtres présentant les différents outils, celles les décrivant et celles permettant de les exécuter instantanément ou de les installer sur le disque dur de l’ordinateur, ne s’inscrivent pas dans une visée globale véritablement élaborée.
En effet, hormis la distinction entre ‘“ On-line : cliquez ici pour accéder au programme que vous utiliserez lors de vos sessions on-line : navigateur, e-mail, plug-in... ”’ et ‘“ Off-line : cliquez ici pour accéder au programme que vous utiliserez hors connexion : éditeur html, documentation... ”’, seule transparaît, à partir du n°5, une relation entre les sujets techniques abordés dans le magazine papier et les logiciels qui ont été spécialement regroupés à cet effet sur le CD-Rom. Ainsi lorsque la version papier du n°5 titre sur “ Comment trouver facilement ce que vous cherchez sur le Net ” en une, et “ Comment participer aux groupes de discussions ” pour l’un de ces dossiers principaux, elle insiste également, dans ses pages intérieures dédiées à la présentation de son extension électronique, sur le fait que ces thèmes sont également “ Au menu des réjouissances ” proposé sur le CD-Rom. Celui-ci permet en effet leur mise en pratique, annoncée dans de longs paragraphes dont les inter-titres sont “ Pour les newsgroups ” et “ Searching... Searching... Searching... ”. Le dispositif est le même pour les n°6 et 7 avec respectivement “ Comment tirer le maximum de votre e-mail ” et “ Internet 100 % français ” en couverture de l’imprimé, devenant dans la description du CD-Rom : ‘“ ’ ‘L’e-mail, c’est le chouchou des Internautes. Plébiscité, réclamé, le courrier électronique s’est imposé sur l’Internet. .net lui consacre dix pages d’enquêtes pour le maîtriser et en exploiter toutes les facettes. Retrouver les meilleurs outils dédiés à cette nouvelle forme de communication’ ‘ [s’en suit une liste de gestionnaire de courriers électroniques mis à disposition]”’; et ‘“ ’ ‘La francophonie a envahi le CD-Rom de .net, notre équipe de surfeurs s’est démenée pour vous sélectionner les meilleurs produits pour une navigation entièrement en français. Mission accomplie ! Jugez plutôt’ ‘ : [Et là aussi sont ensuite catalogués les différents produits présentés]”.’
On remarquera que, dans cette dernière édition, les Internautes sont assimilés à des surfeurs, pour lesquels le CD-Rom va se charger de mettre à disposition les meilleurs matériels. Cette allusion était également déjà présente dès le n°2 puisque la présentation du CD-Rom de .net en était la suivante : “ Simplifiez vous le surf ! ”. Mais ce n’est véritablement qu’à partir du n°8, que la navigation va être identifiée à la principale activité de loisir, tout en restant technique, de l’Internet. La “ touche ” personnelle du nouveau rédacteur en chef ne se fait ressentir qu’alors, avec deux numéros de retard, sur l’extension électronique de la publication.
La navigation est en effet au coeur de la nouvelle interface graphique du CD-Rom de .net, qui marque son entrée dans la dimension d’intermédiation par la porte du divertissement.
Les outils techniques permettant une pratique de loisir de l’Internet sont toujours fortement présents et plus que jamais séparés selon qu’ils servent pour une utilisation “ off-line ” ou “ on-line ”. Cependant, ils font désormais l’objet d’une égalité de traitement avec les éléments touchant directement au surf. Ces derniers apparaissent dans deux nouvelles rubriques.
La première, intitulée “ le bookmark ”, est présentée dans le CD-Rom par ces mots : ‘“ Tous les mois, retrouvez la sélection des sites du hit-parade et du répertoire : pour vous simplifier le surf, ils sont au format html. Bonne vague ! ”’. Mais l’atout principal de cette transposition sur support électronique des sites Web référencés dans les pages du magazine papier est évidemment qu’ils peuvent par ce biais devenir accessibles immédiatement, grâce à l’hypertextualité. Ce que ne manque pas de souligner le CD-Rom du n°8 “ Plus ! un super bookmark pour vous connecter d’un simple clic ”, dans le n°10 “ Pratique ! Les adresses des sites prêtes à cliquer ”, ou encore dans le n°11 “ Facile ! Des liens actifs vers des centaines de sites ”.
La seconde, se nomme “ Mygale ”, en référence au serveur qui abrita une grande majorité des sites Web créés par des amateurs en France, en particulier parce que son hébergement est gratuit 200 . Elle est présentée ainsi sur le CD-Rom : ‘“ Pas de panique, elle ne pique pas ! Elle se contente de tisser sa toile, la toile du Web. Mygale est un serveur, il accueille gratuitement plus de 6 000 sites Web. Ici, tous les mois, une sélection des meilleurs sites Mygaliens ”’. Et de manière encore plus détaillée dans les pages du support imprimé : ‘“ Désormais, .net accueille tous les mois une sélection de sites hébergés par Mygale : science fiction, recettes de cuisine, petits hommes verts, aviation ... Il y en a vraiment pour tous les goûts ! A vous les plaisirs de la navigation off-line à travers près de 30 sites aspirés pour atterrir sur votre CD-Rom ”’.
Le vocabulaire employé ici montre à quel point cette exposition de pages personnelles n’a pas d’autre objectif que le divertissement des lecteurs. Cette situation est toutefois provisoire car cette rubrique s’ouvrira bientôt à des sites Web plus institutionnalisés, et érigés en modèles. Elle accompagnera le mouvement plus général de .net, vers une approche de l’amateur tenaillé entre ses aspirations professionnelles et son passe-temps préféré, que la transformation de son CD-Rom en plate-forme pour la création ne fera que confirmer.
Avant de l’observer, notons qu’une cinquième partie existait sur ce CD-Rom dans cette période. Intitulée “ Embarquement immédiat ”, elle était destinée à aider les néophytes. Elle disparaîtra par la suite ou plutôt sera remplacée par une rubrique “ Cadeaux ! ”, masquant dans chaque livraison un nouveau logiciel présenté comme une surprise faite aux lecteurs consultant le CD-Rom.
Mygale émane à l’origine de l’initiative d’un étudiant de l’Université de Paris 8, qui dans le cadre de ses travaux, a monté un serveur capable d’héberger plusieurs milliers de sites Web “ personnels ”. Fondé sur une logique de gratuité et de participation de chacun des membres, les “ Mygaliens ”, il a longtemps incarné un modèle pour tous les Internautes venus sur le réseau dans les années 1995-1997. Mais il a également symbolisé la disparition de cet idéal d’inspiration cybernètique sur l’Internet, puisqu’un certain nombre de contraintes économiques (besoins de maintenance à temps plein rendant insuffisant le bénévolat initial, manque de mémoire des serveurs nécessitant l’achat de stations informatiques coûteuses, accusations de concurrence déloyale de la part de sociétés privées proposant des services payants d’hébergement Web, ...) ont entraîné son départ de RENATER, branche académique de l’Internet, jusqu’à des partenariats avec des acteurs marchands du domaine de l’Internet tels que Havas On Line et Multimania.